Il pourrait manquer jusqu’à 2 000 officiers de la marine marchande à l’horizon 2020, prévoit une étude Schlumberger Business Consulting réalisée pour le compte de Transpetro (la filiale logistique de Petrobras). Selon Sergio Machado, président de Transpetro, les cadres responsables de la gestion intermédiaire sont de plus en plus difficiles à dénicher. « Cela n’avance à rien d’avoir la technologie, l’argent et la demande, si nous n’avons pas les gens pour transformer cela en réalité », déplore-t-il. Le syndicat des entreprises de navigation (Syndarma) s’inquiète lui aussi de cet état des lieux. « Il arrive que des navires restent bloqués à quai en espérant que l’équipage soit complété », remarque Roberto Galli, vice-président exécutif du syndicat. Même constat chez les professionnels du cabotage qui se voient ravir leur personnel qualifié par les embarcations au long cours… et Petrobras. « La question de manque de personnel est très sérieuse, alerte Gustavo Costa, gérant du cabotage de l’entreprise Aliança Navegação e Logística. Avec les commandes de Petrobras, la formation d’officiers de la marine marchande est devenue inférieure à la demande. Dans notre secteur, on manque même d’ingénieurs navals. » Comme le souligne ce dernier, le Brésil a « abandonné » le cabotage dans les années 1950, lorsque les politiques publiques ont préféré privilégier les réseaux routiers. La période d’hyperinflation, entre 1980 et 1994, a également pénalisé ce mode de transport considéré comme lent. « Le cabotage a ressurgi en 1998 quand Aliança a repris ses activités, et compte maintenant quatre grands armateurs », rappelle-t-il. Une renaissance récente qui n’a pas été accompagnée par la formation des effectifs nécessaires.
Certains ports comme Santos, mais aussi les chantiers navals des États de Rio de Janeiro, Santa Catarina, Pernambouc et Rio Grande do Sul connaissent les mêmes difficultés. L’industrie navale, qui projette de créer plus de 15 000 emplois directs dans les trois prochaines années, se heurte en effet à un manque cruel de personnel, depuis les fonctions les plus manuelles jusqu’aux postes d’ingénieurs.
Quelles solutions?
Face à ce constat, les professionnels sont unanimes: l’accent doit être mis sur la formation. Tandis que Sergio Machado évoque un « plan de guerre » pour étoffer la main-d’œuvre qualifiée, Gustavo Costa révèle que « des discussions sont en cours avec la Marine pour augmenter le nombre de places ou obtenir la permission que des étrangers puissent travailler dans le cadre des opérations offshore ».
Santos a déjà tiré les leçons du passé et pris les choses en main. En 2009, Tecon Santos (terminal de Santos Brasil) a perdu 30 % de sa productivité en raison du manque de main-d’œuvre. Parmi les onze portiques à conteneurs, huit seulement pouvaient fonctionner, faute de personnel adéquat. Depuis, la formation constitue un investissement de taille: Santos Brasil a investi 536 M€ en 2010, et près de 950 M€ durant le premier semestre 2011. Autre exemple: le terminal de conteneurs Tecondi a augmenté de 270 % ses investissements dans le domaine et devrait poursuivre au même rythme l’an prochain.
Pour certains, la formation ne constitue pas la seule solution. « Beaucoup de professionnels étrangers qui travaillent dans les ports d’autres pays viennent au Brésil pour compléter les équipes », observe Fábio Ribeiro, directeur du marketing et des nouveaux business de Strong Educacional Esags. Une situation qui pourrait perdurer, faute de talents: « Aujourd’hui, près de 4 000 personnes se forment chaque année dans les universités de la région (autour de São Paulo, n.d.l.r.) sur les ports, la logistique, le commerce extérieur et le pétrole. Mais beaucoup de jeunes diplômés ne font pas attention à la qualité exigée par le marché. »
Bruno Lima Rocha, président du Syndarma, propose quant à lui la suspension de la résolution imposant l’emploi de Brésiliens sur les navires étrangers qui évoluent sur le littoral, jusqu’à ce que le marché de l’emploi retrouve l’équilibre. Un dossier à suivre.