« Fin 2011, nous allons revenir au niveau d’activité de 2008 après le creux de 2009. Nous avons perdu deux ans de croissance, constate Michel Antonelli, directeur général de la Société d’acconage et de manutention de La Réunion (SAMR). Les années 2009 et 2010 n’ont pas été faciles pour l’activité manutention à Port Réunion. Les trafics ont reculé alors que les charges sont demeurées identiques ». En 2009 et 2010, des mesures de réduction d’activité pour les dockers ont même dû être mises en œuvre. Parmi les charges pour les sociétés de manutention figure la masse salariale, la main-d’œuvre étant totalement mensualisée depuis la réforme des dockers réalisée en 1994. « C’est aussi le prix de la paix sociale sur le port », nuance Michel Antonelli. Le retour à la croissance des trafics dès 2010, confirmé en 2011 et qui devrait perdurer au-delà, constitue un point positif pour les manutentionnaires réunionnais. Pour ces derniers, l’année 2011 avait pourtant mal commencé avec la décision de l’Autorité de la concurrence de sanctionner les trois sociétés SAMR, SGM et Somacom, « pour avoir fixé en commun les prix des prestations de manutention portuaire à Port Réunion » depuis 1987. Avant cette date, selon l’Autorité de la concurrence, les prix étaient fixés par arrêté préfectoral. Les trois sociétés ont été sanctionnées par une amende mais l’Autorité de la concurrence a aussi reconnu l’existence de circonstances atténuantes. « Toute cette histoire a été un faux débat sur l’existence d’un tarif commun entre les trois sociétés, explique Michel Antonelli. De longue date, nous avons demandé un tarif réglementé. Le faible montant de l’amende montre le peu de fondement de la position de l’Autorité de la concurrence. C’est une amende de principe. Nous l’avons réglée et nous avons choisi de ne pas faire appel. » Jean de la Perrière, président du Syndicat des entrepreneurs de manutention portuaire de La Réunion, partage le même avis: « La sanction de l’Autorité de la concurrence a été symbolique, ce qui montre que la situation sur les prix n’était pas si mauvaise et que notre ligne de défense a été convaincante. Il faut à présent travailler avec l’administration pour réglementer les prix ainsi que l’a demandé l’Autorité. C’est ainsi qu’on pourra stabiliser la situation économique et juridique des entreprises de manutention, apporter une totale transparence. » À Port Réunion, il y a donc désormais trois tarifs différents pour la manutention. « Les prix n’ont pas baissé. La répartition des volumes entre les trois sociétés est restée identique. Car pour le chargeur, le coût de la manutention à La Réunion est transparent », indique Michel Antonelli.
Privilégier le développement de terre-pleins
Il s’agit maintenant pour les manutentionnaires réunionnais de se tourner vers l’avenir et de se préoccuper des projets de développement de la place dans le cadre du Schéma directeur portuaire 2015-2040. « Port Réunion est trop petit en termes de surface et de foncier par rapport aux volumes de trafics », rappelle Michel Antonelli. La crise économique a repoussé cette question mais cette dernière revient sur le devant de la scène avec le nouvel essor des trafics et les perspectives à l’avenant. « Le schéma directeur 2015-2040 ne laisse pas de marge de développement aux conteneurs dont la croissance est attendue par tous, souligne Jean de la Perrière. L’État n’a pas encore pris la mesure de l’ambition légitime que veulent donner les Réunionnais à leur port. D’autre part, fonder le développement du port seulement sur le trafic domestique, c’est trop réducteur. Il faudrait privilégier le développement de terre-pleins pour l’essor d’autres activités. » Pour Jean de la Perrière, l’idée la plus intéressante, au-delà de 2015, c’est l’agrandissement du terre-plein à conteneurs en réalisant un exondement gagné sur la mer. Agrandir le port pour l’activité conteneurs permettrait aussi de régler le problème de la gestion et de l’entreposage des conteneurs vides toujours en suspens car « il n’est pas utile de les positionner dans un port sec ou à l’extérieur de l’enceinte portuaire », selon Michel Antonelli. Par rapport aux travaux programmés entre 2012 et 2015, les manutentionnaires souhaiteraient plutôt un allongement de la darse conteneur à 800 m au lieu de 600 m. Une longueur de 800 m, c’est la possibilité d’accueillir trois porte-conteneurs et d’ajouter un ou deux portiques aux quatre déjà installés. Les manutentionnaires attendent aussi toujours la destruction du bâtiment 110 situé sur le terre-plein conteneurs. Ils proposent encore un transfert du conventionnel du poste 14 aux postes 20 et 21; la croisière pourrait accoster au poste 14. Il reste aussi à trouver une solution pour les escales du pétrolier au terminal à conteneurs (une quinzaine par an). Autre grief par rapport à la CCIR: le lancement d’un appel d’offres pour désigner éventuellement une nouvelle société pour la maintenance des portiques. Jusqu’à présent, cette tâche relève de la Somip, une SAS dont les parts sont détenues par les trois sociétés de manutention. Toutefois, pour les questions portuaires, les manutentionnaires réunionnais mettent en avant l’absence de lieu pour les présenter à la CCIR et à la Deal, ce qui explique l’attente forte pour une mise en oeuvre rapide de la nouvelle gouvernance prévue par la réforme portuaire.
La COR se consacre à la manutention des vracs et du conventionnel
La Coopérative ouvrière de La Réunion (COR) est spécialisée dans la manutention des vracs solides (céréales, clinker, charbon) et des marchandises conventionnelles. Le trafic le plus important est le charbon avec 700 000 t en 2010 suivi du clinker (300 000 t) dont les volumes varient d’une année sur l’autre en fonction des besoins du BTP. En ce qui concerne les céréales, avec le nouveau terminal en fonction sur le port Est, la COR a traité 240 000 t de céréales en 2010. « C’est un marché récent pour nous, précise Nathalie de Broissia, directeur de la COR depuis 2011. Nous avons investi dans un engin de déchargement pour remplir les trois fosses de céréales, deux pour les grains, une pour les tourteaux. » La COR traite 60 % du conventionnel de Port Réunion (métaux, bois, etc.) en travaillant avec Mer Union, une compagnie anversoise. Pour ces filières, la COR répond aussi à des appels d’offres ponctuels. La coopérative traite aussi des colis exceptionnels. Par rapport au conteneur, la COR n’entend pas lancer d’offensive dans un avenir proche tout comme la SAMR, la SGM et la Somacom n’ont pas l’intention de se lancer sur le vrac. Nathalie de Broissia, successeur de Jacques Virin, entend rétablir de bonnes relations entre la COR et les trois autres sociétés de manutention réunionnaises. Elle souhaiterait, par exemple, une réflexion commune par rapport aux projets de développement du port car les manutentionnaires ont des intérêts communs. L’important, pour elle, étant de conserver un équilibre au sein du port avec les différentes activités.