La Méditerranée vient du vocable latin qui signifie “au cœur de la terre”. Pour les civilisations du sud de l’Europe, elle a longtemps représenté un vecteur essentiel pour le commerce. Les évolutions des centres économiques vers le nord et le développement des accès au cœur de l’Europe depuis les ports septentrionaux ont fait basculer la porte d’entrée du sud vers le nord. Les ports méridionaux ont cependant continué d’investir pour reprendre leur place de porte d’entrée. Ils ont rapidement compris l’ouverture à l’est de l’Union européenne et ont entrepris de proposer aux armateurs un accès à l’Europe par cette façade. Le port italien de Trieste, regroupé avec celui de Luka Koper, le port de Venise, Constanta en Roumanie ou encore Marseille, présentent des pénétrantes pour s’imposer.
Nouveau basculement du nord vers le sud: Trieste
Trieste, en présentant ses projets ferroviaires, s’impose comme un concurrent sévère pour les ports d’Europe du nord. Pour le directeur de Box Trade Intelligence, Mike Garatt, « les parts de marché des ports d’Europe du nord pourraient s’effriter à mesure que les trafics glissent vers le sud. » La raison de ce glissement de trafic du nord vers le sud tient à des raisons économiques. Dans la situation actuelle de réduction de vitesse des navires visant à réduire le coût des soutes, l’entrée en Europe par Trieste prend une nouvelle dimension. Au départ de Singapour, le port de Trieste est à 22 jours de navigation. Il faut une semaine supplémentaire pour rejoindre Hambourg. D’autant plus que Trieste offre plusieurs navettes ferroviaires sur les centres de consommation d’Europe centrale et de l’est. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Le trafic par les ports d’Europe du sud a enregistré une croissance de 115 % sur les quinze dernières années quand ceux d’Europe du nord, de Hambourg au Havre, n’ont vu leur progression s’établir qu’à 69 %. Des pourcentages plus importants mais des sommes de départ bien inférieures.
Les questions du fret et de l’offre maritime
Cette tendance doit cependant être nuancée par des données économiques et géographiques qui plaident toujours en faveur de l’Europe du nord. Une des questions est la possibilité pour un navire en provenance d’Asie de trouver, sur la région de Trieste, suffisamment de fret pour repartir. Les navires de plus de 10 000 EVP en provenance de Chine et de l’Asie du sud risquent de repartir avec plus de vides. Le trafic provenant d’Europe centrale et de l’est emprunte encore les ports d’Europe du nord pour la diversité de leur offre maritime. En Italie, les grands centres industriels centrés autour de Milan et de Turin ont meilleur intérêt d’utiliser les ports de Gênes et de La Spezia pour sortir leurs marchandises. Le trajet terrestre vers Trieste depuis Milan ou Turin est presque du double, soit une augmentation considérable de la facture. Quant aux ports du sud de l’Europe, ils ont encore des difficultés à pouvoir disposer d’une offre maritime équivalente à celle d’Europe du nord. Actuellement, Hambourg, Le Havre, Anvers et Rotterdam affichent un départ quotidien vers l’Asie. Trieste, Gênes et Marseille ne peuvent miser, au mieux, que sur un départ tous les trois jours.
L’atout des hubs sur la Méditerranée
La Méditerranée dispose d’un avantage de poids. Elle offre de nombreux hubs de transbordement depuis Le Pirée, en Grèce, jusqu’à Algésiras, aux portes de l’Atlantique, en passant par Gioia Tauro, Tarente en Italie et Tanger Med. Ces ports disposent de liaisons avec les pays riverains de la Méditerranée par une desserte en feeder. Au travers de ces ports, les armateurs peuvent afficher un taux de remplissage plus important. Ces différents hubs réacheminent les boîtes par voie maritime ce qui signifie un coût supplémentaire pour le consommateur avant d’entrer sur le continent européen. De plus, certains ports méditerranéens peinent à attirer les navires mères.
Si la capacité de la Méditerranée à faire glisser une partie des trafics du nord vers le sud devient dans certains cas une réalité, la domination des ports hanséatiques n’est pas finie. Le rééquilibrage entre les portes d’entrée nord et sud de l’Europe accompagne l’évolution économique du continent. Avec les délocalisations d’une partie de la production industrielle en Europe orientale, les ports du sud ont une carte à jouer.