L’Association Villes et Ports est née de l’idée de Joël Batteux et d’Antoine Rufenacht, tous deux maire de ville portuaire (respectivement Saint-Nazaire et Le Havre), de créer une association en 1988 pour confronter les niveaux de relations entre les deux autorités. Rapidement, cette association s’est étendue à l’international. Plus de vingt plus tard, l’association est devenue AIVP (Association internationale des villes portuaires) dont les membres s’étendent de Saint-Nazaire à Vancouver en passant par Bata, Buenos Aires et Port Klang. « Quand nous avons créé cette association avec Antoine Rufenacht, indique Joël Batteux, les relations entre les villes et les ports étaient quasi inexistantes. Les ports valorisent les terrains. » Le constat a été rapidement fait, « les villes et les ports sont condamnés à s’entendre ». Et pour mieux comprendre cette obligation de relations parfois tendues, Joël Batteux n’hésite pas à parler d’un « cas d’école » pour Saint-Nazaire. Le développement de la ville s’est fait au travers du développement portuaire avant le second Empire. Dès lors que l’État a décidé de construire des bassins, le besoin s’est fait sentir de disposer de personnels. Bien plus, avec l’implantation des chantiers navals, ce personnel a dû trouver des logements fixes. La ville se développe, mais en relation avec le monde portuaire. « Villes et ports sont devenus consubstantiels », continue le maire de Saint-Nazaire.
Le développement de chaque entité, municipalité et port, n’a pas toujours été sans anicroches. Les relations ont parfois été tendues, mais aujourd’hui elles sont entrées dans une phase plus constructive. « Nous avons des relations fréquentes entre les deux autorités. Le liant principal de ces relations se traduit au travers de l’agence de l’urbanisme dans laquelle nous sommes tous présents. Par ailleurs, je siège au conseil de surveillance du Grand port maritime. Désormais, nous avons des relations fréquentes et nous menons de nombreux travaux en commun. » Une relation qui se joue à trois entre la ville, le port et la CCI qui s’appuie sur la réalisation d’une étude menée pour optimiser les surfaces portuaires.
Une réflexion que mènent les autorités intéressées par ce sujet d’interface entre la ville et le port sur 10 ans et 20 ans. Parmi les sujets de préoccupation actuels entre la ville et le port se trouve notamment la probabilité d’un nouveau trafic lié aux énergies marines renouvelables. Les chantiers de STX prévoient de réaliser les jaquettes des éoliennes offshore. Ce sont les bases en béton sur lesquelles reposeront les éoliennes. Un bloc de béton de 800 t à 1 000 t avec une hauteur de 70 m. Une aubaine pour la ville qui voit dans ce nouveau courant de trafic l’emploi de 2 000 personnes localement, mais qui s’interroge sur les zones d’entre- posage de ces blocs. « L’ensemble port et ville est mouvant par nature, souligne Joël Batteux. Nous voulons trouver un compromis d’équilibre entre les deux intérêts. » Le port, les industriels implantés localement, la ville et les citoyens sont intéressés par l’interface entre les deux. La région développe en ce moment un projet de centre d’interprétation et de valorisation de l’Estuaire pour expliquer à tous, grand public et professionnels, l’équilibre de cet espace tant écologiquement qu’industriellement et dans le temps. « Et les industriels souhaitent intégrer dans cette réflexion le personnel de leurs sociétés pour qu’ils prennent conscience des impacts. »
Industrie ou urbanisation?
Autre sujet qui soulève des discussions, le sort réservé au quartier du Petit Maroc. Situé entre l’écluse pour accéder au bassin et la mer, ce quartier de maisons suscite l’intérêt de la ville et du port. « Nous en avons discuté ensemble et nous avons finalement décidé qu’il serait un quartier avec un lieu festif », indique le maire de la ville. Et pourtant, le port aurait bien aimé pouvoir profiter de ce lieu pour étendre de nouvelles activités industrielles. À chaque fois qu’il est question d’un terrain en bord de mer ou que le port réorganise ses terrains, le choix entre activités industrielles ou urbanisation est débattu. Le sujet a été à l’ordre du jour lors de la présentation par l’autorité portuaire du nouveau paysage portuaire de Nantes Saint-Nazaire. Dans le cadre de cette nouvelle organisation, le port doit trouver de la place pour permettre le trafic des énergies marines renouvelables tout en conservant les trafics traditionnels comme le roulier et les sables. « Le roulier représente un potentiel d’emplois plus limité quand les énergies marines renouvelables offrent la possibilité de la création de 500 emplois sur une vingtaine d’hectares. Les élus ont clairement montré leur attachement à ce nouveau courant. »
Parce qu’à Saint-Nazaire les relations entre la ville et le port ne sont pas uniquement un sujet spatial, il s’agit aussi de réfléchir aux nuisances que l’industrialisation des abords de la ville peut créer pour les riverains. Récemment, l’implantation sur les bassins de Penhoët de l’usine d’huile de Cargill a suscité bien des craintes des riverains. « Notre port est industriel », continue Joël Batteux qui se veut rassurant face aux risques de cette installation. « Tous les risques sont pris en compte dans les plans de l’usine », indique le maire. Pour les associations de riverains, cette version est officielle mais ne rassure en rien. Le sujet sur le trafic agroalimentaire est souvent posé entre riverains et industriels. Lors des opérations portuaires, les trafics d’agroalimentaires sont souvent à générateurs de poussières. Le manutentionnaire cherche des solutions. « Nous avons encore des discussions sur le sujet qui restent constructives entre les riverains, le port et le manutentionnaire. Nous devons trouver des compromis et un équilibre. »
Joël Batteux a été plus loin dans les relations entre la municipalité et le port en intégrant dans cette réflexion l’aspect social de la démarche. « Une ville vit avec son port qui vient trouver sa main-d’œuvre parmi les citoyens. Les relations entre la ville et le port sont alors à appréhender aussi sur les questions de mobilité. » Les surfaces libres sur les zones industrialo-portuaires sont considérables. Alors, la ville songe à créer un système de ramassage et de navettes pour permettre aux salariés d’accéder plus facilement à leur lieu de travail. Une réflexion que la ville mène conjointement avec la CCI et le port. « Notre idée serait aussi de créer un parking relais sur une zone portuaire en coopération avec la CCI et le port pour que les personnes puissent se garer et emprunter les transports en commun. »