Dans son édition du 22 décembre 1932, le Journal de la Marine Marchande reprend un article d’Henri Tasso, président de la commission Marine marchande de la Chambre des députés, publié quelques jours auparavant dans Le Populaire. Le député de la SFIO y propose des remèdes contre la crise maritime qui sévit alors. Il s’inquiète de voir les navires à la chaîne dans les ports, « un million de tonnes sont à la chaîne », indique-t-il. « Le capitalisme est aujourd’hui incapable de présenter des solutions efficaces pour essayer d’enrayer le marasme actuel, et plus particulièrement dans le domaine maritime », souligne Henri Tasso. La conséquence du marasme économique conduit au chômage de nombreux dockers et marins. « Il a fallu tout inventer car notre administration a toujours ignoré qu’il y avait un prolétariat maritime. » Le député demande que les chômeurs de la mer soient reconnus comme les autres. En 1932, le marin doit attendre 30 jours avant d’avoir droit à des indemnités de chômage. « Cela est aussi inhumain qu’injuste. Nous en demandons la suppression immédiate. » À cette période de 30 jours viennent s’ajouter les conditions de paiement des indemnités de chômage dans les petits ports qui ne disposent pas toujours des administrations. « L’État doit se résoudre à faire son devoir envers tous les inscrits maritimes. » Afin d’éviter que les marins deviennent des « parias parmi les travailleurs », Henri Tasso souhaite que l’État prenne ses responsabilités pour leur permettre d’avoir leur temps de navigation et faire ainsi valoir leurs droits à la retraite. Il pose aussi la question des travailleurs étrangers. « Le pont, le restaurant, la machine sont surpeuplés d’une main-d’œuvre de couleur étrangère accueillie avec trop de facilité et exploitée sans vergogne, qui devrait aujourd’hui céder sa place aux marins inscrits maritimes et immatriculés en France. » Il préconise alors le retour de ces marins dans leur pays ou colonie d’origine, « car il ne faut pas qu’ils deviennent de véritables épaves sur les pavés des grandes villes ».
Cette crise de l’emploi maritime déborde sur le travail des dockers, les marins tentant de travailler sur les quais pour pallier le manque d’embauche sur les navires. « En temps de crise les professionnels ont à lutter tous les jours pour défendre leur gagne-pain contre des dockers occasionnels prêts à toutes les soumissions, et le patronat sait en profiter. » La solution serait alors de créer une carte professionnelle pour les dockers. Une réforme qui devra attendre 15 ans avec la loi de 1947 qui instituera la carte professionnelle pour les dockers.
Pour faire face à la crise économique et sociale, Henri Tasso a proposé en 1932 la nationalisation de la Marine marchande française. « Ce sera là le meilleur moyen de ranimer cette branche importante de notre activité nationale, de comprendre et servir les intérêts de tout le prolétariat maritime. »