Présent en Guinée depuis 1986 au travers de SDV et de la Socopao, Bolloré a repris le terminal à conteneurs de Conakry (Conakry Terminal) depuis le 10 avril. En 2008, le gouvernement lance un appel d’offres pour la concession du terminal à conteneurs. le groupe Getma remporte la concession et s’installe sur le terminal. Quand Alpha Condé accède à la présidence de la Guinée en novembre, il constate l’absence d’investissements réalisés par Getma sur le terminal et décide de résilier le contrat. Après une période transitoire ou le port autonome a géré le terminal, la concession a finalement été signée avec Bolloré Africa Logistics. Défait, le groupe Getma se lance dans une procédure judiciaire. Il accuse Bolloré Africa Logistics de lui avoir usurpé ses bureaux et son matériel. Les deux grues de Getma et les reachstackers sont garés sur le terminal et n’ont pas été utilisés depuis l’arrivée de Bolloré. Quant aux bureaux, Bolloré s’est installé dans ses propres locaux.
« La situation économique et sociale du terminal que nous avons trouvé en arrivant était désastreuse. Ainsi, aucun investissement n’a été réalisé et les quais doivent être refaits rapidement. Quant au personnel, si Getma a disposé de 200 personnes, il a employé pendant deux ans 180 intérimaires d’une structure pirate, dont 20 % sont illettrés. Nous avons pris les choses à bras-le-corps. Les 380 personnels ont été embauchés par Bolloré Africa Logistics. Nous avons détaché une personne pour former l’ensemble du personnel avec une équipe de Gottwald pour former le personnel qui travaille sur ce matériel », explique Dominique Lafont, directeur de Bolloré Africa Logistics.
Après 50 années de difficultés politiques, les infrastructures portuaires sont entièrement à rénover par manque d’investissements. Lors de la négociation sur la concession, BAL s’est engagé à investir 500 M€ sur le terminal. Une somme vitale pour l’expansion du port. Après les années difficiles, les investisseurs internationaux ont décidé de revenir dans le pays. Les ressources minières, bauxite et alumine notamment, présentent de nombreux débouchés pour l’économie nationale. Selon la Banque Mondiale, les perspectives de croissance de la Guinée sont estimées aux environs de 6,5 % sur les années 2010 à 2015, puis de 5 % au-delà. La croissance économique mais aussi démographique du pays ouvre des perspectives pour le développement du port. Les principaux groupes miniers en Guinée, Rio Tinto et Vale, ont besoin du terminal à conteneurs pour alimenter les approvisionnements de leurs sites de production. En 2010, le terminal a traité 74 000 EVP pleins, soit 117 000 EVP en trafic total. « Nous sommes à la limite de la saturation. Les conteneurs s’accumulent sur le bord du quai et nous avons des demandes importantes. Nous devons intervenir pour augmenter les capacités du terminal », souligne Dominique Lafont. Selon les études menées par l’opérateur, le terminal est saturé avec un trafic de 75 000 EVP. « Nous devons doubler les capacités dans les trois prochaines années et les quadrupler dans les 12 prochaines », explique Jean-Michel Maheut, directeur de Bolloré Africa Logistics en Guinée Conakry. Le plan d’urgence prévoit plusieurs phases. La première s’étalera sur deux ans avec une enveloppe de 150 M€. Le groupe va agrandir et moderniser le terminal. L’obsolescence du terminal et l’absence de coordination et de contrôle efficaces rendent Conakry Terminal dans une situation de congestion. De plus, la position géographique du port, implanté sur une langue de terre avec une seule route d’accès, crée une congestion d’accès permanente. BAL prévoit alors de systématiser l’utilisation du chemin de fer. Dans cette première phase de travaux, Bolloré Africa Logistics va agrandir son terminal en reprenant sur la mer des espaces. Une opération qui lui permet de se doter de 300 mètres linéaires (ml) de quai avec une surface de stockage de 12 ha supplémentaires. La modernisation du terminal avec l’ajout de deux portiques de quai, la réorganisation des zones de stockage et l’acquisition de quatre RTG sur parc constitueront les premiers éléments pour éviter une saturation du terminal. Dès cette phase, il est prévu un allongement des voies de chemin de fer pour rejoindre le terminal avec l’acquisition de deux locomotives et 75 wagons. En créant sur le site de Kagbelen un port sec sur 10 ha dotés de quatre RTG, BAL veut décongestionner le terminal. Dès ces premiers investissements, Conakry disposera d’une capacité de 480 000 EVP. La phase deux du projet de Bolloré Africa Logistics, qui doit s’étendre sur 13 ans, vise à construire un nouvel espace sur le terminal avec 300 ml de quai et une nouvelle zone de stockage de 12 ha. En outre, trois portiques doivent venir appuyer les opérations de manutention bord à quai, et huit portiques de parc permettront une optimisation de la gestion de ce terminal. Le port sec de Kagbelen sera agrandi sur 10 ha supplémentaires et disposera de huit portiques de parc. Quant à la voie de chemin de fer de Conakry sur Kankan et Bamako, elle fera l’objet d’une reconstruction avec le soutien des bailleurs de fonds. « Cette voie ferroviaire ouvre le corridor vers le Mali, qui constitue un véritable potentiel économique pour la Guinée. Conakry est le port le plus proche de Bamako. » Et Bolloré s’est mis un objectif: capter à Conakry 30 % des 45 000 EVP que le Mali exporte actuellement par Dakar et Lomé.
Une nouvelle phase d’extension qui devrait générer 670 M€ de recettes pour l’État guinéen
La dernière phase des travaux à entreprendre à Conakry devrait porter le terminal à une capacité de 1,2 MEVP avec une nouvelle extension de 300 ml de quai et encore 12 ha d’aire de stockage, l’ajout de trois portiques de quai et de six portiques de parc.
Cette enveloppe globale de 500 M€ sur les quinze prochaines années devrait générer 670 M€ de recettes pour l’État guinéen. En parallèle, l’autorité portuaire prévoit d’approfondir le chenal d’accès au terminal à 13 m.
L’abondance des projets miniers du pays représente un potentiel pour les infrastructures de transport. « Nous menons une véritable approche de corridor sur ce dossier », explique Jean-Michel Maheut. À court terme, la voie ferrée reliera le port sec de Kagbelen, « que nous souhaitons mettre au statut de magasin sous douane », puis viendra la réfection de la ligne jusqu’à Kankan. Le tracé existe depuis 1900 pour relier Kankan à Conakry mais la voie est quasi inexistante. Les négociations portent actuellement sur la qualité de la voie, la finalisation viendra ensuite sur l’aspect technique. Le minier brésilien Vale a négocié avec l’État guinéen de pouvoir sortir sa production guinéenne par le port libérien de Buchanan à condition que Vale s’engage sur la construction de la voie de chemin de fer vers Kankan.
« Cette abondance de projets miniers permet aux pays africains de rattraper leur retard économique. Ils doivent être accompagnés du développement des infrastructures de transport pour soutenir la croissance économique », souligne Dominique Lafont qui prévoit pour la Guinée un développement économique soutenu, sous réserve d’un pouvoir politique stable.