Le 11 février 1932, le Journal de la Marine Marchande reprend le rapport sur le budget de la marine marchande réalisé par Gratien Candace, député et rapporteur dudit budget. Dans ce rapport, outre les questions liées à la marine marchande de l’époque, le député de la Guadeloupe offre une vision de la crise maritime dans le monde après la récession de 1929. Le premier constat de cette crise se manifeste par le désarmement de nombreux navires. « Dans l’ensemble du monde, les 11 millions de tonneaux désarmés représentent le sixième du tonnage existant », indique le député. Les causes sont à trouver du côté de la surcapacité et de la baisse de la demande. « Une crise grave était inéluctable, une année ou l’autre, dans l’armement mondial, annoncée par la baisse régulière des frets, et provoquée par l’accroissement rapide et continu du tonnage à flot, l’accroissement des vitesses, la rapidité croissante des manutentions dans les ports. » Et le député de constater qu’entre 1914 et 1932, la flotte marchande mondiale a augmenté de 75 %. Un phénomène qui s’est aggravé par un repli des États sur leur propre production. « On verra de moins en moins l’Égypte, l’Inde et surtout l’Amérique exporter en Angleterre leur coton brut pour le racheter ensuite sous forme de tissu. […] Ce sera tant mieux pour l’économie générale du monde, puisque des transports inutiles rendent les produits plus onéreux, mais ce sera tant pis pour les entreprises de navigation maritime. » Et pour noircir encore plus le tableau, Gratien Candace souligne les effets de la fermeture aux exportations européennes de pays comme la Chine, l’Inde et l’URSS. Ajouté à ces différents facteurs de la crise, l’équipement des ports par des investissements nombreux et les frais de traversée des canaux maritimes pèsent lourdement sur les charges des armateurs. Des frais si élevés pour les canaux que certains armateurs préfèrent acheminer d’Extrême-Orient vers l’Europe par le cap de Bonne Espérance pour éviter des frais trop lourds dans les péages du canal de Suez. Quant aux ports, « bientôt, les navires devront déserter les ports s’ils veulent continuer leur exploitation dans des conditions où il leur soit possible de faire encore des bénéfices, et les rades de la côte d’Afrique paraîtront plus avantageuses au commerce que les ports les mieux outillés. »
Si, à l’époque, les armateurs n’ont pas adopté le « slow steaming » contrairement à aujourd’hui, ils ont malgré tout entraîné leurs sociétés dans le gigantisme « dont il arrive que le prix de revient avoisine le milliard de francs, et dont l’exploitation, ou tout au moins l’amortissement, sont d’autant plus impossibles qu’il faut envisager qu’ils seront en une dizaine d’années démodés et surclassés par d’autres. » Et si demain les 114 400 EVP étaient surclassés, que se passerait-il? Certaines lectures pourraient nourrir des stratégies.