Ils attendaient un versement de 2 500 € le 3 mai, premier quart d’une indemnité de détachement de 10 000 € obtenue lors des négociations sur la réforme portuaire. Fin mai, rien n’était encore tombé sur les comptes bancaires des 37 grutiers et mécaniciens concernés, dont les emplois ont été transférés du Grand port maritime au groupement d’employeurs GMCE. Ils ont donc annoncé qu’ils ne poseraient plus les passerelles sur les paquebots en escales, « tant que [leur] dû ne serait pas versé ».
« Nous sommes très conscients des conséquences de notre action », indiquent-ils dans un communiqué. Et ils désignent le responsable: le directeur du port. Un paquebot est attendu samedi prochain. « On le laissera entrer dans le bassin à flot, mais il y a des risques qu’il ne reparte pas ou que les bus qui doivent emmener les passagers se retrouvent bloqués. »
Côté port, le directeur conteste le bien-fondé de la demande. « Le premier versement était conditionné à la nouvelle organisation du travail », indique Nicolas Gauthier. « Pour l’instant, ils ont seulement été transférés. Une nouvelle négociation devait démarrer le 3 mai sur cette réorganisation, dont le but est d’améliorer la productivité. Mais la négociation a été reportée », et avec elle la mise en œuvre de l’indemnité prévue.
Les grutiers et mécaniciens n’ont pas la même lecture de l’accord. Pour eux, leurs emplois relèvent désormais strictement du domaine privé et ils se considèrent comme plus précaires. Leur détachement constituerait donc en soi une modification de leurs contrats de travail. Ils craignent aussi que, le versement traînant en longueur, certains des leurs aient quitté leurs fonctions sans avoir obtenu l’indemnité promise. Sept départs sont en effet annoncés durant les trois prochains mois.
Mardi, en marge de l’inauguration de l’anse Saint-Marc, les discussions ont continué bon train sur le nouveau quai entre cégétistes et représentants du GMCE et du port. Nicolas Gauthier s’est montré rassurant. Il se dit disposé à régler la première partie de l’indemnité dès que le nouvel employeur lui aura transmis le document ad hoc. « Cela fait trois ans qu’on multiplie les efforts pour remonter l’accueil des paquebots. Ce serait dommage de revenir en arrière. »
Au sujet de l’amiante…
Le 31 mai au matin, les dockers ont signé les modalités d’application locale de l’accord national sur l’amiante. Sur le site portuaire sont pris en compte les personnels ayant travaillé de 1974 à 1999. Cela leur donne droit à un départ anticipé, avec un an de « remise de peine », selon l’expression de la CGT, pour trois ans de travail au contact de l’amiante. Mais le montant de la retraite n’est alors que de 65 % du salaire. Les négociations qui ont abouti mardi ont permis de revaloriser ce montant.
L’Asian Shipowner’s Forum face à la concurrence européenne
Après l’intervention auprès de nombreux armateurs tant européens qu’asiatiques, Yuichi Sonoda, le secrétaire général de l’Asian Shipowner’s Forum, représentant les principales organisations armatoriales asiatiques, se dit confiant dans la bonne gestion entrepreneuriale des sociétés asiatiques pour ne pas craindre les enquêtes menées par la direction générale de la concurrence de la Commission européenne. « Je comprends que la DG concurrence de la Commission européenne a inspecté des compagnies de transport maritime tant européennes qu’asiatiques. Ces entreprises pratiquent une gouvernance entrepreneuriale stricte et j’espère qu’elles prouveront qu’elles agissent en pleine conformité avec les règles de la concurrence en vigueur dans l’Union européenne », nous a confié le secrétaire général de l’ASF. Yuichi Sonoda explique ses positions sur les grandes questions maritimes de l’époque dans un entretien exclusif au Journal de la Marine Marchande (voir notre article p. 8)
Une nouvelle ère doit démarrer
Le président de Mærsk Line, Eivind Kolding, joue le teasing. À une semaine de son intervention à la prochaine conférence TOC Europe, qui doit se tenir à Anvers le 7 juin, le président de Mærsk Line promet un discours novateur sur la conteneurisation en concentrant ses efforts plutôt sur la fiabilité que sur les taux de fret. « Nous l’avons appelé la boîte qui a changé la face du monde. L’industrie qui a transformé les habitudes des échanges et du commerce international en un demi-siècle est aujourd’hui face à une nouvelle ère: soit elle continue avec ses habitudes, soit elle redécouvre ses désirs et capacités d’innovation et de changement », a souligné le président de Mærsk Line qui promet la définition d’une nouvelle approche de la conteneurisation lors de son intervention le 7 juin. « J’espère ouvrir le débat sur la définition d’un nouvel avenir. »
Nantes/Saint-Nazaire: nouveau chômage partiel envisagé aux chantiers STX
Paradoxal. Le 26 mai, les chantiers navals STX de Saint-Nazaire ont annoncé la probable mise en chômage partiel des 200 salariés de ses bureaux d’études, de juillet à septembre. Le même jour, en marge du G8, à Deauville, les présidents français et russe, Nicolas Sarkozy et Dimitri Medvedev, ont annonçé à nouveau la commande de « quatre navires de guerre de type Mistral (porte-hélicoptères) ». En fait, des bâtiments de projection et de commandement (BPC) de type Dixmude, longs, chacun, de 200 m, avec un équipage de 174 marins, pouvant transporter 16 hélicoptères, 500 hommes de troupes et 60 véhicules blindés ou 13 chars Leclerc et abritant aussi un hôpital de 70 lits. « Les éléments de la signature et du contrat ont été réglés, la signature aura lieu dans les quinze jours », a ajouté Nicolas Sarkozy.
Le Président avait déjà lancé la bonne nouvelle le 24 décembre. Puis, le 25 janvier, il était venu à Saint-Nazaire signer avec la Russie un accord politique sur la fabrication des navires. Mais, depuis mi-avril, les négociations ont bloqué, sur le prix (environ 1 Md€), sur les transferts de technologie et sur le partage de la construction entre Saint-Nazaire et les chantiers russes. « Globalement, l’équivalent de deux navires sont construits en France et deux en Russie, mais il y a partage du travail dès le premier. Et les Russes veulent redémarrer leurs chantiers navals au plus vite », indique Marc Ménager, délégué syndical CFDT. « De notre côté, nous n’avons pas clôturé les négociations industrielles », indique la communication des chantiers STX. La DCNS (ex-Direction des constructions navales), qui négocie en première ligne avec la Russie, confirme simplement que « les négociations sont actives dans le but de conclure le contrat ». Dans le concret, rien n’a changé depuis le G8.
L’annonce par les chantiers STX d’un « plan de sous-charge des bureaux d’études » relève de la même prudence, tant que la commande n’est pas signée. Elle permet d’entamer la procédure administrative pour que l’État et les collectivités locales apportent des compléments de salaire. « Elle signifie aussi que les chantiers ne licencieront pas pendant six mois. Ce qui assure le maintien de la compétence industrielle de l’entreprise », ajoute François Janvier, délégué syndical CGC. La direction des chantiers STX de Saint-Nazaire assure que la sous-charge serait réduite de 90 % si le contrat des BPC russes était signé rapidement.
Hubert Heulot