Le navire s’est avéré inutilisable du fait de la panne des machines qui a entraîné l’accident contre la porte de l’écluse, et à cause de la forte corrosion de la coque. « Le navire était en mauvais état », confirme Bernard Plisson, responsable de la mission développement durable au Grand port maritime. « Il n’était pas possible de le réparer et de le revendre. Il nous a semblé plus pertinent de le démanteler ici », dans le port de La Rochelle.
Il est rare, en France, de lancer un tel chantier sur un grand navire. L’Anna mesure en effet 87 m de long pour 13,7 m de large. « En Europe, les exigences réglementaires en matière d’environnement sont très élevées », indique Bernard Plisson. C’est la raison pour laquelle les navires sont le plus souvent envoyés vers des pays où les normes environnementales – ainsi que celles concernant la sécurité des travailleurs – sont moins rigoureuses.
Le port de La Rochelle a décidé de procéder lui-même à l’opération. « Nous avons la chance, avec les formes de radoub, d’avoir un site de réparation navale adapté à la taille du navire », indique Bernard Plisson. Et ce site permet de maîtriser l’impact environnemental du chantier parce qu’il bénéficie d’un système de traitement des eaux de ruissellement, des eaux de pluie et des infiltrations.
L’opération est ainsi devenue exemplaire. La société Bartin, filiale de Veolia Environnement, a remporté l’appel d’offres pour pouvoir la mener à bien. Mais l’affaire était délicate. En effet, « l’opérateur a pris le risque d’acheter le navire alors que l’autorisation n’avait pas encore été obtenue, et donc sans avoir encore l’assurance qu’il pourrait le démanteler ». Si le projet a pu aboutir, c’est grâce à un travail collaboratif où le port a joué le rôle de pivot entre l’entreprise qui allait démanteler le navire et la Dreal, la Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement.
C’est le port en effet qui a monté le dossier ICPE (Installation classée pour l’environnement) qui allait donner lieu à l’autorisation du chantier. Cette autorisation a ensuite été transférée à l’opérateur, la société Bartin. Le port a également mis à disposition son propre site pour démanteler l’Anna. « C’est un montage original », souligne Bernard Plisson, « avec une forte implication du port, à la fois sur le plan technique et sur celui des relations avec les services de l’État pour respecter les normes et la réglementation ».
Des conditions sécurisées
Le chantier, débuté en juin, vient de se terminer avec quelques jours d’avance sur la date prévue. Il aura duré moins de trois mois, un délai court de manière à bloquer le moins longtemps possible la forme de radoub aux autres utilisateurs. Plusieurs dispositifs ont été mis en œuvre par Veolia pour maîtriser les risques, notamment ceux concernant l’environnement et la sécurité. Grâce aux formes de radoub, le démantèlement s’est déroulé dans un espace clos, confiné et donc isolé des autres activités portuaires. Un diagnostic des polluants, dont l’amiante, a d’ailleurs été réalisé avant le démarrage du chantier. Ensuite, tous les déchets récupérés sur l’Anna vont être valorisés: déchets pétroliers, ferraille. La Dreal a aussi été associée à cet aspect du chantier de manière à anticiper les coûts et trouver les meilleurs débouchés. Le démanteleur se paie sur les matériaux récupérés, et notamment les 1 500 t de ferraille. Quant à l’État, propriétaire du navire avant le rachat par le démanteleur, il est resté 100 000 € à sa charge. « C’est un projet pilote, résume Bernard Plisson, qui peut servir d’exemple pour des chantiers similaires. »