JOURNAL DE LA MARINE MARCHANDE (JMM): COMMENT SE DEROULE VOS PREMIERS JOURS AU HAVRE? QUELLE EST VOTRE FEUILLE DE ROUTE?
HERVÉ MARTEL (H.M.): Mon premier jour au Havre a été particulièrement animé avec la venue des responsables de GDF-Suez, Vinci, Areva et CDC Infrastructures, les partenaires du groupement industriel qui vise l’obtention du marché de l’éolien offshore sur les trois parcs normands que sont Dieppe Le Tréport, Fécamp et Courseulles-sur-Mer. C’est une réelle opportunité pour Le Havre et son port. C’est une bonne entrée en matière. J’ai rencontré également quelques représentants syndicaux. Puis, je me rends au salon international du transport et de la logistique (SITL) à Paris. Puis, une série de rencontres est planifiée avec les différents services du Grand port maritime. J’arrive au port du Havre à un moment intéressant de son histoire. Je ne souhaite pas évoquer la réforme portuaire. C’est quelque chose qui appartient au passé, désormais. J’ai plutôt envie de parler de fiabilité retrouvée. L’enjeu aujourd’hui, c’est de retrouver des trafics pour le port. Nous avons encore beaucoup de travail devant nous, notamment dans les domaines de l’action commerciale, de la communication. Il faut développer notre posture vis-à-vis des clients, leur offrir les services qu’ils attendent. Il faut nous positionner comme des partenaires. Je veux porter un deuxième message. Je vois le développement du port comme un sport collectif. Le service qu’achète le client n’est pas un produit du GPMH mais c’est une somme de services. Il faut jouer collectif. Ma feuille de route est toute tracée. Je me situe dans la continuité du projet stratégique du port. Il s’agit de finaliser les projets en cours, notamment le chantier de la plate-forme multimodale qui a démarré. Le dialogue social est également une chose importante sur une place comme Le Havre. Je n’ai pas encore regardé le dossier relatif à la maintenance. Mais pour moi, il y a une évidence. Il serait logique que la maintenance de premier niveau soit assurée par l’exploitation. Le maintien d’une maintenance au sein du GPMH ne me paraît pas envisageable à long terme. Il va falloir trouver des solutions avec les syndicats et les opérateurs.
JMM: COMMENT VOYEZ-VOUS L’AVENIR POUR LE PORT DU HAVRE? QUELS SONT LES ATOUTS?
H.M.: L’éolien est une chance si le consortium remporte l’appel d’offres. Les perspectives sur le trafic pétrolier ne sont pas extraordinaires. On connaît les difficultés de l’industrie du raffinage. C’est compensé par d’autres secteurs qui marchent bien comme le roulier. En 2020, on fixe la barre des cinq millions de conteneurs. Sommes-nous armés pour ça? Je pense que nous avons encore du chemin à faire. Mais il y a de bons signes. Le choix de MSC qui s’implante sur Port 2000 est une chose très encourageante et positive. Le Havre est idéalement placé. Nous avons des services de qualité. La fiabilité a été retrouvée. C’était une attente forte des armateurs. Nous avons des routes qui ne sont pas saturées, un avantage par rapport à nos concurrents également. Pour le ferroviaire, les choses sont un peu plus compliquées. Il est encore difficile de faire passer les trains du port sur les réseaux. Les opérateurs de transport combiné sont demandeurs. Le nombre de sillons n’est pas suffisant. La plate-forme multimodale a pour vocation de faciliter les choses. Il y a dix ans, le fluvial était quelque chose d’encore un peu confidentiel qui se cantonnait souvent à des trafics de céréales. Aujourd’hui, c’est un secteur particulièrement performant et dynamique avec des taux de croissance à deux chiffres. Le fluvial est une vraie solution innovante. D’ailleurs, la presse s’y intéresse de plus en plus. Avec le Grenelle de l’environnement, le développement durable, le fluvial est presque un phénomène de société. Casino ou Carrefour s’y sont mis car il y a une vraie logique économique derrière tout ça. Pour Port 2000, il existe un consensus pour dire qu’il faut une liaison directe avec le fleuve. Alors une écluse ou une chatière? Des études sont menées pour trouver la bonne solution. À la fin de l’année, il faudra arbitrer. Ce serait un plus, c’est clair. Au Havre, nous avons également des douanes particulièrement performantes et ça, on ne le dit pas assez souvent. Un produit comme AP+ a fait ses preuves également. Il faut favoriser les implantations logistiques. Là dessus, nous sommes 30 % moins cher qu’à Rotterdam. Les mauvaises habitudes qui sont prises pour aller voir ailleurs doivent changer.
JMM: JOUER COLLECTIF, C’EST LE BUT D’HAROPA. QU’EN PENSEZ VOUS?
H.M.: C’est effectivement le but au niveau de l’axe Seine. Les clients attendent des infrastructures mais également des accompagnements pour la chaîne logistique globale. Lorsque j’étais directeur de Ports de Paris, nous avons travaillé sur les grandes orientations stratégiques tout comme pour Le Havre, sauf que pour Le Havre, la situation est plus concurrentielle. Certains responsables syndicaux ont posé la question d’une fusion des ports, un élément qui est apparu dans le rapport qu’Antoine Rufenacht a remis au Premier ministre. Je pense que le GIE Haropa est l’outil adéquat pour répondre à l’objectif de coopération voulu sur l’axe Seine. Je ne vois pas ce qu’une fusion des ports apporterait de plus. C’est quelque chose de prématuré. L’ancrage territorial est important. Je crois qu’il est impératif de maintenir les établissements. Une bonne coordination est porteur de quelque chose de positif. Le GIE, c’est l’idée d’un guichet unique. C’est avoir la possibilité d’avoir un seul et même interlocuteur pour un grand chargeur. C’est apporter un package, une offre globale sur l’axe Seine. L’objectif est de s’adresser à des clients qui viennent d’ailleurs. Nous nous adressons à eux. Il faut savoir qu’un conteneur sur deux à Paris passe par Anvers. C’est également une démarche d’écoute. Une des premières missions du GIE, c’est l’élaboration de programmes stratégiques applicables rapidement. La psychologie joue un rôle important dans le domaine de l’offre de transport. Ce n’est pas parce qu’on a la meilleure offre, la meilleure solution, qu’on l’achète.