Les terminaux spécialisés mais aussi les stockages, les transformations industrielles et les axes de dessertes sont consommateurs d’espace. De même, le traitement des passagers avec leurs véhicules (ferry) ou sans (paquebot) évolue constamment. Dans tous les cas, les navires de plus en plus gros, les volumes plus importants et la quête des tirants d’eau qu’exigent l’accessibilité maritime et les surfaces pour les marchandises (terre-pleins, cuves, silos, garage…) ont déplacé les ports hors du cœur des villes.
Les complexes portuaires peuvent paraître extérieurs, hors villes maritimes modernes. En fait, le port est au cœur de leur caractère et de leur distinction. L’identité et le patrimoine, l’économie et l’attractivité forgent la nature des métropoles portuaires. On ne peut nier que villes et ports ont paru s’éloigner les uns des autres. Le symbole même a été la désaffectation des quais, des bassins et entrepôts « historiques », créant des friches coupant la ville de l’eau. Le mouvement ville/port, en engageant la double requalification de la façade portuaire (waterfront) et des friches, a permis de passer un cap symbolique.
Les petites et grandes opérations ont valorisé bien des cités portuaires sur les cinq continents au point de parfois devenir l’une des attractions touristiques et/ou culturelles comme les piers nord-américains, les ports anciens de Barcelone et Gênes, les musées Guggenheim de Bilbao et MAS d’Anvers, les opéras de Sydney ou Oslo.
Au-delà, ce sont des transformations de zones urbaines plus larges qui sont en chantier comme en France à Dunkerque, au Havre, Saint-Nazaire, Nantes ou Marseille. Les projets sont portés par la ville qui associent des dimensions diverses (commerce, culture, habitats, loisir) dans lesquelles l’économie maritime (administration, services) occupe une place naturelle. Le nouveau dimensionnement ville/port doit aussi être établi au rapport plus large entre métropole et complexe portuaire. La métropolisation des cités portuaires, en intégrant les agglomérations, ramène les territoires portuaires dans la problématique urbaine. Il y a le port avec ses emplois, ses créations de richesse mais aussi avec ses nuisances (navires, stockage, industries) et ses problèmes d’accessibilité.
L’espace urbain élargi doit intégrer les aménagements portuaires, logistiques et industriels. La rencontre est souvent problématique aujourd’hui à cause de la dimension environnementale notamment parce que les bords de mer ou d’estuaire sont les (rares) lieux d’accès à l’espace naturel ou réputé comme tel dans les métropoles maritimes. La contradiction urbaine du développement face à la nature à conserver, à protéger, se cristallise parfois dans les questions de l’espace portuaire. Les projets portuaires mal gérés par les différents acteurs peuvent devenir un nouveau sujet d’éloignement.
Un triptyque urbanité/portuarité/ environnement
Le nouveau temps ville/port s’engage donc dans un triptyque entre urbanité, portuarité et environnement où se jouent d’une manière très nouée la qualité de la vie, le développement économique et l’attractivité. Pour les métropoles maritimes, il faut organiser de la manière la plus intégrée possible ces trois enjeux. Une partie de la compétition entre ports, mais aussi avec les capitales et les autres polarités de l’intérieur se joue là. La métropole maritime moderne transforme les ports pour répondre aux flux de la globalisation et changer les cœurs portuaires, lieu de vie et de travail. Les deux sont liés dans la compétitivité internationale où se joue la marque de l’élément de valorisation économique.
Que peuvent tirer les ports de commerce des dynamiques ville/ port? Les autorités portuaires et les entreprises ont parfois considéré celles-ci comme invasives mais tirent finalement des avantages à cette modernisation de leur cité d’accueil. Les ports, y compris les plus performants, aiment à s’accompagner d’une image de marque valorisée par l’éclat que leur offre leur projet ville/port. Surtout que les terminaux à croisière, parfois audacieux, les sièges sociaux flamboyants des compagnies maritimes et les anciens docks rénovés abritant les entreprises portuaires participent directement à la dynamique ville/port.
La croisière, qui est une activité maritime en croissance continue, est consommatrice de ces villes portuaires transformées. La modernisation même des sites portuaires intègre si possible de manière marquante l’accueil des paquebots mais aussi un traitement de meilleure qualité des flux de ferry.
Le concept ville/port témoigne donc de l’implication de l’espace public dans les questions portuaires, certes parfois de manière contraignante (urbanité, environnement) mais aussi de la considération de l’importance fondamentale du développement portuaire. Celui-ci, au travers des emplois sur les quais, les industries et les bureaux, représente une partie très conséquente de l’économie de la cité maritime.
Les défis partagés sont aussi nombreux pour la ville et le port, qu’il s’agisse de l’intégration de l’intermodalité portuaire dans l’organisation des réseaux de transports des métropoles, de la modernisation des terminaux à ferry et du développement des autoroutes de la mer, de l’accueil des nouvelles filières portuaires ou industrielles comme les énergies marines renouvelables.