Après une année de stabilité en 2011, les premiers mois de 2012 sont plutôt alarmistes pour les armateurs opérant entre l’Europe et l’Amérique du Nord.
L’Amérique du Nord est pour l’Union européenne un partenaire commercial de premier rang. Les États-Unis sont le premier partenaire économique des 27 pays de l’Union européenne, devant la Chine, la Russie et la Suisse. Avec 242 Md€ de marchandises exportées depuis l’Union européenne, les États-Unis ont représenté, en 2010, le premier partenaire commercial du continent. À l’importation, les États-Unis se placent en seconde position derrière la Chine avec 170 Md€ en 2010. Au cours des dernières années, la valeur de la balance commerciale entre les deux continents est restée stable. Les exportations européennes sont plus importantes, en dollars, que les importations. Les produits de luxe envoyés par la France, notamment, et les exportations de machines-outils allemandes, pèsent dans la balance.
Les trafics conteneurs sur le transatlantique nord représentent entre 10 % et 20 % de l’ensemble des trafics conteneurisés de l’Europe. Le marché transatlantique conteneurisé a été stable au cours des dernières années. En 2008, les trafics import et export d’Europe sont à l’équilibre avec 3,3 MEVP transportés dans les deux sens. En 2009, la baisse plus importante des trafics en provenance d’Amérique du Nord a commencé à dérégler le marché. Le marché en importation d’Europe a perdu 25,1 % à 2,5 MEVP quand celui de l’exportation n’en perd que 15,2 % à 2,8 MEVP. La balance n’a pas été redressée depuis. En 2011, elle s’est même aggravée. Les volumes de conteneurs en sortie d’Europe ont progressé plus vite que dans le sens inverse. Au final, l’an passé, avec une évolution de 8,4 %, le trafic conteneurisé en sortie d’Europe représente 3,3 MEVP quand en sortie d’Amérique du Nord il pèse 2,8 MEVP après une hausse de 3,4 %. De plus, l’analyse sur l’ensemble de la période de ces quatre dernières années montre une tendance générale qui plaide en faveur de l’Europe. En effet, les trafics conteneurisés en sortie d’Europe ont progressé de 1,2 %. La baisse généralisée en 2009 liée à la crise économique a été compensée en deux ans. En sens eastbound, d’Amérique du Nord vers l’Europe, les trafics affichent une tendance négative de 14 % sur les quatre ans, de 2008 à 2011. La chute de 25 % des trafics de 2009 n’a pas été encore rattrapée malgré une hausse sur les deux dernières années. Ainsi, avec un déséquilibre aggravé, les taux de fret s’en ressentent. La baisse des taux en sortie d’Europe amorcée dès le début de 2008 a sensiblement repris du volume au cours des mois qui ont suivi, en 2009 et 2010. Ils se situent en janvier 2012 à un niveau inférieur à 2008, mais semblent s’inscrire sur une tendance à la hausse. Les choses se sont mieux passées à l’import d’Europe. La chute constatée en 2008 a rapidement été gommée par une hausse continue et régulière depuis le second semestre 2008. En janvier 2012, les taux de fret en import d’Europe se situent à un indice d’environ 110 (indice 100 en janvier 2008).
Une baisse de 400 $ sur les taux de fret
Un constat que certains opérateurs confirment. Pour les responsables des lignes transatlantiques de NYK Line, les taux de fret ont été stables au cours des dernières années. La situation est bien différente depuis le mois de janvier. Les taux de fret ont perdu entre 400 $ et 500 $ pour se situer à un niveau de 1 500 $ par EVP à l’export d’Europe. Ce sentiment de baisse des taux de fret n’est cependant pas confirmé par tous les armateurs. Pour Mærsk Line, la période est en pleine consolidation. Les taux de fret demeurent stables, même depuis le début de l’année. « Les taux de fret sont sous pression mais la situation n’est pas alarmante », indique un responsable de Mærsk France. Pour les responsables de MSC, les taux de fret se sont maintenus. Ils restent bien tirés vers le bas, même si l’armateur italo-suisse assure vouloir maintenir ses taux. Mieux, du côté de Cosco France, membre de l’alliance CKYH, le marché nord-atlantique est même en plein redressement. « Nous remplissons les allocations dont nous disposons au départ d’Europe avec même du fret en roll-over. Nous allons doubler nos allocations dans les prochaines semaines », confirme la direction commerciale de Cosco France. Une situation que l’armateur attribue à la qualité de son service grâce à un transit time de 9 jours sur New York au départ du Havre. Un bon service ne fait pas tout et Cosco France confirme que les taux de fret sont actuellement gelés. Les augmentations au travers des hausses générales (GRI) prévues pour le mois d’avril devraient difficilement passer.
Si la surcapacité guette le marché conteneurisé, la situation est moins tendue pour le fret roulier. « Aujourd’hui, le marché est à la limite de la sous-capacité sur cette route, indique David Giboudeau, directeur d’ACL France. Nous devons être prudents car la situation évolue plus rapidement que précédemment. D’années en années, nous nous apercevons que les repères ne s’appliquent plus. » Les taux de fret sont plus stables sur le roulier grâce notamment à des volumes en hausse et une concurrence moins acerbée. L’épidémie de coup de froid sur le conteneur ne devrait pas se propager au roulier.
Les effets du nouveau canal de Panama
L’ouverture programmée du nouveau jeu d’écluses du canal de Panama pourrait avoir des effets pour les armateurs opérant entre l’Europe et l’Amérique du Nord. Actuellement, compte tenu des navires utilisés sur cette route, les armateurs empruntent le système ferroviaire pour les trafics destinés aux régions occidentales d’Amérique du Nord. « La situation sera différente fin 2014 avec l’ouverture des écluses de Panama », expliquent les armateurs. Des armateurs réfléchissent déjà à la mise en ligne de navires de plus grande importance qui toucheront tant la côte Est que la côte Ouest des États-Unis en passant par le canal. Une décision lourde de conséquences pour les trafics entre l’Europe, la Méditerranée et l’Amérique du Nord côte Est. Ces navires de plus grande taille créerons un nouvel afflux de capacité sur le lien direct Europe-côte Est des États-Unis. Alors que le volume ne progresse que faiblement, l’ajout de nouvelles capacités serait un nouveau coup de froid sur les taux de fret.