Bien qu’attendue, la décision a laissé les compagnies désorientées. Visiblement réunis sous le pavillon des compagnons d’infortune, les dirigeants de la SNCM, de la CMN et de Corsica Ferries se sont montrés avares de commentaires. Et si, au lendemain du vote, les marins CGT ont décidé de lancer un mouvement de grève, c’était pour lever le mot d’ordre quelques heures plus tard. L’heure est aux calculs sur sa propre dérive et celle de ses concurrents. La décision des élus corses de réduire l’enveloppe de la continuité territoriale maritime comporte plusieurs paramètres. D’abord, le périmètre d’application qui sera réservé au seul port de Marseille. L’aide sociale aux passagers (16 M€) qui s’applique aux ports de Nice et Toulon sera supprimée. Elle a accompagné la Corsica Ferries dans son ascension au titre de première compagnie desservant l’Île de Beauté.
La dotation de la DSP proprement dite, que se partagent la SNCM et la CMN au départ de Marseille, sera allégée quant à elle de 32 M€ par le biais de réduction de services, avec notamment la fin du « service complémentaire » portant sur les périodes de pointe du trafic. Ce point a été remis en cause par les juridictions. Conséquence de la future mouture de la DSP qui devrait s’appliquer à compter du 1er janvier 2014, les rotations exigibles entre le continent et la Corse seront réduites à 23 hebdomadaires. Le nombre des passagers pris en compte tombe à 410 000 contre plus d’un million actuellement. L’accent est par contre mis sur le fret avec une capacité de 1,4 million de mètres linéaires annuels. Enfin, autre nouveauté, la durée de la DSP sera étendue à 12 ans (contre 6-7 ans actuellement). Au regard de ces données, la flotte alignée au départ de Marseille par la SNCM et la CMN paraît surdimensionnée tandis que celle de la Corsica Ferries aura du mal à se priver des aides alors que le coût des combustibles obère les comptes.
Des mois houleux à venir
Dans quelles proportions les lignes de ce qui n’est encore que le premier jet du futur cahier des charges (il devrait être plus précisément élaboré lors de la prochaine réunion de l’assemblée de la Corse) seront pris en compte dans la convention transitoire? Saisie par la Corsica Ferries, la justice a en effet fixé la fin de l’actuelle délégation au 1er septembre 2012. Les mois qui suivent promettent d’être houleux pour les compagnies concernées. Et en particulier pour la SNCM, dont Paul Giacobbi a annoncé qu’il rencontrerait prochainement le principal actionnaire, Veolia. Le président de l’exécutif corse a peu goûté la dernière proposition d’achat de la compagnie pour l’euro symbolique. « Ce n’est pas la DSP qui est en cause mais la gestion calamiteuse de la compagnie qui prétend aujourd’hui que la collectivité de Corse doit régler l’ardoise de son incurie », a-t-il exposé.