Pour alimenter cette population, le gouvernement nigérian a entrepris, en 2003, de mettre en concession les terminaux du port de Lagos. Constitué d’une multitude de petits îlots, le port de Lagos dispose de deux terminaux à conteneurs: l’un à Tin Can et l’autre à Apapa. Le premier est géré par Bolloré Africa Logistics, l’autre l’est par APM Terminals.
« Avant d’avoir remporté la concession de Tincan, nous étions un opérateur de petite taille. Depuis juin 2006, lorsque nous avons emporté cette concession, nous avons franchi un cap. Ensuite, l’acquisition de Base One, une zone logistique attenante au terminal, nous a consolidés dans notre position », indique Dominique Lafont, directeur Afrique du groupe Bolloré. Depuis son arrivée, le groupe Bolloré a investi dans ce terminal et sur le port. Quand le groupe Bolloré est arrivé sur le terminal de Tincan, il l’a fait en partenariat avec Gold Star Line, une structure de ZIM et Stevedoring and Nigeria Company. En 2010, l’armateur décide de sortir de la holding du terminal et de céder ses parts au groupe chinois China Merchant Holding. Désormais, le terminal est géré par une société appartenant à 52,5 % au groupe Bolloré et 47,5 % au groupe chinois.
Avec un trafic avoisinant les 600 000 EVP, TICT (Tincan International Container Terminals) engrange 35 % du trafic conteneurisé du port de Lagos. « Depuis notre arrivée sur le terminal, nous avons doublé notre part de marché », explique Yehuda Kotik, directeur général de TICT. Une croissance que le directeur explique par les investissements réalisés sur le terminal. En cinq ans, le groupe Bolloré a investi 50 M$ dans le terminal. « En investissant dans de nouveaux équipements pour le terminal comme les RTG et les grues, nous avons amené TICT à des standards internationaux. » Une somme nécessaire en raison de l’état de délabrement du terminal lors de l’entrée en fonction du groupe Bolloré. « Tincan en 2006 ressemblait au port de Bremen au sortir de la Seconde Guerre mondiale. »
Le contrat de concession entre l’autorité portuaire et le groupe Bolloré a prévu la réfection, par le port, des quais. Devant leur absence d’intervention, Bolloré Africa Logistics a décidé d’entreprendre lui-même ces travaux. « Nous sommes ensuite allé négocier ces travaux contre une extension de 20 ans de la concession. »
Une présence multicarte
Opérateur portuaire, Bolloré Africa Logistics a une présence multicarte sur le Nigeria. Il opère comme commissionnaire en transport, transitaire mais aussi gestionnaire de plates-formes de conteneurs, groupeur et dégroupeur pour le compte de clients étrangers. Sa position de gestionnaire de plate-forme de conteneurs a été mise en place dès 2007 par l’acquisition de Base One, une plate-forme logistique de 90 000 m2. Située à cinq kilomètres du terminal de Tincan, Base One était auparavant un atelier de montage pour les voitures Peugeot 504. « Une acquisition qui nous a permis de venir en support de la politique du port de décongestionner les terminaux à conteneurs », explique Jean-Michel Tranchepain, directeur Nigeria du groupe. Parmi les clients installés sur Base One se trouve l’opérateur de téléphonie chinois Huawei. « L’outsourcing a été peu répandu ces dernières années en Afrique. Petit à petit, les industriels y viennent », indique le directeur des opérations à Lagos, Louis-Polin Liénou. La gestion des stocks de l’industriel chinois est assurée par Huawi. En octobre, le groupe Bolloré devrait assurer ces tâches. Outre cette fonction d’entreposage logistique avec des fonctions de mise en kit des téléphones et de packaging, Base One peut accueillir 2 000 EVP pour désengorger le terminal de Tincan. Dans la même zone, à quelques kilomètres du terminal de Tincan, le groupe Bolloré gère une seconde plate-forme de stockage de conteneurs à Kirrikiri avec une capacité de 2 200 EVP pour 35 000 m2. En outre, l’opérateur a pris une position sur la base d’Ijanekin, non loin de Badagry. Située sur l’autoroute reliant Lagos à Cotonou, deux ports concédés au groupe Bolloré, dont la construction est en cours, et à quelques tours de roues de la zone industrielle d’Agbara, Ijanekin accueille principalement des industries agroalimentaires comme Nestlé, GSK et Unilever.
Cette multiplicité d’activité du groupe démontre la volonté des Nigérians de s’impliquer dans le développement économique. « Au Nigeria, l’initiative privée fonctionne bien. Les querelles politiques sont moins prégnantes et le commerce est plus fluide », reconnaît Dominique Lafont. L’engorgement routier de la ville en raison de la démographie et les lourdeurs des procédures douanières nuancent ce tableau. Le développement économique du Nigeria porte sur trois points à corriger: les ports, dont la modernisation est en marche, les douanes et les routes. Le temps de dédouanement des marchandises peut aller jusqu’à 21 jours. Un point essentiel pour la croissance économique du pays, selon Dominique Lafont. « Les blocages logistiques coûtent deux à trois points de croissance économique pour un pays. » Une modernisation des douanes paraît désormais vitale pour l’avenir du pays et permettrait de réduire de moitié le temps de stationnement des conteneurs. Une nécessité pour le gouvernement mais aussi pour l’opérateur portuaire dont les terminaux maritimes et secs pourraient être rapidement saturés si la situation devait empirer.
Quant aux routes, certains axes sont en cours de construction, mais le réseau s’avère encore pauvre.
À l’Est, rien de nouveau
Toute la logistique pétrolière se fait sur la partie orientale du pays, à Port Harcourt. Auparavant, 85 % du chiffre d’affaires sur le Nigeria concernaient la logistique pétrolière. Aujourd’hui, la logistique pétrolière ne représente que 5 % des activités. « Nous réalisions du trafic aérien sur Port Harcourt que nous avons arrêté », explique Dominique Lafont, directeur Afrique du groupe Bolloré. Les opérations de logistique ont été traitées par le groupe Panalpina. « Nous avons été approchés avec des procédures que nous avons refusées. » Panalpina a été remercié par le gouvernement après une mission menée par la Économic Fraud Commission. Pour revenir dans le domaine pétrolier, le gouvernement du Nigeria a audité pendant plus de six mois les procédures du groupe. « Cet audit en vue d’une transparence dans nos procédures est une consolidation de nos affaires localement », se réjouit Dominique Lafont. Désormais, Bolloré Africa Logistics peut revenir dans le secteur de la logistique pétrolière. Les affaires sont au point mort aujourd’hui, « mais nous sommes prêts à revenir dès que le rebond se fera ». L’expérience du groupe dans ce secteur de la logistique pétrolière n’est plus à démontrer après les expériences dans les différents pays africains. Les moyens sont à disposition avec des grues et des convois pour les colis lourds tant au Nigeria que dans les pays voisins.