Une attente forte de la mise en oeuvre de la réforme portuaire

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Le projet de loi portant réforme des ports d’outre-mer, présenté en conseil des ministres le 19 octobre 2011, prévoit que ces derniers deviennent des Grands ports maritimes (GPM), établissements publics nationaux, « mieux à même de diversifier leurs ressources et de développer une stratégie à long terme ». Le statut des quatre ports d’outre-mer (Guadeloupe, Fort-de-France, Degrad-des-Cannes et Port Réunion) devrait donc être aligné sur le régime général des ports de la métropole issu de la réforme portuaire menée de 2008 à 2011. Le gouvernement prévoit toutefois « deux adaptations aux spécificités ultramarines » des ports d’outre-mer. La première différence concerne la composition des conseils de surveillance qui devrait comprendre une représentation plus importante des collectivités territoriales et des Chambres de commerce et d’industrie que ceux de métropole. La deuxième différence porte sur les activités de manutention qui ne seront pas exclues de la compétence des nouveaux établissements publics. Ces derniers auront la faculté de prévoir, à terme, une évolution de l’organisation.

À La Réunion comme dans les autres ports d’outre-mer, la réforme est au tout début de son processus. Elle est largement bien accueillie par les acteurs de la place portuaire et attendue même avec impatience.

Une gestion bicéphale

Ce sentiment est largement lié à la gestion bicéphale de Port Réunion. Ce dernier est un port d’intérêt national, concédé à la CCIR depuis 1955 et jusqu’en 2018. La CCIR assure la gestion et l’exploitation au quotidien du port ainsi qu’une large gamme de services et de missions. Mais Port Réunion relève également de l’État par le biais du Service des ports de la Deal. Pour la gestion de Port Réunion, ces deux entités ont chacune un rôle à jouer. Pour les acteurs de la place portuaire, cette double direction et la répartition des rôles entre les deux entités manquent de clarté et freinent les prises de décision notamment concernant les investissements. « Pour les opérateurs portuaires, la réforme est un élément très positif, déclare Jean de la Perrière, président du Syndicat des entrepreneurs de manutention portuaire de La Réunion. Et c’est important pour l’avenir du port, car on va sortir de l’effet mille-feuille pour les décisions. » Un avis partagé par Hervé Marodon, président de TLF?Réunion: « L’attente est forte par rapport à la réforme portuaire. Le changement de gouvernance va donner la possibilité de décider de manière plus rapide, plus efficace et plus locale. » Jean de la Perrière souhaite que la CCIR agisse désormais « en bon père de famille » jusqu’à l’établissement du Grand port maritime de La Réunion (GPMR) ou « au moins jusqu’à l’arrivée du préfigurateur qui pourrait être nommé en février 2012 ».

L’avantage de la situation de Port Réunion, continue le président du syndicat, est que « la question du transfert des personnels n’existe pas » grâce à la mensualisation des dockers réalisée en 1994 et au fait que les portiqueurs ont été directement salariés des sociétés privées de manutention lors de l’installation du premier portique à conteneurs en août 1994. Concernant le transfert des outillages, Jean de la Perrière explique que les entreprises de manutention étaient favorables à la démarche. Mais « le seul bémol était qu’il ne fallait pas laisser penser qu’un monopole risquait de s’installer. Nous ne voulons pas être accusés d’empêcher d’autres manutentionnaires d’accéder aux portiques même s’il n’y a pas d’obligation de service public pour les outillages dans un port ». Pour le président du syndicat, autoriser le port à continuer à assurer de la manutention est aussi un point positif, notamment pour le sucre et les hydrocarbures. Sachant que « les entreprises de manutention pourront peut-être un jour se positionner aussi sur ces marchés », avance Jean de la Perrière. À propos du calendrier pour la mise en œuvre effective de la réforme, Michel Antonelli, président de l’Union maritime interprofessionnelle de La Réunion (Umir), souligne qu’il vaut mieux « éviter les longues transitions ». Il précise que « l’action de l’Umir a contribué à obtenir le lancement de la réforme dès maintenant alors que la CCI voulait tout reporter à 2014, sachant que son contrat de concession court jusqu’en 2018 ». Selon une majorité des acteurs portuaires, la réforme pourrait être effective au plus tard le 1er janvier 2013.

L’avis du Ceser

Le Conseil économique social et environnemental régional (Ceser) a rendu un avis sur le projet de loi portant réforme portuaire des ports d’outre-mer, le 30 août, à la demande du président de la Région Réunion. Le Ceser « partage l’objectif affiché par l’État de permettre à Port Réunion d’améliorer sa compétitivité par rapport à l’environnement international et à la concurrence des ports de la région océan Indien ». L’institution rappelle que Port Réunion constitue un outil au service du développement de toute l’île. 99 % des importations de l’île arrivent par la voie maritime. Pour le Ceser, « de par la situation insulaire de La Réunion, mais aussi du fait que Port Réunion constitue l’unique point d’entrée-sortie dans l’île pour les transports de marchandises, il est judicieux que soient adaptées à cette situation les mesures prises à l’égard des grands ports maritimes métropolitains ». Il est donc « essentiel que les activités d’exploitation d’outillages portuaires et la gestion des personnels concernés relèvent d’une gestion publique préservant l’intérêt général à long terme ». L’institution régionale « partage l’objectif de simplification de la nouvelle organisation portuaire mettant ainsi fin à la dualité de gestion entre la CCIR et l’État ». Pour le Ceser, la nouvelle gouvernance doit aussi avoir pour objectif premier « d’accroître la compétitivité de Port Réunion à travers l’abaissement du coût de passage portuaire et l’augmentation du niveau des prestations servies par rapport aux concurrents régionaux ». Enfin, l’institution préconise que l’ensemble des acteurs socioprofessionnels concernés puissent être informés, mais aussi associés à la phase transitoire de négociation entre les deux partenaires historiques de la gestion de Port Réunion, l’État et la CCIR.

La CCIR défend son bilan

Avec l’arrivée de la réforme portuaire, la Chambre de commerce et d’industrie de La Réunion (CCIR) met en avant son bilan. Cyrille Rickmounie, président de la Commission ports à la CCIR, a déclaré: « Tout au long de sa concession, la CCI a bien géré le port et lègue une situation positive. La situation financière est saine même si les investissements ont été lourds. Port Réunion n’aura pas de difficulté à passer le cap de la réforme. C’est un port fiable, sécurisé et qui fonctionne bien. Nous souhaitons que la CCI reste un acteur important dans le cadre de la nouvelle organisation et de la nouvelle gouvernance qui va se mettre en place. » De son côté, Gilles Ham-Chou-Chong, directeur de la concession Port Réunion, souligne que « le port est au service de l’économie locale et continuera à l’être. Il y a toujours eu une écoute de la part de la CCI et de l’État des besoins de l’économie de l’île au travers du port ». Gilles Ham-Chou-Chong rapporte également que « pendant très longtemps, les interlocuteurs de la CCI étaient de niveau national et non pas local ». La situation est toutefois en train de changer, analyse le directeur. La réforme portuaire a reçu un accueil favorable des conseils régional et général. Et les communes situées à proximité de Port Réunion commencent à réaliser l’importance du site. « La faible conscience politique par rapport à Port Réunion devrait évoluer avec la réforme portuaire et la présence plus forte des collectivités territoriales dans les nouveaux organes de gouvernance », assure Gilles Ham-Chou-Chong. Plus concrètement, avec la réforme portuaire, Port Réunion ne va plus être un port d’intérêt national concédé à la CCIR. Cette dernière va ainsi perdre son rôle de gestionnaire du port et les recettes liées à cette activité. Les personnels de la CCIR travaillant pour le port devraient continuer à le faire dans le cadre du nouvel établissement public, Grand port maritime de La Réunion (GPMR). Ils devraient y retrouver les personnels du Service des ports de la Deal.

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