Tenu le 27 octobre, le 1er Carrefour du JMM consacré à la croisière a permis de confirmer la tendance déjà constatée en 1996: la demande française de croisière maritime est la plus faible d’Europe. En 2010, selon les chiffres collectés par Paul Touret, directeur de l’Isemar, auprès de l’ECC/IRN Research, les Britanniques – 63 millions d’habitants (Mhab) en 2010 – sont toujours devant avec 1,5 Mpax, toujours talonnés par les Allemands (81,5 Mhab) avec 1,2 Mpax. L’Italie (60,4 Mhab) frôle les 900 000 pax, l’Espagne (46 Mhab) atteint les 645 000 pax. Et la France (65 Mhab), 387 000. Exprimée en part de marché, la demande française est passée de 8 % en 2003 à 7 % en 2010. Celle de la Grande-Bretagne a baissé de 38 % à 31 % durant la même période. L’Allemagne a augmenté, passant de 21 % à 23 %. L’Espagne est stable autour de 12 % ainsi que l’Italie, autour de 17 %.
Chacun peut donc voir le verre comme il le souhaite. Ainsi, Frédéric Martinez, directeur général de Royal Caribbean Cruises Ltd, qui vient de s’installer en nom propre, explique que sa maison mère américaine, 2e opérateur mondial, a besoin de relais de croissance car le marché nord-américain est « mature. La croissance est ailleurs, en Europe et dans les pays émergents. Tout petit, le marché français est celui d’un pays émergent ». En 2012, le paquebot Brillance-of-the-Seas doit faire des escales régulières au Havre, et le Liberty-of-the-Seas à Toulon.
L’Italie et l’Espagne en pole position
Si la demande française est modeste, le « volume » portuaire est meilleur mais reste très inférieur à celui de l’Italie, de l’Espagne et, dans une moindre mesure, de la Grande-Bretagne. Ainsi, en 2010, 1,9 Mpax ont embarqués dans les ports italiens, plus de 1,1 Mpax en Espagne et plus de 800 000 pax en Grande-Bretagne. Les embarquements (141 000) via les ports français classent la première destination touristique du monde en 7e position derrière la Grèce, l’Allemagne et le Danemark (un peu plus de 200 000 pax). Cela se retrouve dans le classement européen des ports tête de ligne: en 2011, Southampton est tête de ligne pour 16 paquebots et devrait voir monter et descendre 627 000 passagers; Barcelone, 16 têtes de ligne pour 670 000 pax; Gênes et Savonne, 14 pour 394 000 pax. À l’avant-dernière place figure Copenhague, 6 pour 2 190 000 pax; et à la dernière, Marseille, 6 mais seulement 78 000 pax.
La situation française s’améliore en ce qui concerne la fréquentation en transit des ports français: un million en 2005. Le double en 2010, sachant que le même passager est compté deux fois: une première fois lorsqu’il descend à terre, une autre lorsqu’il regagne le bord. Il n’existe aucune norme internationale ou nationale en matière de comptage des passagers, ce qui permet de bien des affirmations.
Marseille arrive en tête avec 681 000 pax en transit en 2010. Suit le range Nice, Villefranche, Cannes avec 672 000 pax, et loin derrière, Toulon (268 000 pax). Le Havre (127 000 pax) ouvre la marche de la façade Manche-Atlantique, devant Cherbourg (63 000 pax). Mais de Calais à Bayonne, les paquebots en transit égrènent leurs passagers en mal d’exotisme. Ainsi, plus de la moitié des croisiéristes en transit au Havre sont allemands.
La compagnie du Ponant, premier opérateur mondial en zones froides
Les compagnies françaises de croisières maritimes se comptent sur quelques doigts. Créée par de jeunes officiers de la marine marchande touchés par la crise des années 1985, la Compagnie (des îles) du Ponant a survécu d’autant plus facilement qu’elle a pour actionnaire majoritaire le groupe CMA CGM depuis 2004.
Elle a conservé son marché de niche qui est les grands yachts de luxe d’une capacité maximale de 200 pax. Disposant de navires renforcés glace qui proposent des croisières proches des pôles, la Compagnie du Ponant est, selon son directeur général Jean-Émmanuel Sauvée, le leader mondial sur ce segment étroit. Après avoir demandé deux paquebots en Italie, Jean-Émmanuel Sauvée « regrette » qu’il soit possible pour une compagnie française de bénéficier d’une aide à l’exportation italienne lorsqu’elle commande chez un chantier italien, alors qu’elle ne bénéficierait directement ou indirectement d’aucune aide française si elle devait commander en France. « L’aide au financement est essentiel pour le choix du chantier », a souligné Jean-Émmanuel Sauvée qui, en matière de financement, a fait preuve d’une innovation audacieuse: appel public à l’épargne défiscalisée grâce à la loi Pons. Pour Jacques Hardeley, directeur général STX France, actionnaire majoritaire des Chantiers de l’Atlantique, la taille des paquebots devrait se stabiliser, voire même diminuer. Par contre, leur capacité en passagers devrait poursuivre sa croissance afin d’augmenter les recettes.
Selon toute vraisemblance, le paquebot (X32) commandé par la compagnie libyenne GNMCT aux Chantiers de l’Atlantique, aujourd’hui défaillante, devrait finir dans l’escarcelle de MSC, la meilleure cliente de l’industrie française (hors aéronautique) depuis une dizaine d’années. Outre ses commandes de paquebots neufs, Gianluigi Aponte a également saisi quelques opportunités de rachat de paquebots à la barre du tribunal comme les European-Vision et European-Sinfonia, rachetés en 2004 à la suite de la disparition de la compagnie Festival. D’une valeur de plus de 500 M€, le X32 doit être livré en décembre 2012. Il est le jumeau du futur MSC-Divina, livrable en mai prochain.
Perspectives
Lors de ce forum organisé du 11 au 14 octobre 1996 par Croisimer, défunte association de promotion du tourisme maritime, les croisiéristes français maritimes étaient estimés à 137 000; les Italiens étaient au même niveau. Les Britanniques caracolaient en tête avec 352 000 passagers (pax), devant les Allemands, 308 000 pax.
Les premiers pas d’une communauté
Dans ses conclusions, Francis Vallat, président du Cluster maritime français, est largement revenu sur les différents points exposés lors des débats et notamment sur la notion de communauté ou de cluster. « Il existe une véritable communauté d’intérêt entre les différents intervenants de la croisière, comme l’ont montré les débats d’aujourd’hui », a souligné Francis Vallat. Et il a suggéré la création d’un cluster de la croisière. Une idée émise par Jean-Paul Pagès, consultant portuaire et co-rédacteur d’un rapport pour le conseil national du tourisme sur la croisière en France qui a souligné l’importance de continuer à chercher de nouveaux débouchés pour cette dernière. « D’autant plus que la paix sociale retrouvée dans les ports est facteur de dynamisme pour ce secteur », a continué Francis Vallat. Enfin, il a abordé la question de la sécurité de ces navires aux dimensions gigantesques. « Que se passera-t-il quand un navire de plus de 5 000 passagers devra être évacué? Une question qu’il faut aborder en amont. » Une question qui a son importance à cinq mois d’un triste anniversaire, celui du naufrage du Titanic dans la nuit du 14 au 15 avril 1912.