Journal de la Marine Marchande (JMM): Le dernier chapitre de la réforme est en train de s’écrire. Quel est votre sentiment à présent?
Patrick Daher: Je suis optimiste, même si la réforme a pris un an et demi de trop. Après le changement de gouvernance, une deuxième page a été tournée avec le détachement des agents. Mais nous n’avons pas encore changé le port! La prochaine phase sera d’en redéfinir les enjeux pour les 20 prochaines années. À Fos, la problématique sera de remonter notre hinterland vers l’Europe du Nord en massifiant les flux. Nous devrons augmenter les fréquences des navettes ferroviaires et investir en priorité dans les infrastructures pour faire passer les tonnages. La pire des choses serait que le système de transport soit engorgé. Nous devrons doubler les voies ferrées à Fos. Nous avons besoin d’un accélérateur tant côté ferroviaire que routier.
Dans le cadre de l’amélioration du transport fluvial, VNF a lancé une étude de faisabilité pour relier la Saône et le Rhône. Nous devons développer des actions communes avec les acteurs de la région Rhône-Alpes. Actuellement, l’accès au Rhône est insuffisant et la réouverture du canal en fond de darse à Fos est inscrite au projet stratégique. C’est une décision qui sera prise dans les cinq ans. À Fos, il s’agit d’aménager la zone industrialo-portuaire en tenant compte des craintes formulées lors des débats publics. Il y a un déficit de consensus avec les différents acteurs.
JMM: Quels sont les investissements programmés à Marseille?
Patrick Daher: À Marseille, la problématique est différente. Si des activités industrielles demeurent, il s’agit d’une ville-port, ce qui implique d’accroître la porosité entre les deux et de définir une politique à long terme. Avec la réforme, le GPMM se concentre sur ses missions d’aménageur et collabore avec Euroméditerranée et la Communauté urbaine pour présenter un plan d’aménagement. Des grands chantiers sont en cours, celui du Mucem, des Terrasses du port. D’autres sont programmés: Le chantier de transport combiné de Mourepiane, les travaux d’aménagement pour la croisière. Plus grands, les navires ont une prise au vent importante et il faudra toucher aux digues pour leur permettre d’entrer au port. La forme 10, un outil tout à fait exceptionnel et un nouvel appel d’offres va être lancé. Nous allons également repenser l’espace où se trouve le siège du port qui se retrouve dans un milieu urbain de qualité. Il ne pourra cependant y avoir d’investissement majeur sans un retour de la fiabilité. Ces investissements représentent plusieurs centaines de millions d’euros et le port devra dégager une capacité d’autofinancement accompagnée par l’État et les collectivités locales. Un euro investit par le port devrait générer entre 3 et 5 € d’investissement privé.
JMM: L’octroi de primes aux agents du port détachés a soulevé la polémique. Quelle est votre position sur le sujet?
Patrick Daher: Cela se pratique dans les entreprises en cas de reprise. Ce ne serait pas intolérable si le port était fiable. À Fos, la qualité de service est réelle mais nous devons donner des preuves de confiance pour faire changer les choses. Je ne suis pas franchement favorable au service minimum car le service est dégradé.
JMM: Où en est le projet d’États généraux du port?
Patrick Daher: Je n’ai pas parlé d’États généraux mais de pacte social, condition sans laquelle nous ne pouvons réaliser des investissements. Le monde salarial doit s’engager. Je ne pense pas que réunir les gens pendant huit jours en conclave puisse aboutir sur quelque chose. Nous devons travailler en amont et débattre avec les acteurs concernés. Ce n’est qu’après que tout le monde prend acte et s’engage.
JMM: Avec les projets Elengy et Faster, Fos prépare sa reconversion. Quelle est votre vision de l’avenir en matière de trafics énergétiques?
Patrick Daher: L’énergie est un axe de développement important, et avec Faster et Elengy des rééquilibrages vont s’opérer. Le stockage est également un des enjeux du port et le projet Oiltanking sera repensé.