Quel est le point commun entre la catastrophe de Fukushima et les ports de la façade maritime allemande? À première vue, aucun. Et pourtant. L’incident survenu dans la centrale japonaise pourrait faire la fortune de certaines plates-formes portuaire. Car sous la pression de l’opinion publique hostile à l’énergie atomique, le gouvernement d’Angela Merkel envisage désormais de sortir au plus vite du nucléaire.
Et pour compenser la fermeture des vingt réacteurs que compte le pays, Berlin mise sur le vent marin: aux larges des côtes de la mer du Nord, pas moins de 92 parcs éoliens offshore pourraient ainsi voir le jour d’ici 2030. « L’industrie éolienne sera aussi importante pour l’Allemagne que l’industrie automobile l’a été au siècle précédent », prophétise Jens Eckhoff, le président de la fédération de l’énergie éolienne offshore.
C’est aussi ce qu’espèrent les ports de la façade maritime: si ces projets se concrétisent, ils sont de facto appelés à jouer un rôle de tout premier ordre. Avant d’être acheminées en haute mer, les turbines devront en effet transiter par les plates-formes portuaires. Mais les sites sont aussi les mieux placés pour accueillir des usines de montage. « Les fabricants s’implantent au plus près des quais, car il est très compliqué de transporter par la route ces engins hors normes qui pèsent jusqu’à 350 t pour une envergure de 120 m », explique Hans-Peter Zint, le directeur du port de Cuxhaven.
30 000 emplois d’ici 2040
Selon les estimations officielles, l’enjeu est colossal: le secteur pourrait employer 30 000 personnes d’ici 2040. Alors pour s’attribuer la plus belle part du gâteau, les autorités portuaires de la région multiplient les projets. À ce petit jeu-là, c’est Cuxhaven qui semble avoir pris le meilleur départ. Dès 2003, ce port « coincé » entre Hambourg et Bremerhaven et spécialisé dans les trafics Ro-Ro a lancé un ambitieux chantier destiné à moderniser ses infrastructures: un quai flambant neuf, spécifique pour la taille des éoliennes offshore vient de sortir de terre. Et d’ici 2012, une zone industrielle de 150 ha dédiée à la construction des turbines doit elle aussi voir le jour. Coup de l’opération: 450 M€. Le prix à payer pour passer de l’ombre à la lumière.
« À l’inverse de nos voisins, nous pouvons nous étendre facilement, car les procédures ont été volontairement simplifiées, détaille Hans-Peter Zint. Hambourg est, et restera, le premier port d’Allemagne, mais il est hors jeu en ce qui concerne l’éolien offshore: ses infrastructures sont saturées il lui manque l’espace nécessaire. Par ailleurs, il ne dispose pas d’un accès direct à la mer, contrairement à Cuxhaven. »
Des arguments également mis en avant par huit ports de taille très modeste du Schleswig Holstein à l’extrême nord de l’Allemagne. Idéalement situés en face des futurs parcs éoliens, ils espèrent eux aussi doper leurs activités grâce au vent marin. « L’idée est de mettre en réseau nos quais afin de répartir les compétences sur plusieurs sites et ainsi proposer l’ensemble des services logistiques aux constructeurs de ces parcs: stockage, transport, maintenance etc. », explique Frank Schnabel, le directeur de l’autorité portuaire de Brunsbüttel qui affirme être en discussion avancée avec plusieurs opérateurs.
Si les plus petits ports sont à la manœuvre, les grands acteurs ne restent pas les bras croisés. À Bremerhaven aussi, on lorgne avec gourmandise sur cette nouvelle activité. D’ici 2014, un terminal dédié à l’éolien offshore doit être construit, près de l’ancien port de pêche. Mais, contrairement aux habitudes, le Sénat ne financera pas ce chantier de 200 M€: les autorités portuaires vont devoir trouver des investisseurs privés. Et rien n’indique qu’ils vont se bousculer car de nombreuses incertitudes planent encore sur les parcs éoliens en mer: la plupart des projets attendent toujours le feu vert des autorités et des moyens de financement.
« Actuellement, on ne sait pas encore quelles seront les capacités portuaires nécessaires: si tous les parcs prévus voient le jour, il y a aura du travail pour tout le monde, mais il est encore trop tôt pour le dire », prévient Hans Peter Zint.