Dans son édition du 20 mars 1931, le Journal de la Marine Marchande reprend une analyse de la situation économique maritime menée par Paul de Rousiers, vice-président du Comité des armateurs de France. Avec 3,1 millions de tonneaux de jauge brut, la flotte française a progressé de 4,6 %, « ce qui se rapproche sensiblement du chiffre de 5 % correspondant à l’amortissement en vingt ans d’un navire. C’est la seule constatation satisfaisante que nous puissions vous présenter, les autres éléments que nous passons en revue étant plus ou moins influencés par le mauvais état général des affaires », indique le vice-président du Comité des armateurs. Ce sociologue féru d’organisation industrielle et des ports maritimes s’inquiète de la situation des frets toujours à la baisse malgré la croissance des volumes transportés. Si, auparavant, une surcapacité résiduelle a pu faire chuter les taux de fret, en 1931, la situation devient plus critique selon Paul de Rousiers. « L’industrie des transports maritimes ne souffre pas seulement de son outillage excessif. Elle est condamnée à une sorte de chômage perlé parce que la clientèle lui fait défaut. Depuis un an, en effet, une chute des échanges maritimes s’est produite. » Et pour appuyer ses dires, le vice-président du Comité des armateurs de France cite les chiffres des trafics des canaux de Suez, de Panama et du trafic des Grands Lacs canadiens.
Rapporté à la France, les chiffres paraissent moins durs. Les trafics des principaux ports français chutent de 1,34 % quand le trafic mondial perd entre 10 % et 21 % selon les régions du monde. « On ne saurait y voir une garantie pour l’avenir. » Même si la France est moins touchée par la crise économique, le constat d’une baisse des taux de fret (ils ont perdu 19 % en 12 ans, note Paul de Rousiers) s’oppose à la hausse des coûts d’exploitation de 70 %. Résultat, les armateurs français ont décidé de désarmer des navires. Une stratégie qui n’est pas une solution pour le vice-président du Comité des armateurs de France. « Une ligne dont le service s’interrompt perd de sa clientèle et compromet son existence même. Le fait qu’elle le continue ne prouve pas la réalisation d’un profit, mais seulement la possibilité d’un sacrifice consenti en vue d’un avenir meilleur. » Et pour enrayer cette spirale, Paul de Rousiers appelle à une politique d’ouverture face à la volonté de certains États de se replier sur eux-mêmes. Pour redonner à l’économie d’un nouveau dynamisme, il convient, selon l’auteur, d’abaisser le prix de revient des marchandises pour développer les échanges et donc remettre sur une pente ascendante le transport maritime. Paul de Rousiers s’attaque directement aux hauts salaires. « Ils organisent la vie chère », souligne-t-il. Il propose alors des « ententes internationale qui, dans certaines industries, travaillent à équilibrer la production avec les possibilités de consommation. »