Les navigants aiment bien lire des histoires de marins, constate le Seafarers International Research Centre de l’Université de Cardiff. La MAIB répond à leur attente.
Premier cas: un grand paquebot équipé de stabilisateurs de la dernière génération va rencontrer du fort mauvais temps de nuit. L’équipage et les passagers sont informés; les seconds sont invités à la plus grande prudence durant leur déplacement. Se rendant compte qu’il ne pourrait pas apprécier l’état de la mer dans l’obscurité, le commandant informe l’équipage et les passagers qu’il va mettre en panne, dans l’espoir que la dépression passe devant le navire. La route est donc modifiée pour que le paquebot soit dans le lit du vent et du champ de vagues, à vitesse réduite. Le spectacle est annulé, la piscine principale vidée mais les services de restauration et de bar sont maintenus. Plusieurs fois, le navire roule de plus de 30o d’un bord sur l’autre. Passagers, navigants et mobilier « valsent » à travers le navire. De nombreux passagers sont blessés, certains sérieusement. Des espaces publics ou non sont jonchés de débris de meubles et de vaisselle. Certains couloirs sont bloqués. Les passagers sont finalement priés de rejoindre leur cabine. Une partie de l’équipage porte assistance aux blessés. Une autre commence à nettoyer le navire.
Faux sentiment de sécurité
La MAIB rappelle que, lorsqu’un navire navigue à faible vitesse, l’efficacité de ses stabilisateurs est considérablement réduite. Ils agissent comme une simple quille d’antiroulis. « Cependant, leur présence donne à l’officier de pont un faux sentiment de sécurité selon lequel tout roulis peut être atténué. Les stabilisateurs dynamiques devraient être testés aux différentes allures et états de mer afin que leur efficacité réelle puisse être prise en compte par l’officier de quart lorsqu’il examine les différentes routes possibles pour atténuer l’effet du mauvais temps. »
L’incapacité du personnel de passerelle de percevoir l’état de la mer de nuit pourrait être diminuée en l’équipant de jumelles à vision nocturne ou à amplification de lumière, suggère la MAIB.
En cas de fort mauvais temps, le BEA mer britannique propose que soient prises des mesures adaptées: piscines et spa vidés, bars et boutiques fermés, restauration limitée.
L’assujettissement permanent ou temporaire des meubles, équipements et autres objets devrait faire l’objet d’une étude précise en tentant compte des conséquences en cas de circulation sans étrave de ces mobiles. « Bien que la réglementation de l’OMI ne traite pas ce sujet, une attention spéciale devrait être portée au niveau d’utilisation réelle des zones de rassemblement des passagers lorsque le roulis est important. »
Inexpérience et manque de communication: un dangereux mélange
Un commandant de remplacement d’un ferry s’apprête à appareiller d’un port régulièrement touché. La nuit est calme et claire. La marée commence juste à monter. La passerelle est très correctement équipée « mais » tous les autres officiers sont recrutés pour des durées déterminées. Il n’y a pas eu de préparation du voyage avant le départ et pratiquement aucun échange d’informations entre les officiers depuis. Peu après le départ, le commandant est « distrait » par l’indication de la hauteur d’eau disponible qui est inférieure à ce qui était prévu, ainsi que par le sondeur qui fonctionne par intermittence. Dans le même temps, il négocie un virage pour suivre le chenal. Il vire trop large et s’échoue sur la rive opposée. Ni le second capitaine, ni le premier lieutenant ne préviennent le commandant du danger. Durant 45 minutes, ce dernier manœuvre pour se déséchouer. Il n’informe personne, ni les garde-côtes, ni l’autorité portuaire, ni sa compagnie pas plus que les passagers ou la machine. Personne en passerelle ne consulte la check-list de « post-échouement ». Comprenant que le navire est échoué, le chef mécanicien, lui aussi de remplacement, ne contacte pas la passerelle pour ne pas déranger le commandant. « Bien qu’il prenne quelques précautions, le chef mécanicien omet de consulter les check-lists et personne ne vérifie la bonne étanchéité de la coque. » Le ferry finit par se libérer grâce, en partie, à la marée montante. Il reprend sa route sans aucune vérification de la propulsion ni de l’appareil de direction et sans notification de l’incident dans le journal de bord. Ce sont des ouvriers qui, à quai, ont noté l’immobilité du ferry et attirent l’attention des autorités, le lendemain. Les enseignements qu’en tire la MAIB sont sans surprise: « Une bonne équipe de passerelle aurait dû s’apercevoir que le navire tournait trop large et risquait de s’échouer. Elle aurait du prévenir en temps utile. L’équipe de passerelle a besoin de connaître les intentions du commandant si ses actions doivent être surveillées de façon efficace. Cela passe par une bonne préparation avant le départ et des échanges durant la manœuvre. Il est important que toutes les autorités soient informées de tous les incidents, le plus tôt possible, même si le navire ne demande aucune assistance. Elles peuvent ainsi surveiller l’évolution de la situation et réagir le plus rapidement en cas de détérioration. Une équipe plus expérimentée à la passerelle, cette nuit-là, aurait sans doute conduit tout ou partie des opérations de déséchouement de façon plus rigoureuse. »
La MAIB n’indique pas si la capitainerie du port (dont le nom n’est pas précisé) était équipée d’un radar et/ou d’un récepteur AIS et comment était assurée la veille de ces équipements. Le BEAmer britannique n’indique pas plus comment l’exploitant a remédié aux défaillances constatées.
Dans un autre registre, les pilotes pourraient être intéressés par le rôle joué par l’effet de berge et de squat dans la survenance d’une collision frontale entre deux navires de charge.