TK-Bremen: « faites au mieux », commandant

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À 11 h, le 15 décembre, le TK-Bremen, lège, quitte Lorient. Construit en 1981 et immatriculé à Malte, ce transporteur de diver­ses et de vrac mesure 109 m de long pour 16,40 m de large. Sa vitesse est donnée à 12,5 nœuds. Il est classé, selon les normes du PSC, en risque « standard », note le BEA. Bien que la décision d’effectif soit de 12 marins, le jour de l’accident, l’équipage est formé de 16 navigants turcs et trois Azerbaïdjanais. La langue du bord est le turc.

Informé des prévisions météorologiques « très mauvaises », le second capitaine demande en début d’après-midi du 14 décembre à rester à quai, après le déchargement. Cela lui est accordé jusqu’à 8 h le lendemain matin. À la suite d’une certaine confusion dans la communication portuaire, le commandant apprend par le pilote qu’il avait commandé pour un départ à 11 h, qu’il peut rester à quai. Le navire devra payer « quelques centaines d’euros » pour le déplacement du remorqueur et des lamaneurs. Après consultation de son armateur, le commandant décide d’appareiller, les conditions étant encore « maniables » jusqu’aux passes. Sur les conseils du pilote, le navire mouille à Groix en attente d’accalmie. Mais en fin d’après-midi, le vent fraîchit. Vers 19 h 40, le navire commence à chasser sur sa seule ancre. Il « n’utilise pas suffisamment sa machine pour tenir et ne mouille pas sa deuxième ancre ». N’étant plus protégé par l’île, le commandant décide de relever son ancre pour se repositionner et éviter ainsi de se rapprocher du Desert-Hope qui attend, lui aussi au mouillage, de pouvoir entrer au port. Tentative vaine mais observée par le sémaphore qui tient informé le Cross. « Le navire se trouvant en dehors des limites administratives du port, l’officier de service à la capitainerie n’interroge pas le bord sur les raisons de ce déplacement. »

À 20 h 04 et à 22 h 34, le TK-Bremen tente vainement de contacter la capitainerie par VHF. Le sémaphore signale au Cross ces divers changements de position qui sont « d’abord interprétés comme une succession de déplacements volontaires d’un navire ayant relevé son ancre et faisant route vers un meilleur mouillage. […] Il ressort ainsi des communications qu’à aucun moment, pendant la période où le navire chassait, le commandant […] n’a été interrogé sur la situation “technique” de son mouillage (ancres, longueur de chaîne, utilisation de la machine…). Cette prise de conscience tardive des difficultés du navire à tenir son mouillage et notamment l’insuffisance d’utilisation de la machine et de la 2e ligne de mouillage n’a pas permis d’apporter au commandant l’appui extérieur dont il avait besoin. Cet appui aurait pu être apporté avec profit, sous forme de conseils, par le pilote ayant servi le navire, également de permanence ce soir-là, sous réserve qu’il ait été alerté en temps utile ».

À 0 h 38, le commandant turc demande l’assistance d’un remorqueur. Le Cross lui annonce une arrivée sur zone vers 2 h. À 1 h 37, il lui est indiqué que le remorqueur ne peut intervenir. Le Cross « conseille néanmoins au commandant de “faire au mieux” pour tenir sa position. Le navire accuse réception ».

Malgré le mouillage de ses deux ancres au niveau de la ria d’Etel, le navire chasse toujours et finit par s’échouer sur la plage de Kerminihy à 1 h 56. Par force 12, onze marins sont hélitreuillés vers 3 h 45. Le pilote de l’hélicoptère insiste auprès du commandant turc pour que soient évacués les huit autres marins restés à bord. Ils débarquent à Lann Bihoué vers 5 h. Le TK-Bremen sera démantelé sur site en quelques semaines. Non sans avoir provoqué une émotion certaine.

Les deux déterminants

Le premier facteur déterminant de l’accident réside dans les conditions météo « très difficiles ». Le second facteur vient de l’insuffisance d’utilisation de la machine compte tenu des conditions du moment et du fait de ne pas avoir mouillé immédiatement la 2e ancre. Le fait d’être sur lest, donc d’avoir le plus grand fardage possible, ce qui limite la capacité à remonter au vent, a constitué un facteur sous-jacent.

« La décision de quitter Lorient et de prendre un mouillage d’attente ne peut être retenue comme un facteur contributif au sens du code de l’OMI sur les enquêtes après accident, même s’il est évident que le fait de différer l’appareillage aurait évité l’accident », souligne le BEA.

Directive à transposer

Les recommandations du BEA tiennent en une demi-page. Il est recommandé à l’administration chargée de la réglementation portuaire de bien vouloir transposer en droit français la totalité de la directive CE 2002/59 sur la mise en place d’un système communautaire de suivi du trafic des navires et d’information. En effet, les paragraphes 1 (alinéa a) et 2 de l’article 18 n’existent pas dans le code des ports. Ainsi le § 1 stipule que « si les autorités estiment, lorsque les conditions météorologiques ou l’état de la mer sont exceptionnellement défavorables, qu’il existe un risque grave de pollution de leurs zones maritimes ou côtières ou des zones maritimes ou côtières d’autres États ou que la vie humaine est menacée, elles de­vraient fournir, lorsque cela est possible, au capitaine d’un navire qui se trouve dans la zone portuaire concernée et souhaite pénétrer dans ce port ou en sortir toutes les informations sur les conditions météo-océaniques et, le cas échéant et lorsque cela est possible, sur le risque que celles-ci peuvent présenter pour son navire ainsi que pour la cargaison, l’équipage et les passagers de celui-ci ».

Le § 2 demande que « lorsque la décision prise par le capitaine du navire n’est pas conforme aux mesures visées au § 1, il informe les autorités compétentes des raisons de sa décision ».

Le commandant turc aurait ainsi pu être informé clairement de la situation météo et des conditions d’accueil. Le BEA recommande également aux autorités territoriales et maritimes « d’encadrer la zone de mouillage d’attente de Lorient: délimitation, statut, surveillance et intervention ».

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