Selon le classement d’Alphaliner, les 100 premiers armateurs exploitant des porte-conteneurs totalement cellularisés représentent une capacité (statique) de transport de presque 15,12 MEVP dont 7,03 MEVP en propriété. Leur carnet de commande dépasse les 3,86 MEVP, soit le quart de la capacité existante.
L’industrie est relativement concentrée: les dix premiers représentent 65 % de la capacité totale et autant en propriété. Par contre, leurs commandes dépassent les 67 % du carnet mondial.
Les trois premiers représentent 40 % de la capacité mondiale et presque autant en propriété, mais « seulement » 28 % du carnet mondial de commandes. Y aurait-il une saturation de Mærsk, MSC et CMA CGM? En période de surcapacité essentiellement due aux transporteurs, la position de CMA CGM paraît moins « inconfortable » car son carnet de commande ne représente que 9,3 % de la capacité existante. A priori, son actionnaire turc n’est pas étranger à cette situation, si l’on en croit ses propos (JMM du 28/10, p. 7). À l’inverse, on note qu’Evergreen, APL et, dans une moindre mesure, Cosco et Hanjin Shipping, ont poussé les feux en matière de commandes. Ils ont commandé autant que les trois premiers, soit 1,09 MEVP alors qu’ils ne représentent « que » 2,34 MEVP de capacité actuelle. Dans la course folle aux capacités de transport, d’autant que les prix sont ou ont été très bas, Hyundai, Hamburg Süd, Zim ou UASC tiennent leur rang avec un carnet de commande qui représente entre 45 % et 53 % de leur capacité existante respective. Est-ce à eux que Nils Andersen, d.g. d’A.P. Møller-Mærsk, pensait lorsqu’il « dénonçait » à la une du Lloyd’s List du 18 août ces « modestes transporteurs qui commandent des porte-conteneurs de 10 000 EVP à 140 000 EVP alors que leur part de marché entre l’Europe et l’Extrême-Orient n’est que de 2 % à 4 % ». Il a recommencé à la une du Lloyd’s List du 10 novembre: « Je me demande si les petits joueurs devraient investir dans les très grands navires. Nous n’avons pas à commenter ce que font les autres, mais les plus petites compagnies suivent un chemin dangereux en commandant des grands navires. Même si elles ont les reins solides, elles doivent tenir compte de la position de leurs partenaires dans les alliances. Vous ne faites pas grand-chose avec quelques grands navires. »
Si Mærsk Line est, depuis des années, la plus importante compagnie conteneurisée, sa part de « marché » exprimée en capacité de transport a fait un bond entre 2005 et 2006 avec le rachat de P&O Nedlloyd. Entre 2000 et 2005, la part de marché danoise tourne autour de 12 % de la capacité mondiale. En 2006, elle dépasse les 18 % puis redescend à 16 % en 2008 et poursuit sur cette tendance baissière. Dans la même période, la part de marché de MSC connaît une croissance quasi linéaire, passant de 4,5 % en 2000 à plus de 11 % en 2009. Celle de CMA CGM part de plus bas à 2,5 % pour atteindre 7,5 % en 2008. Depuis, elle reste stable. Jusqu’en 2008, les courbes d’évolution des parts de marché de MSC et de CMA CGM ont été plus ou moins parallèles. Mais celle de MSC a poursuivi sa croissance par la suite. En 2000, la part de marché d’Evergreen est légèrement supérieure à 6 %. La compagnie taïwannaise retrouve ce niveau en 2004. Depuis, elle baisse pour tourner aux alentours de 3 %.
Hapag-Lloyd est resté un peu au-dessus des 2 % jusqu’en 2005 avant de faire un bond à presque 4,5 % en 2006 à la suite du rachat de CP Ships par TUI en août 2005 pour 1,7 Md€. La part de marché de Cosco Container Line est restée comprise entre 3 % et 4 % durant toute la période; celle de CSCL entre 1,5 % et moins de 4 %. Enfin, celle de Hanjin s’est régulièrement réduite passant de moins de 5 % à 3 %
Croissance de 9,2 % de la capacité en trois ans
À fin 2010, la capacité mondiale de la flotte totalement cellularisée a augmenté de 9,2 %. Sa croissance sera de 8,3 % à fin 2011 pour atteindre les 15,45 MEVP répartis sur 4 959 porte-conteneurs; déduction faite des unités envoyées à la démolition ou dont la livraison a été retardée. À fin 2012, la capacité aura encore pris 8,8 % de mieux à plus de 16,8 MEVP. Puis 10,7 % à plus de 18,6 MEVP pour clore 2014 à presque 19,32 MEVP. Ainsi, entre le 1er janvier 2011 et le 1er janvier 2014, la croissance annuelle moyenne sera de 9,2 %. Toutes tailles de navires confondues. Pour les unités de plus de 10 000 EVP, la hausse moyenne annuelle de leur capacité cumulée augmentera de 49,7 % passant de 887 598 EVP au 1er janvier 2011 à 2,979 MEVP au début de 2014.
La taille des navires est corrélée au prix des soutes
Selon le courtier d’affrètement Braemar Seascope, sur dix ans, l’évolution de la taille moyenne des navires est corrélée à celle du prix du 380 centistoke à Singapour. Ainsi, quand le prix est passé de 500 $/t en 2008 à moins de 400 $/t en 2009, la taille moyenne a brusquement chuté passant de 5 500 EVP à moins de 3 800 EVP. Il n’y a là aucun mystère: si les armateurs n’ont quasiment aucun contrôle sur les taux de fret, surtout après la disparition des conférences (concernant l’Europe, n.d.l.r.), ils peuvent agir sur les coûts en usant des économies d’échelle, poursuit Mark Williams, représentant le courtier britannique. Jusqu’à un certain point cependant, car la taille des navires n’est pas extensible à l’infini. Le Malaccamax apparaît comme une limite maximale pour la desserte Europe-Extrême-Orient. En outre, les gestionnaires de terminaux portuaires pourraient se lasser de constamment augmenter leurs capacités d’accueil sans parler du probable nécessaire renforcement des liaisons terrestres vers l’hinterland.
Dans la recherche du moindre coût au slot, les compagnies et les concepteurs de navires vont probablement devoir inventer un nouveau « éco-concept », conclut Braemer Seascope. En Europe notamment, les pouvoirs publics pourraient, idéalement, avoir à réfléchir sur leur stratégie: faut-il favoriser l’arrivée à moindre coût des produits chinois lorsque les consommateurs vont probablement connaître une stagnation durable de leur pouvoir d’achat, sachant que pour un EVP exporté vers l’Extrême-Orient, il en arrive 2,65 en Europe (voir tableau p. 12)? L’Extrême-Orient est à environ 30 jours de mer de l’Europe. Une distance géographique qui ne se calque pas sur la distance en termes de coût de transport.