JOURNAL DE LA MARINE MARCHANDE (JMM): UN AN APRÈS LA MISE EN PLACE DE LA RÉFORME PORTUAIRE, COMMENT ANALYSEZ VOUS LA SITUATION? QUELLES SONT LES RÉPERCUSSIONS?
LAURENT DELAPORTE (L.D.): Juste après la réforme, de nombreuses choses ont été annoncées dans un pseudo-plan de relance. Or aujourd’hui, on constate que l’activité n’est pas là. Les détachements devaient, à entendre certains, ramener des trafics, des gains de productivité. Le constat, c’est que les trafics baissent localement mais aussi au niveau national. Nous sommes toujours en discussion pour trouver des solutions pour la maintenance. Nous avons demandé au Grand port maritime de s’organiser en interne. Au cours de l’été 2011, il y a eu de vrais problèmes de sous-effectifs au sein du département maintenance (DPO) qui a été créé. Le projet stratégique prévoyait 75 postes. Or au cours de l’été, les effectifs ont été de 57 salariés. Il a fallu faire des heures supplémentaires. Ce sous-effectif chronique a imposé des changements de jours de repos, plus de flexibilité. À la rentrée 2011, il y a eu près de 120 dérogations correspondant principalement à des changements d’horaires de travail, des vacances décalées. La CGT a alerté la direction du GPMH car tout cela a des répercussions sur la sécurité. Il n’y pas eu de grèves mais les choses ont été tendues sur le terrain. Les tables rondes se sont multipliées avec le GPMH et finalement, au mois de décembre, nous avons obtenu six embauches. Mais en janvier 2012, il y a eu cinq départs. Toujours en janvier, nous avons relevé 98 dérogations sur une période de sept semaines. Aujourd’hui, de nouvelles tables rondes sont organisées pour trouver enfin des solutions. Nous refusons toute forme de détachement et de mise à disposition. Les opérateurs, eux, voudraient gérer leurs opérations de maintenance. Or nous sommes l’opérateur historique dans ce domaine. Les contrats de maintenance ont été prolongés jusqu’au 31 mars. Il faut que chacun puisse trouver sa place dans cette affaire. Nous avons tout de même bon espoir de retrouver de la sérénité. Il est clair que cette affaire constitue un dommage collatéral de la réforme portuaire.
JMM: Y A-T-IL D’AUTRES SUJETS DE MÉCONTENTEMENT?
L.D.: Le GPMH réorganise les services sur le dos des salariés. On ne remplace pas les départs. Aujourd’hui, nous comptabilisons 150 personnes non remplacées. En juillet 2007, à l’occasion de la pré-annonce de la réforme, il a été clairement annoncé que l’on n’embaucherait plus. Tous les secteurs sont concernés, la maintenance, les ateliers, les écluses, l’exploitation et le secteur ferries et croisières. Cette politique vise à réduire les moyens et à externaliser les services, tout ça sur fond de crise économique et d’attentisme des opérateurs et des armateurs. La réforme est dénuée de bons sens. Ce n’est pas le bon outil pour relancer la machine. L’État a injecté 174 M€ dans les sept plus grands ports de France. Pour comparaison, le Brésil injecte 1 Md€ dans les ports. Concernant les dommages collatéraux de la réforme, nous avons également alerté la direction du GPMH sur des problèmes d’interprétation de la convention collective qui ont des répercussions directes sur les grilles salariales, les effectifs, les classifications. Certaines personnes risquent de perdre 30 % de leurs salaires, par exemple. Ces nouvelles grilles sont également un risque nouveau pour des personnes qui seraient embauchées. Laurent Castaing est parti en février en laissant derrière lui une multitude de dossiers ouverts. Paul Scherrer, le directeur par intérim, a accepté de nous écouter et un dialogue s’est instauré. Il y a eu un petit changement de ce côté-là. Nous attendons maintenant la manière dont Hervé Martel, le nouveau directeur, va gérer tous ces dossiers.
JMM: QUE PENSEZ VOUS DU GIE HAROPA ET DE L’IDÉE DE FUSIONNER LES PORTS?
L.D.: Au mois de novembre, nous avons été consultés sur un document d’orientation. Il y a eu cette idée d’un GIE qui regrouperait les trois ports du Havre, Rouen et Paris. La CGT a fait travailler ses experts sur ce sujet. Nous avons posé des questions du point de vue juridique et social. Le comité d’entreprise du GPMH a émis un avis favorable de principe sachant qu’un regroupement est une chose qui peut s’avérer intéressante. Finalement, le GIE a vu le jour sans revenir vers nous. Nous avons appris par la presse qu’Haropa était né. Nous avons organisé une réunion syndicale à Rouen car, sur certains sujets, nous avons eu des réponses floues et évasives. Le rapport d’Antoine Rufenacht n’est qu’une préconisation. Lors du comité d’entreprise du 23 février, nous avons rappelé que nous n’avons pas eu de réponses à nos questions. Il a été décidé de voter une motion de suspension des discussions. La CGT a écrit à Philippe Deiss, le président du GIE Haropa, pour le rencontrer. Un planning de consultation est prévu. La CGT ne peut pas être contre ce principe de GIE à condition qu’on ne fasse pas les choses au détriment des salariés, de leurs statuts ou des places portuaires elles-mêmes. Nous demandons toujours des éclaircissements. Nous voulons savoir ce qui se cache derrière tout ça. Il faut toujours se méfier des réorganisations. Prépare-t-on une grosse mutualisation des moyens? Les syndicats à Rouen sont également inquiets.