« Comment SeaFrance en est arrivé à la situation actuelle et perd encore de l’argent malgré le licenciement de 700 personnes? », s’interroge Didier Capelle, secrétaire général du syndicat maritime du Nord CFDT. Aujourd’hui, SeaFrance est dans une situation difficile. Après avoir eu des résultats financiers positifs, l’armement affiche des pertes depuis 2008. Depuis le mois d’avril 2010, la société est sous administration judiciaire pour une période de 18 mois. Le tribunal de commerce doit rendre sa décision le 28 octobre. De plus, la direction de l’armement a demandé aux autorités de Bruxelles d’autoriser la SNCF à recapitaliser SeaFrance à hauteur de 200 M€. « Un déficit qui s’est alourdi sans que nous ayons de réponses. Entre l’été 2009 et avril 2011, la recapitalisation est passée de 60 M€ à 210 M€ sans que nous ayons eu des informations tangibles sur cette augmentation », continue Didier Capelle. Bruxelles n’est pas autorité à se laisser conter des histoires et demande à la direction de l’armement des garanties. Lors d’une rencontre, le 5 juillet, entre les syndicats et la Commission européenne, le discours a été plutôt négatif. Le referendum organisé au mois d’avril par le président du directoire, Pierre Fa, a eu pour objectif de rassurer les autorités européennes. « Lorsque nous avons abordé le sujet avec la délégation de Bruxelles, ils ont déclaré ne pas être au courant de cette votation. » De plus, s’inquiète la CFDT, alors que l’armement a déjà perdu 720 emplois, la direction assure, selon le syndicat, devoir mettre en place 200 suppressions d’emplois supplémentaires pour convaincre Bruxelles. « Les membres de la commission nous ont déclaré que cette initiative de la direction a été prise avant la saisine de la Commission européenne. »
Le gaspillage mené par Pierre Fa
Le syndicat CFDT est excédé par l’attitude de la direction et ne mâche pas ses critiques à l’égard de cette dernière. Depuis la nomination du nouveau directeur, Pierre Fa, l’argent de l’armement est « gaspillé », les procédures de consultation des salariés sont bafouées et une partie du personnel licencié dans « la première charrette » a été « réembauchée dès le lendemain en CDD pour effectuer les mêmes tâches qu’auparavant ». La CFDT qualifie la direction d’incompétente et de destructrice de la qualité de service à bord des navires. « Ils nous ont imposé deux plans sociaux sans concertation ni dialogue et ils ont détérioré les conditions de travail », souligne Didier Capelle, ajoutant par ailleurs qu’un inspecteur du travail a comparé la situation sociale de l’armement équivalente à celle de France Telecom avec ses tentatives de suicide.
Pour trouver une porte de sortie, la CFDT explique que le nouveau plan de la direction de l’armement vise au départ de 200 salariés, la cession du Nord-Pas-de-Calais, navire pur fret, et des aménagements pour réduire la masse salariale. « Certains salariés sont inquiets et voient dans cette démarche la volonté de la SNCF de vouloir brader SeaFrance à des concurrents », note André Milan, secrétaire général de la FGTE-CFDT. Le syndicat majoritaire de l’armement a demandé au ministère d’organiser une table ronde pour dénoncer l’ensemble des actions de la direction, sans avoir obtenu de réponses à ce jour.
Bruxelles rendra sa décision avant le 28 octobre
La période d’observation du tribunal de commerce se termine le 28 octobre. La Commission européenne a assuré le syndicat d’une réponse sur son enquête avant cette date. Pendant ce temps court le délai pour la reprise de l’armement par un armateur, « mais nous n’avons pas eu connaissance de dossiers déposés aujourd’hui », indique Didier Capelle. Alors, la CFDT travaille sur un projet de reprise de l’armement sous la forme d’une Scop (Société coopérative ouvrière de production). « Nous travaillons avec des avocats et nous pensons pouvoir remettre pour la fin du mois de septembre notre dossier au tribunal. » Un plan qui prévoit le maintien des navires et l’emploi de tout le personnel, « voire un peu plus », assure la CFDT. Déçue par la nouvelle direction et regrettant l’ère d’Eudes Riblier, la CFDT se sent aussi lâchée par les partis politiques. « Nous avons alerté la Région en la personne de Daniel Percheron, président de la Région Nord-Pas-de-Calais, sans réponse; et la Ville de Lille en écrivant à Martine Aubry, mais sans que sa réponse nous satisfasse. » Seuls les représentants du Front de Gauche, par l’intermédiaire de l’édile de Calais, mais aussi des élus Front national présents à la Région, ont ouvert un débat sur l’avenir de SeaFrance. « Les élus socialistes et Guillaume Pépy comme président de la SNCF sont complices de notre situation », s’indignent les représentants CFDT de SeaFrance. Les échéances vont maintenant venir rapidement. Selon la décision de Bruxelles et celle du tribunal de commerce, SeaFrance pourrait disparaître. Pour la CFDT, la porte est toujours ouverte à la discussion avec la SNCF, « mais à condition que nous abordions les sujets sérieusement pour trouver des solutions viables ». Une porte ouverte qui pourrait bien déboucher sur une voie d’eau dans le dernier navire du pavillon français sur le détroit du Pas-de-Calais.