« La clause sanction résulte de l’impuissance des États à faire respecter l’ordre »

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JOURNAL DE LA MARINE MARCHANDE (JMM): QUEL AVIS PORTEZ-VOUS SUR LA CLAUSE SANCTION?

NICOLAS JUGÉ (N.J.): Elle est exorbitante par rapport au droit commun et à la sécurité qui doit prédominer dans le commerce international. Elle se rapproche des risques de guerre. La garantie des risques de guerre peut être résiliée à tout moment, l’exclusion de la clause sanction peut être imposée à tout moment. En fait, la clause dépend de l’environnement politique. Je pense que seul les nouveaux voyages et/ou les nouveaux contrats devraient être concernés. Si un pays s’enflamme et que le risque a démarré avant, le contrat devrait perdurer.

Je vois cette clause comme le constat d’impuissance des États à faire respecter les normes qu’ils édictent à terre et en mer. Les États ont délégué leurs responsabilités aux acteurs économiques face aux difficultés d’application des décisions de l’ONU. Ce système des clauses sanctions est pervers car la responsabilité de l’application des décisions des États ou des organisations internationales incombe aux ressortissants qui « facilitent » les intérêts des pays incriminés, sans leur indiquer véritablement un code de bonne conduite sinon des sanctions.

Nous pouvons faire le parallèle avec la mise en place de la qualité d’expéditeur connu qui touche aux questions de sûreté nationale. Avec ce procédé, les opérateurs privés organisent eux-mêmes la protection de leurs sites et des marchandises qui entrent et sortent dans les entrepôts. Ils font un travail de police. Cela démontre l’impuissance des pouvoirs publics qui délèguent aux acteurs économiques l’application de leur politique. Les États ne souhaitent pas engager une agression politique frontale.

JMM: LES ARMATEURS ONT TOUJOURS FAIT PREUVE D’INGÉNIOSITÉ POUR POURSUIVRE LEURS OPÉRATIONS COMMERCIALES. QU’EN EST-IL?

N.J.: En reportant cette clause vis-à-vis de leurs clients, mes partenaires assureurs sont entre deux feux, mais nous rencontrons des situations où le commerce s’en trouve paralysé. Parfois, l’armateur sans couverture se tourne vers des marchés parallèles pour s’assurer en dehors du circuit classique des assureurs et P&I Clubs. Il va chercher des garanties dans des pays (Chine, Turquie…) non concernés par les sanctions. Ces mêmes institutions financières vont ensuite se réassurer sur le marché de Londres, soumis aux clauses sanctions! Ces marchés parallèles vont devenir des marchés d’assurance écran en reportant in fine le risque sur Londres.

JMM: COMMENT SE PASSE CETTE GESTION DES SANCTIONS DANS LA PRATIQUE?

N.J.: Les Américains, plus pragmatiques que les Européens, tiennent une liste à jour des intérêts iraniens bannis. Les flux de marchandises ne sont pas perturbés. En revanche, le transit dans certaines zones telles que le Nigeria, le Golfe d’Aden, est modifié. Les armateurs évitent ces zones pour ne pas payer de surprimes. Si, en Syrie, les escales sont autorisées, le montant des primes peut être cent fois supérieur au taux normal. En Libye, nous avons mis en place des projets pour les programmes d’aide alimentaire de la Croix rouge, mais nous avons eu des difficultés à garantir les risques de guerre en France. Alors nous sommes allés à Londres.

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