Face aux difficultés de la route maritime, des solutions ferroviaires transcontinentales se révèlent intéressantes

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Les stratégies comme le super slow steaming n’ont aucune influence évidemment sur le manque de cargos à transporter. Les pressions bancaires limitent les possibilités de mettre en attente les navires en exploitation ou de retarder les commandes déjà confirmées. Les taux de fret continuent de s’éroder alors que les coûts fixes augmentent en lien direct avec la pérennité d’une piraterie qui ne cesse de s’étendre malgré les moyens considérables déployés. À cela s’ajoute un bunker qui relativise les solutions de services réguliers via le cap de Bonne Espérance malgré l’opportunité de collecter quelques boîtes africaines.

La Chine au second rang des puissances économiques mondiales

Dans cet environnement économique et maritime, il devient somme toute intéressant de considérer les alternatives possibles pour connecter le plus grand marché de production (la Chine) avec le second marché de consommation (l’Europe). L’année 2010 a été une année importante pour la Chine et sa place dans l’environnement économique mondial: ce pays a accédé au second rang des puissances économiques mondiales après les États-Unis d’Amérique et il est devenu également le premier pays exportateur au monde. Les expériences intermodales transcontinentales conduites depuis quelques années combinent une somme complémentaire d’arguments économiques, logistiques et géopolitiques. En premier lieu, force est de considérer la politique stratégique du géant chinois qui cherche à l’évidence à rééquilibrer son développement national. Une véritable structuration logistico-économique reconsidère l’intérieur du pays en complément de l’hyper développement côtier. Les pressions foncières translatent progressivement les activités manufacturières et logistiques vers les zones intérieures où les coûts d’exploitation et de production demeurent encore très faibles. En 2000, les autorités chinoises ont pris conscience des écarts toujours plus grands du niveau de vie et de développement entre la zone côtière et la Chine continentale. Elles ont donc lancé une campagne, nommée « xibu da kaifa », visant à étendre l’hinterland des ports. En 2010, 75 % des Chinois résident à plus de 300 km du littoral. D’après les prévisions des Nations unies, cette population devrait augmenter de 25 % dans les cinq ans à venir, d’où la nécessité d’investir tant dans des infrastructures que dans des services de transport entre l’ouest de la Chine et le littoral. Le gouvernement chinois, avec sa politique du « Go-West », souhaite que les entreprises chinoises et étrangères délocalisent leur outil de production vers la Chine continentale afin de dynamiser le marché intérieur. Par conséquent, d’importants investissements sont dédiés au transport fluvial ainsi qu’au transport ferroviaire afin de densifier leur réseau, d’améliorer l’accessibilité depuis les ports vers l’hinterland mais également de développer des zones d’activités logistiques sur les corridors intérieurs. En 2004, le ministère des chemins de fers chinois a lancé un plan de développement du réseau ferré afin de passer de 80 000 km de voies à 129 000 km en 2020. La Chine poursuit son ouverture à l’international tout en développant son marché intérieur afin de concilier les indicateurs économiques et les indicateurs de développement.

La Russie, un acteur incontournable

S’intéressant aux prestations de services de transport intermodal transcontinental entre la Chine et l’Europe comme alternative à la route maritime, la Russie devient un acteur incontournable dans la fiabilité des nouvelles organisations logistiques. La Russie, interface entre les marchés nord-asiatique et nord-européen, a compris qu’elle pouvait bénéficier de retombées économiques grâce au transit de son territoire par des trains de marchandises. Ce pays tente donc de s’imposer afin de devenir un territoire attractif. Pour ce faire, la Russie investit massivement dans le réseau ferroviaire transcontinental, avec la Transaralienne et surtout la Transsibérienne. Cet axe ferroviaire a une capacité annuelle de 100 Mt/an. Dans le contexte que nous avons évoqué précédemment, l’alternative que peut représenter le fer par rapport à la mer peut intéresser les chargeurs attirés par le gain de temps.

Néanmoins, en 2010, moins de 200 000 EVP ont transité sur cette infrastructure, soit une part infime du flux de conteneurs sur la relation Asie-Europe. Rendre cet axe ferroviaire attractif passe d’abord par une amélioration de l’infrastructure, avec le doublement des voies (l’écartement des voies en Russie est de 1,52 m, contre 1,435 m dans la plupart des pays européens), de la signalisation, de l’électrification, etc.. La Russie doit également optimiser l’organisation du plan de transport avec l’instauration de lignes régulières (cadencement), la facilitation des passages aux frontières, l’amélioration de la sécurité et le suivi informatisé des conteneurs, le développement d’un guichet unique et la mise aux normes européennes des voies ferrées. Grâce à une action d’intensification du marketing et de la communication actuellement menée sur l’axe transsibérien, mettant en avant un transit time réduit, une distance de parcours moindre et des tarifs attractifs, la Russie souhaite arriver à court terme (2015) à un volume de conteneurs avoisinant les 400 000 EVP. Ces prévisions restent encore très éloignées de la capacité de l’axe ferroviaire, mais les industriels tant chinois qu’européens s’intéressent toujours plus à cette liaison de demain.

Potentialités ferroviaires euroasiatiques

À titre d’exemple, l’expérience de DB Schenker pour relier Hambourg à Pékin et Xiangtang concrétise les potentialités ferroviaires eurasiatiques. Avec un service de 12 000 km réalisé en 15 jours, les marchés du fer transcontinental s’intercalent entre les frets maritimes à faible/moyenne valeur ajoutée et les frets aériens à très haute valeur ajoutée (graph 1). Malgré des contraintes connues (tracasseries administratives transfrontalières, différences d’écartements des voies, sécurisation des convois, etc.), une massification sur des trains blocs de 120/150 EVP rendrait l’option terrestre très concurrentielle, faisant passer de 4 000 €/EVP à 1 500 €/EVP le coût d’un service modal intégré et sans rupture de charge.

Le nouveau lien ferroviaire concurrent Anvers/Chongqing, réalisé par trois sociétés ferroviaires – le leader suisse du transport combiné Hupac BVBA, la société russe Russkaya Troyka et le service eurasiatique Good Transport (GT) – traduit les convergences et complémentarités entre trafics domestiques et opportunités « overseas » (graph 2). Les principales difficultés pour cette ligne résident dans le déséquilibre des flux eastbound/westbound, d’où la volonté d’Anvers de dynamiser sa place de hub international afin de remplir les trains d’Europe vers l’Asie. L’actuel développement de la région du haut Yang Tse révèle la translation planifiée des centres de production manufacturiers et industriels vers ces territoires intérieurs « encore » plus proches de l’Europe par train que par voies maritimes. Chongqing pourrait rapidement devenir le futur « Chicago multimodal » eurasiatique.

Et déjà, un projet sino-russe concurrent revendique un service intégré sans passage de frontières « en moins de 10 jours ». L’ambition: utiliser le débouché portuaire russe de la Baltique pour « arroser » les marchés scandinaves et centre-orientaux européens via des éclatements feederisés concurrents des solutions « all water » qui touchent en 15 jours de plus les ports de Rotterdam et surtout de Hambourg. Nous n’en sommes pas encore là, mais les solutions alternatives ferroviaires transcontinentales tendent à devenir une réalité logistique cohérente et non plus qu’un pur fantasme géopolitique.

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