« Nous sommes dans une véritable démarche de développement durable »

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JOURNAL DE LA MARINE MARCHANDE (JMM): EN 2010, LE GRAND PORT MARITIME DE LA ROCHELLE A ENREGISTRÉ UN TRAFIC RECORD. LES PREMIERS MOIS DE 2011 CONFIRMENT CETTE TENDANCE?

NICOLAS GAUTHIER (N.G.): Nous avons franchi, en 2010, la barre des 8 Mt avec un trafic de 8,4 Mt. Un record. Il faut revenir un peu en arrière pour bien comprendre notre évolution. En 2009, le port a perdu 5 % de ses trafics. Une baisse liée à la crise économique. Ce retrait a néanmoins été d’une moindre importance qu’ailleurs. En 2010, toutes les filières du port ont été en croissance, ce qui est encourageant. Et sur les huit premiers mois de cette année, nous continuons d’afficher une hausse. Nous avons atteint 5,7 Mt à fin août, soit une progression de 5,6 %. Nous avons réussi à combler les pertes des premiers mois liées aux mouvements sociaux de la réforme portuaire. Sur le premier trimestre, la baisse de trafic a été de 6 % en raison principalement des mouvements sociaux. Au second trimestre, nous avons repris le dessus. Ces évolutions démontrent que notre port dispose de fondamentaux solides et d’un potentiel énorme pour son développement.

JMM: L’ANALYSE DÉTAILLÉE DES TRAFICS APPUIE VOS DIRES. TOUTES LES FILIÈRES PROGRESSENT À L’EXCEPTION DES PRODUITS FORESTIERS ET DES SABLES. LES CÉRÉALES TIENNENT BON LA BARRE, LES VRACS AGRICOLES DÉCOLLENT ET LES TRAFICS DIVERS CRÈVENT LE PLAFOND. DEVONS-NOUS Y VOIR UNE NOUVELLE STRUCTURE DES TRAFICS DU PORT?

N.G.: Les trafics du port sont en pleine croissance. Nous accueillons de nouveaux courants régulièrement que nous souhaitons pérenniser. Maintenant, sur les trafics traditionnels du port, nous confirmons notre position. Les produits pétroliers demeurent en hausse de 3,7 % à 1,6 Mt. Les produits forestiers se stabilisent avec une perte de 0,5 % à 553 022 t. Quant aux céréales, principal courant de notre port, elles sont en hausse. Il est vrai que sur la campagne 2010/2011, nous avons enregistré une bonne progression. Nous avions des craintes sur la campagne actuelle qui ne sont pas justifiées pour le moment. Les premiers mois de collecte sont à des niveaux intéressants. Certes, la collecte est moindre en raison de la sécheresse, mais la qualité demeure. Le trafic de céréales du port devrait rester sur une tendance haute mais avec un retrait par rapport à 2010 en raison du caractère exceptionnel de la campagne terminée en juillet.

Quant aux vracs agricoles, qui sont constitués principalement de tourteaux de soja et de tournesol, nous enregistrons un important développement. Nous avons su étendre notre hinterland pour ces trafics vers le Limousin, le sud de la Bretagne et le sud de la Région Centre, des régions d’élevage fortement consommatrices de ces produits.

Enfin, sur les trafics des trafics divers, nous avons réussi à pérenniser un trafic d’éoliennes terrestres. Les éléments viennent d’Espagne et d’Allemagne pour ensuite partir en convois exceptionnels routiers vers leurs lieux d’implantation. Nous travaillons aujourd’hui principalement avec le constructeur Vestas et aussi avec Gamesa et les constructeurs allemands Enercon et Enertrans.

Au final, nous pensons que 2011 nous confirmerons notre position au-dessus de la barre des 8 Mt et légèrement au-dessus de notre record de 2010. Nos prévisions à court terme sont d’atteindre la barre des 10 Mt en 2015.

JMM: CET OBJECTIF DES 10 MT S’ACCOMPAGNE D’UN PROGRAMME D’INVESTISSEMENT LOURD. VOUS AVEZ INAUGURÉ EN MAI LE NOUVEAU TERMINAL DE L’ANSE SAINT-MARC. VOUS TRAVAILLEZ ACTUELLEMENT SUR LE SITE DE LA REPENTIE. COMMENT VA S’ARTICULER LA LIVRAISON DE CES DIFFÉRENTS INVESTISSEMENTS?

N.G.: Nous avons inauguré l’Anse Saint-Marc le 31 mai et les terrains se remplissent. Nous avons déjà 75 % des sols occupés sur les 10,5 ha, bien qu’aujourd’hui cela ne se voit pas. Les sociétés implantées sur l’Anse Saint-Marc entament leurs travaux. Ainsi, Vracs de l’ouest va s’installer pour assurer une activité de stockage et d’ensachage de sacs de ciment. Le cimentier Holcim va aussi s’installer dans les prochains mois. Un hangar supplémentaire devrait bientôt sortir de terre pour le stockage de vracs agricoles. Et EVA, l’exploitant du terminal, va construire une bande transporteuse pour le déchargement des navires. Des travaux qui ont démarré mais ne sont pas forcément entièrement visibles.

En inaugurant, le 31 mai, l’Anse Saint-Marc, nous avons livré un premier quai de 160 m de long. Il a représenté un investissement de 23 M€. Son potentiel de trafic est d’environ 1,5 Mt. Un second quai d’une longueur de 200 m devrait être opérationnel en 2015. Nous espérons démarrer les travaux en 2013. Au final, ces deux quais vont desservir ce terminal mais aussi l’espace de La Repentie. Sur cet espace, qui se situe du côté du pont de l’Île de Ré, l’investissement est de 9 M€. La mise en service se fera par tranches. La première est prévue d’être livrée à la fin de 2013. Nous avons, pour ce chantier, opté pour le remblaiement par des matériaux de recyclage. Nous avons besoin de 4 Mm3 pour remblayer l’ensemble du terre-plein. Nous avons déjà 400 000 m3 de disponible que nous stockons sur le port et qui seront poussés lorsque les digues seront achevées.

Avec ces travaux, nous allons réorganiser les différents postes du port pour, notamment, une meilleure gestion de notre espace. Ainsi, nous prévoyons de déménager les terminaux sabliers de Chef de Baie et de l’Anse Saint-Marc sur La Repentie pour gagner des terrains pour d’autres activités.

JMM: EN RÉORGANISANT L’ESPACE PORTUAIRE, IMAGINEZ-VOUS D’AUTRES TRAFICS?

N.G.: Outre ces travaux, nous travaillons aussi sur le poste roulier de Chef de Baie. Nous prévoyons de tourner à 90 oC ce poste et de disposer en arrière-plan d’une aire de stockage. En effet, nous réfléchissons au développement de cet outil en nous inscrivant dans les projets d’autoroute de la mer.

JMM: LA RÉFORME PORTUAIRE S’EST ACHEVÉE LE 3 MAI AVEC LA SIGNATURE DES CONVENTIONS TRIPARTITES. VOUS AVEZ CONNU DES MOUVEMENTS SOCIAUX, MAIS AUJOURD’HUI LES PRINCIPES SONT APPLIQUÉS. COMMENT ANALYSEZ-VOUS LA PÉRIODE ÉCOULÉE DE CES DERNIERS MOIS?

N.G.: Nous ne nous voilons pas la face. À La Rochelle comme partout dans les Grands ports maritimes, la réforme a été compliquée. Pendant les premiers mois de l’année, nous avons eu des mouvements sociaux qui ont eu un impact sur nos trafics. Certains navires n’ont pas escalé à La Rochelle. Nous avons œuvré avec toute la communauté portuaire pour minimiser au mieux les effets de ces mouvements. L’aspect social de la réforme a concerné au premier chef 37 personnes. Ils sont 22 grutiers à voir rejoint le GMCE (Groupement de main-d’œuvre conducteur d’engins), dont 14 grutiers, cinq électriciens et trois chefs de poste. Ce groupement dispose de conventions de terminal pour Bolloré logistique portuaire et EVA.

Ensuite, 15 personnes ont rejoint les rangs de la société LaRomane (La Rochelle maintenance et nettoiement) dont l’activité vise à assurer la maintenance des outils au sein de l’atelier et au nettoiement.

Ces deux sociétés sont détenues à part entière par les sociétés de manutention. L’intégration des personnels s’est faite le 3 mai, lors de la signature des conventions tripartites entre l’autorité portuaire, les sociétés de manutention et les partenaires sociaux. Les bases institutionnelles de la nouvelle organisation du travail dans le port sont posées. Nous avions un effectif de personnels dimensionnés à la hauteur de nos trafics.

JMM: L’ENSEMBLE DES TERMINAUX A ÉTÉ CÉDÉ AUX ENTREPRISES DE MANUTENTION. LE TRANSFERT DES PERSONNELS EST EFFECTIF. LES NOUVELLES MISSIONS DU PORT VOUS ONT-ELLES OBLIGÉ À RÉORGANISER LES SERVICES DU GPMLR?

N.G.: La réforme portuaire a aussi touché l’organisation au sein de l’autorité portuaire. Nos missions ont été changées et nous avons refondu entièrement notre organigramme. L’effectif du port est de 97 personnes aujourd’hui. Pour coller à ces missions, nous avons créé une direction des infrastructures dirigée par Philippe Guillard, qui regroupe trois services: le service des accès maritimes et infrastructures terrestres en charge des quais, des écluses, de la voirie du port et du dragage; le service des infrastructures portuaires et ferroviaires qui gère le ferroviaire; et un service de l’ingénierie. Cette direction reprend les fonctions régaliennes du port.

Dans cette réorganisation, nous avons conservé les services transversaux qui relèvent toujours de notre ressort. Nous avons créé une mission consacrée au développement durable et une direction des relations clients pour accompagner nos investisseurs.

Toute cette nouvelle organisation a été mise en place dès le 3 mai et nous pouvons assurer ainsi les tâches et missions que nous confie notre nouveau périmètre.

JMM: LA DIRECTION DES INFRASTRUCTURES COMPREND UN SERVICE FERROVIAIRE. VOUS AVEZ CRÉÉ LE PREMIER OFP (OPÉRATEUR FERROVIAIRE PORTUAIRE) DE FRANCE. SUR LES TROIS DERNIÈRES ANNÉES, CE MODE AFFICHE UNE CROISSANCE DE 38 %. ENVISAGEZ-VOUS DES INVESTISSEMENTS NOUVEAUX POUR CONTINUER SUR CETTE TENDANCE?

N.G.: La liaison ferroviaire entre le réseau portuaire – dont nous avons la gestion – et le réseau national se fait par une voie qui traverse la ville avec une légère pente. Cette voie unique est partiellement enclavée. Elle est mixte et accueille du fret et des passagers. Sa capacité s’en trouve donc rapidement atteinte. Nous avons le projet d’un contournement par le nord de la ville, du côté de l’aéroport de La Rochelle. Nous avons signé les conventions de financement des études. Ce projet s’étend sur une décennie depuis les études à la mise en service. Dans l’attente de ces travaux, le port continue de travailler sur ce mode. Nous continuerons de travailler et de progresser sur le ferroviaire.

JMM: LE PORT ET LES HABITANTS DES QUARTIERS VOISINS VIVENT SUR UNE RELATION PARFOIS TENDUE, À L’IMAGE DE « JE T’AIME MOI NON PLUS ». LES RIVERAINS SE SENTENT PARFOIS EXCLUS DU PORT TOUT EN EN SUBISSANT LES CONTRAINTES. COMMENT VOYEZ-VOUS LA GESTION DE CES RELATIONS VILLE-PORT?

N.G.: Les relations ville-port ne sont pas tendues. Nous avons évolué ces derniers mois. Nous sommes constamment en relation avec les associations de riverains. Force est de constater des évolutions sociologiques. Auparavant, les voisins du port étaient ceux qui y travaillaient. Aujourd’hui, les riverains ne sont pas forcément des acteurs portuaires. Ainsi, le quartier de La Pallice a énormément changé. Ensuite, la fermeture du port avec le grillage tout au long du boulevard Delmas a été traumatisant pour les populations. Il a cependant été nécessaire pour s’adapter au code ISPS.

Ces évolutions ne nous ont pas fermé entièrement avec nos riverains. Nous avons un projet à l’extrémité du boulevard Delmas pour réhabiliter le quartier et pour y installer la Maison du port qui aura une fonction d’interface entre la ville et le port.

Notre préoccupation se porte sur la proximité de cuves d’hydrocarbures attenantes à des habitations. La défiance de certains riverains à notre encontre est forte mais nous tentons d’apporter des réponses. Nous respectons toutes les procédures en dressant un plan de prévention pour risques technologiques comme le prévoit la loi Bachelot.

Notre objectif n’est pas de se cacher. Nous passons beaucoup de temps avec les habitants et nous voulons travailler en toute transparence. Nous en récoltons aujourd’hui les premiers fruits. Nous avons un devoir d’expliquer notre développement économique pour qu’il s’inscrive dans une logique durable. Nous le respectons.

JMM: UN PROJET DE PARC MARIN DEVRAIT VOIR LE JOUR PROCHAINEMENT À L’ENTRÉE DU PORT. NE CRAIGNEZ-VOUS PAS ÊTRE LIMITÉ DANS VOS DÉVELOPPEMENTS PAR CE PARC?

N.G.: Ce parc marin est une bonne chose. Le conseil de gestion regroupe plusieurs responsables locaux dont l’autorité portuaire. Il ne dégage pas une majorité dominante afin que toutes les parties puissent s’exprimer. J’espère qu’il sera un véritable lieu de démocratie pour assumer son rôle d’émetteur d’avis conforme.

La présence dans ce conseil des industries portuaires est un signe pour que le port fasse partie du parc marin. L’un et l’autre doivent continuer de vivre. Avec ce parc, nous aurons une attention particulière sur la qualité de l’eau et de l’air. Nous sommes le premier Grand port maritime français à recevoir la certification environnementale 14 001. Nous sommes dans une véritable démarche de développement durable.

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