La problématique transports, une donnée essentielle de l’aménagement du territoire

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JOURNAL DE LA MARINE MARCHANDE (JMM): POUVEZ-VOUS NOUS DONNER UN BREF APERÇU DES ÉVÉNEMENTS IMPORTANTS POUR L’ÎLE DE LA RÉUNION, D’UN POINT DE VUE POLITIQUE ET ÉCONOMIQUE, DEPUIS 2008?

DAVID LORION (D.L.): L’année 2008 a vu s’accentuer la crise économique mondiale amorcée en 2007. Les départements d’outre-mer français, et La Réunion en particulier, n’ont pas été épargnés par ses effets. Deux événements notables ont eu lieu en à peine trois ans et expliquent, si ce n’est le fondement de notre projet pour La Réunion, la façon dont il est mis en œuvre. D’une part, il y a eu le mouvement de protestation de transporteurs sur la question des prix des carburants en novembre 2008. Né à La Réunion, il s’est étendu à la Guyane puis aux Antilles. D’autre part, dans le souci de répondre aux nombreuses questions exprimées à l’occasion des conflits sociaux ultra-marins, le président Nicolas Sarkozy a lancé, en février 2009, l’organisation des États généraux de l’Outre-mer. Cette vaste concertation, au-delà des revendications initiales, devait servir de base à un nouveau modèle économique, social, politique et culturel des outre-mer français. Cinq constats ont été dressés pour La Réunion:

1/ Une vitalité remarquable des entreprises: le PIB réunionnais a crû de près de 5 % en moyenne ces dernières années;

2/ Un fort taux d’accroissement de la population qui atteindra 1 million en 2030;

3/ Le taux de chômage le plus élevé d’Europe: 25 %;

4/ 52 % de la population vit en dessous du seuil de pauvreté;

5/ 100 000 illettrés sur une population de 800 000 (recensement 2009). En octobre 2011, selon le ministère de l’Outre-mer, 90 % des 137 mesures annoncées ont été réalisées ou mises en œuvre.

D’un point de vue politique, dans un contexte de crise autant matérielle que morale, les élections municipales de mars 2008, puis les régionales de mars 2010 ont permis l’émergence de nouveaux responsables politiques. Si la gauche est sortie vainqueur des municipales, l’union de la droite a remporté les régionales avec l’élection du député-maire du Tampon, Didier Robert, à la tête de la Région Réunion.

JMM: COMMENT ENVISAGEZ-VOUS L’AVENIR?

D.L.: Notre accession à l’exécutif régional en mars 2010 a annoncé une politique inscrite dans le changement et plaçant l’homme au centre de notre projet. Il s’agissait pour nous de rassurer les Réunionnais en perte de con­fiance face à un avenir de plus en plus incertain dans ce contexte de crise. C’est pourquoi notre première grande décision a été d’édifier un Plan de relance régional de l’économie grâce à la commande publique. Une enveloppe de 300 M€ est consacrée au cofinancement des projets communaux. Les secteurs privilégiés dans ce cadre sont le bâti scolaire, le sport, la culture et le patrimoine culturel et historique. Mais aussi, la signature le 14 octobre 2010 des Nouveaux accords de Matignon par le Premier ministre François Fillon et le président Didier Robert a permis le lancement des grands chantiers de La Réunion que sont la nouvelle route du littoral pour 1,6 Md€, le Trans Eco Express pour 250 M€ et l’extension des aéroports Roland Garros et de Pierrefonds pour 350 M€. Cette thématique est en effet vitale sur un territoire insulaire, relié au monde par les seuls cordons maritime et aérien et doté d’un réseau de transport intérieur exclusivement routier, saturé de surcroît! Cette problématique des transports est, bien entendu, une donnée essentielle de notre réflexion sur l’aménagement du territoire. Dans ce domaine, notre objectif premier est de rééquilibrer cet aménagement en permettant aux activités économiques, jusqu’à présent concentrées au nord et au nord-ouest autour du port de commerce et de l’aéroport principal de l’île, de gagner les autres microrégions. Pour cela, des projets de ports secs ou de plates-formes logistiques émergent, qu’ils soient issus de l’initiative privée ou publique. Ces outils sont effectivement indispensables dans la chaîne logistique du transport routier de marchandises. À la source, on trouve fort logiquement Port Réunion et l’aéroport Roland Garros. Unique port de commerce de l’Île, il a été déclaré d’intérêt national et est concédé à la Chambre de commerce et d’industrie de La Réunion. Mais, conséquence de la réforme portuaire, sa gestion doit prochainement évoluer sous la forme d’une société publique d’exploitation à laquelle la Région Réunion participera. C’est sous cette nouvelle gouvernance que nous verrons pro bablement sortir de terre le projet de darse de grande plaisance destinée à accueillir, dans les meilleures conditions, les bateaux de croisière naviguant dans l’océan Indien. Quant à la plaisance à La Réunion, c’est une activité encore jeune mais très prometteuse pour le tourisme. Les trois ports de plaisance que compte actuellement l’île sont saturés. Là encore, il nous faut investir afin d’élargir notre capacité d’accueil.

JMM: QUELS SONT LES PISTES DE DÉVELOPPEMENT AVEC LES ÎLES ET PAYS VOISINS?

D.L.: Notre situation géographique, à la croisée des chemins entre le continent africain, l’Asie et l’Australie, nous place sur de grandes routes maritimes. D’ailleurs, toute notre histoire s’est écrite sous le signe de la navigation maritime, qu’elle ait été exploratoire ou commerciale. L’île de La Réunion est la base avancée de la France et de l’Europe dans l’océan Indien. Dotée de tous les attributs d’un pays développé que sont l’enseignement supérieur performant, des structures de santé de haut niveau notamment, elle n’a pas suffisamment tiré avantage de cette situation privilégiée. Au contraire, elle doit subir, en plus de ses handicaps naturels que sont l’éloignement de la métropole et l’insularité, la très forte concurrence économique des pays de la zone qui attire les investisseurs grâce à une main-d’œuvre bon marché, une fiscalité avantageuse, etc. Dans ce contexte, nous menons une politique de coopération régionale très dynamique dans tous nos domaines de compétence. Notre collectivité se dote ainsi de représentations à Madagascar et très bientôt à l’Île Maurice, et ailleurs. À titre d’exemple, entre 2010 et 2011, l’antenne de la Région Réunion à Madagascar a accompagné 300 opérateurs souhaitant développer des partenariats économiques. L’Australie, la Chine, l’Inde et l’Afrique sont aussi naturellement ciblés par notre stratégie de coopération. Et beaucoup plus loin, l’île d’Hawaï avec laquelle nous avons tellement de similitudes qu’il nous est paru intéressant de mettre en œuvre un partage d’expériences dans les domaines du tourisme, de la volcanologie, de la préservation de la biodiversité, etc. De façon générale, nous n’hésitons pas à repousser les limites de nos champs de compétence pour apporter les solutions les plus adaptées aux problématiques qui se posent à nous. Nous sommes encore en pleine transition, avec des retards à rattraper et des handicaps à surmonter, malgré tous les progrès accomplis. Il faut en effet garder à l’esprit qu’il y a à peine 65 ans, La Réunion était encore une colonie de la France. Mais pour cela, nous avons besoin de moyens financiers importants. Les fonds structurels de l’Union européenne sont ici essentiels. D’ailleurs, nous travaillons en ce moment sur la prochaine programmation 2014-2020 qui devrait maintenir le même niveau d’intervention, pour ce qui nous concerne.

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