L’Union européenne voit ses parts de marché se faire grignoter par ses concurrents en Afrique de l’Ouest. Si le Vieux Continent demeure le premier partenaire pour les importations africaines avec 25 % de part de marché, elle voit la part de la Chine s’accroître. L’empire du Milieu représente, en 2010, 17 % des importations ouest-africaines. À l’export, l’Europe se fait distancer sur le terrain par les États-Unis. Ils entrent pour 29 % des exportations africaines quand l’Europe voit sa part atteindre 25 %. L’effet pétrole et la diversification des sources d’approvisionnement des puissances occidentales vers des pays comme le Nigeria ont eu un impact. Dans les dernières statistiques publiées par Eurostat, le commerce entre l’UE et l’Afrique de l’Ouest s’évalue aux alentours de 70 Mt. Un trafic largement déficitaire pour l’Europe qui importe quelque 55 Mt contre un trafic export estimé aux alentours de 15 Mt. La principale importation européenne se compose d’hydrocarbures. Le pétrole brut et les autres produits pétroliers et gaziers représentent quelque 34 Mt importées depuis l’Afrique de l’Ouest en Europe. La production nigériane d’une part, et l’essor de nouveaux champs pétroliers dans cette région d’autre part, offrent à l’Europe de nouvelles sources d’approvisionnement moins sujettes aux risques d’embargo comme peuvent l’être les pays du Moyen-Orient. Ce type de produit emporte aussi la plus grande partie des exportations européennes vers l’Afrique de l’Ouest avec un trafic de 13 Mt. Ainsi, au final, les hydrocarbures représentent les deux tiers du volume de trafic dans les deux sens entre les deux régions.
Hormis le pétrole, les trafics entre les deux régions se composent de vracs. À l’export d’Afrique de l’Ouest, 16 Mt de minerais de fer et d’aluminium sont expédiées chaque année vers l’Europe. En retour, l’Europe exporte environ 2 Mt de céréales vers cette région.
Des taux de croissance à deux chiffres pour les conteneurs
Si les vracs pèsent lourdement dans les relations entre les deux régions, le trafic conteneurisé enregistre des taux de croissance à deux chiffres sur les dernières années. Des conteneurs qui servent notamment pour les trafics de marchandises conventionnelles. À l’export d’Afrique, les fruits et légumes sous température dirigée, le cacao et des produits agroalimentaires. À l’export d’Europe, une partie des vracs se conteneurise, à l’image du ciment ou de produits agricoles. Dans ses statistiques mensuelles, Container Trade Statistics constate une hausse de 16 % du trafic conteneurisé en 2011 à 2,4 MEVP. L’analyse porte sur tous les pays d’Afrique subsaharienne, comprenant donc aussi une partie d’Afrique du Sud et de l’Est. Cette progression en 2011 suit une hausse en 2010 de 9 %. Au total, sur les deux dernières années, le trafic conteneurisé avec l’Afrique subsaharienne a crû de 25 %. La croissance de ce trafic ne doit pas cacher une réalité plus difficile, le déséquilibre des flux. Pour deux conteneurs exportés d’Europe, un seul fait le voyage en sens inverse. Un trafic en hausse, mais des taux de fret qui, selon les données fournies par CTS, décollent difficilement. Pour un indice 100 en décembre 2008, les taux de fret à l’import d’Afrique sont estimés aujourd’hui aux alentours de 75, et ils sont à 95 à l’export d’Afrique.
Infrastructures portuaires
La croissance du trafic conteneurisé en Afrique et notamment sur la côte occidentale pose la question du développement des infrastructures portuaires. Les principaux terminaux à conteneurs de la région sont concédés auprès des groupes de manutention. Ils ont tous vu cette région comme un nouvel eldorado. Le groupe Bolloré, au travers de sa filiale Bolloré Africa Logistics, a eu une longueur d’avance de part sa présence depuis plusieurs décennies. Avec un pied dans les grands ports de la région, il s’impose comme un leader sur la place. Il a été suivi par d’autres groupes et voit la concurrence s’aiguiser au fur et à mesure des années. Ses concurrents viennent de tous les horizons. Des sociétés françaises tentent l’aventure africaine avec plus ou moins de réussite, à l’image du groupe Progosa et de Necotrans. Pour éviter de mettre tous leurs œufs dans le même panier, les gouvernements africains ont décidé de faire appel à des consortiums. Bolloré n’est parfois plus tout seul même si, au quotidien, il gère l’exploitation du terminal. Parallèlement aux Français, les grands groupes mondiaux de manutention ont posé leurs premiers jalons dans la région. APM Terminals, filiale du groupe Mærsk, côtoie Bolloré dans certains ports, voire même dans des terminaux. Hutchison Ports, DP World et plus récemment Ictsi investissent la côte occidentale d’Afrique. La bataille fait rage parce que la région se cherche encore un hub. Si, aux dires de certains opérateurs, Lagos a le plus de chances de prendre cette place, d’autres demeurent dans la course. En effet, le port nigérian de Lagos a le double avantage de pouvoir accueillir des navires de grand gabarit mais aussi de disposer d’un des plus grands marchés d’Afrique avec une population en constante croissance. Port de transbordement et port pour le marché intérieur, Lagos se développe à grande vitesse. Face à lui, des établissements comme Abidjan ont une carte à jouer. Porté par des investissements du groupe Bolloré, le terminal a été porté à des standards européens. DP World n’a pas encore baissé les bras et veut faire de Dakar une plate-forme de transbordement mais aussi pour le trafic avec les pays enclavés comme le Mali, le Burkina Faso et le Niger. Plus au sud, les capacités nautiques du port de Pointe-Noire lui offrent des atouts considérables avec en plus un marché important dans son hinterland naturel. La compétition pour s’imposer dans cette bataille de hub vient se compliquer avec la volonté des États de créer de nouveaux ports. Au Cameroun, le futur terminal de Kribi aura des capacités nautiques et devrait être aligné sur les standards internationaux. Au Bénin, dans le cadre de l’épine dorsale ferroviaire vers le nord du pays, le gouvernement prévoit un nouveau port à Sémé Podji qui pourrait aussi venir jouer les trouble-fête. Des nouveaux ports qui ont un handicap majeur, ils sortent difficilement de terre et pourraient perdre une bataille faute d’être présent le jour des décisions. Au final, ce seront les armateurs qui décideront quel port est le plus à même à répondre à leurs attentes. Et certains avancent déjà l’idée de deux ports sur cette côte: l’un tout au nord avec Tanger ou les Canaries, et l’autre tout au sud dans la région de Walvis Bay. Les ports de la côte étant desservis par des feeders. Une troisième alternative qui ne fera pas le jeu des ports ouest-africains qui pourraient alors voir les investissements locaux se ralentir. Une autre possibilité serait de voir des armateurs prendre des parts dans ces terminaux pour en faire des ports dédiés. La situation a déjà été vécue. MSC a investi à San Pedro en Côte d’Ivoire pour jeter les bases d’une base logistique. CMA CGM s’est tenté à prendre des positions dans les îles du Cap Vert. Zim a tenté l’expérience en prenant des participations dans un terminal de Tin Can, à Lagos, avant de jeter l’éponge.