En juin 1972, le Journal de la marine marchande assure à ses lecteurs: « C’est durant cette décennie que la navigation polaire commerciale prendra son essor. » Une affirmation qui trouve sa source dans un ouvrage publié par le professeur Strömme Svendsen, directeur de l’Institut d’économie maritime de Bergen. Pour lui, la navigation polaire pourrait d’abord constituer un grand intérêt pour l’armement norvégien qui a, plus que les autres, la possibilité de construire et d’exploiter une flotte moderne de navires polaires. Une telle flotte pourrait trouver à s’employer en URSS l’été, au Canada, en Amérique ou au Japon au cours des autres saisons. Le professeur norvégien rappelle que des quantités énormes de matières premières ont été découvertes dans les régions polaires, ce qui justifie la nécessité d’une exploitation minière et même le développement d’une grande industrie. Strömme Svendsen met en avant les ressources de la Sibérie: 75 % des gisements connus de minerai de fer, 65 % du plomb et de l’étain, du pétrole, du gaz naturel. Le climat est certes un obstacle puissant à l’exploitation. Le sol des zones polaires est gelé sur plusieurs dizaines de mètres, ce qui rend les forages difficiles et la vie des machines n’y est que le tiers de ce qu’elle est sous des températures plus clémentes. Et une fois les ressources naturelles extraites du sol, il faudra les évacuer et transporter très loin car il n’y a aucun centre de consommation à proximité des ressources. Le directeur de l’Institut d’économie maritime de Bergen assure que la navigation polaire est avant tout une question de matériel spécialisé: cargos polaires et brise-glace. Selon lui, l’URSS possède une flotte représentant 230 000 ch, soit 39 % de la flotte mondiale, suivie des États-Unis (117 000 ch, 20 %), du Canada et de la Finlande. Et l’URSS compte développer cette flotte avec une commande de trois brise-glace à des chantiers navals finlandais. L’ouverture à la navigation commerciale de la voie maritime du Nord exige aussi des investissements importants au niveau des ports, des phares, des stations météorologiques, indique Strömme Svendsen. Mais tous ces efforts financiers déboucheront sur des gains sensibles, affirme-t-il. Avec cette route maritime, la distance entre l’Europe et le Japon diminue de moitié. Au début des années 1970, un armement privé, J. Lauritzen, effectue des navigations par la route maritime du Nord, relève Strömme Svendsen. Cet armement a possédé jusqu’à 19 cargos polaires et le quart de la flotte mondiale. Les bénéfices étaient au rendez-vous car un cargo de 2 000 tdw a rapporté en moyenne 45 000 $ par mois pendant toute la décennie précédente. Aussi est-il certain que la navigation polaire va prendre son essor d’ici la fin des années 1970 ou au début de la décennie suivante.
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Il y a 39 ans… dans le Journal de la Marine Marchande
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