Le Gate Terminal entre en ser vice à Rotterdam

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Enjeu commercial, énergétique et géostratégique, Gate Terminal, le premier port méthanier dont se dote Rotterdam, dispose d’infrastructures à la mesure de ses ambitions. Installé près de la mer du Nord à l’extrémité des quelque 35 km de quais des installations portuaires, le complexe s’étendant sur 35 ha va permettre aux plus grands méthaniers du monde de s’amarrer à Rotterdam.

Outre ses deux quais d’amarrage dédiés à l’importation de gaz liquéfié, trois réservoirs imposants d’une hauteur de 50 m permettent l’entreposage de 540 000 m3 de cette énergie fossile (180 000 m3 chacun). Au global, les deux principaux exploitants néerlandais, le groupe Vopak et la société de distribution de gaz Gasunie (ex-monopole étatique), comptent sur un trafic de 12 Mdm3 de gaz par an, avec une extension future à 16 Mdm3.

Projet mis en place 2008, le Gate Terminal a représenté un investissement de quelque 800 M€. Vopak et Gasunie sont les principaux actionnaires à égalité (42,5 %) de la société exploitante éponyme. Le Danois Dong, l’Allemand Eon et l’Autrichien Econgas se partagent les autres 15 % du capital à part égale.

Exploitant de gisements gaziers en mer du Nord depuis 50 ans, les Pays-Bas ambitionnent aujourd’hui de devenir la plaque tournante de la distribution du gaz en Europe. Pour preuve, l’appellation « Gate », acronyme des mots anglais Gate Access To Europe. « Nous allons désormais pouvoir importer du gaz du monde entier vers l’Europe », s’enthousiasme Paul van Gelder, président de Gasunie.

« Depuis la découverte des champs gazifères de Slochteren en 1959, notre pays est producteur de cette énergie. Aujourd’hui, nous voulons devenir un acteur de poids dans le commerce mondial du gaz », a indiqué le ministre des Affaires économiques néerlandais, Maxime Verhagen, lors de l’inauguration du complexe la semaine dernière. Plusieurs raisons expliquent cette politique énergétique du royaume batave.

Pour commencer, les réserves gazières au large de Groningue s’épuiseront d’ici cinquante ans. « À long terme, le pays aura besoin de gaz étranger. En étant un réservoir, nous nous en assurons l’approvisionnement », explique Frits Eulderink, membre du conseil d’administration du groupe Vopak.

Parier sur le rôle du GNL pour l’avenir

Mais les ambitions des Pays-Bas ne s’arrêtent pas là. Au moment où la recomposition du secteur énergétique européen prend tournure, les Néerlandais veulent mettre en avant leur savoir-faire gazier pour assurer leur avenir énergétique. « Nous voulons maintenir notre position de leader sur le marché du gaz », a insisté le ministre néerlandais. « Parcellé sur chacun des pays auparavant, le secteur de l’énergie s’organise maintenant en réseaux qui relient le continent entier », constate de son côté Frits Eulderink.

Avec ce complexe dédié au commerce d’une énergie fossile, les Pays-Bas font un pari sur l’avenir en anticipant le rôle prépondérant du gaz liquéfié parmi les sources énergétiques de demain. « Il est le moins polluant des énergies fossiles », a rappelé le ministre néerlandais, relevant les décisions stratégiques de constructeurs de moteurs comme Rolls Royce ou Mercedes dans ce domaine.

Côté développement durable, « le gaz naturel liquéfié ouvre un monde de nouvelles possibilités », a aussi estimé Maxime Verhagen. Selon lui, « les émissions polluantes d’un moteur à gaz de navire peuvent être réduites de 60 % à 85 % par rapport à un combustible pétrolier. Les navires seront plus propres sur les mers, les camions sur les routes et les bateaux sur les fleuves ».

Il est vrai que les Néerlandais comptent sur l’attrait de hub logistique que représentent les installations de Rotterdam qui en font le troisième port mondial. À partir du centre économique névralgique pour le royaume batave, le gaz pourra en effet être acheminé directement vers le centre de l’Europe par tout moyen de transport, notamment via la ligne ferroviaire Betuwe reliant l’Allemagne à la mer du Nord. D’ores et déjà, l’Espagnol Iberdrola a déjà prévu de livrer 1 Mdm3 de gaz liquide par an via Gate Terminal.

Sur le terrain, le complexe rotterdamois aura pour concurrents directs deux ports méthaniers belges et un autre britannique installé sur les côtes de la Manche. Mais les projets de construction de sites portuaires méthaniers ne manquent pas.

Au Royaume-Uni, deux chantiers d’installations portuaires gazières sur les cotes occidentales ont commencé. Quant aux Allemands qui ont décidé d’abandonner leur programme nucléaire, ils pourraient aussi accélérer leurs projets de terminaux gaziers en mer du Nord et en mer Baltique. De fait, au global, les capacités d’entreposage de gaz liquéfié en Europe devraient porter sur plus de 14 Mm3 d’ici 2020, contre 8,2 Mm3 aujourd’hui.

Quatre partenaires

Pour le lancement de ses opérations, Gate Terminal a réuni quatre partenaires prêts à prendre livraison des premiers stocks de gaz: le Néerlandais Eneco, le Danois Dong et les Allemands RWE et E.ON. Des engagements qui ont pris la forme de contrats portant sur vingt ans en moyenne. C’est le British-Trader de BP qui a le premier abordé au Gate Terminal, y déchargeant 130 000 m3 de gaz dans ses réservoirs quelques jours avant l’entrée en service officielle du complexe en présence de la reine Beatrix des Pays-Bas.

Certes protocolaire, cette visite souligne l’enjeu géostratégique du Gate Terminal susceptible d’assurer des livraisons de gaz à l’Europe en cas de ruptures d’approvisionnements via les gazoducs en provenance de pays producteurs. « Les besoins en énergie sont trop essentiels pour les mettre en jeu en ayant recours à un seul fournisseur », commente Frits Eulderink à l’aune des refroidissements à répétition des relations bilatérale russo-ukrainiennes qui mettent sous pression l’approvisionnement en gaz de l’Europe occidentale.

Pour autant, vu la conjoncture actuelle, le pari économique des Néerlandais n’est pas gagné d’avance. Les experts du secteur estiment que l’activité de Gate Terminal risque d’être quelque peu atone à ses débuts.

En cause, l’explosion des installations nucléaires japonaises de Fukushima. Depuis la catastrophe de mars dernier, les trois-quarts des sites nucléaires de l’archipel nippon ont été mis hors service. Dès lors, pour faire face à ses besoins énergétiques, le Japon compte en premier lieu sur ses centrales à gaz. Mais elles réclament un approvisionnement en gaz liquéfié en provenance de l’étranger.

Du coup, avec cette demande soudaine, la donne sur le marché du commerce de gaz liquéfié a été chamboulée. « Le prix du gaz liquéfié est actuellement 30 % plus élevé au Japon qu’en Europe », relève Simon Ellis, analyste de ICIS Heren.

Dans ces conditions, le Vieux Continent perd largement de son pouvoir attractif. « Tant que les centrales nucléaires japonaises seront fermées, les méthaniers auront tendance à éviter les routes vers l’Europe », prédit l’analyste.

Sans compter la concurrence du nouveau gazoduc Nord Stream prévu d’entrer en service à la fin de l’année. Cette liaison via la mer Baltique va permettre d’acheminer directement les livraisons de gaz russes vers l’Allemagne. Autant de nouveaux débouchés en forme de défis commerciaux pour Gate Terminal.

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