Il est toujours émouvant d’entendre La Marseillaise au moment où se brise la bouteille de champagne sur une coque de 363 m. Les militaires sont au garde-à-vous. Certains civils également. Dans le cas du Titan, ils ont dû, sans doute, saluer le pavillon de courtoisie qui flottait sous le soleil dunkerquois. Ce pavillon est celui de l’État du port, l’État d’immatriculation étant Malte. Se définissant comme une « patriote française du maritime et du portuaire », Martine Bonny, présidente du directoire du Grand port maritime de Dunkerque, a remercié Jacques Saadé, p.-d.g. du groupe, de participer à l’élargissement de l’hinterland de la place portuaire en développant les dessertes terrestres et fluviales.
« Dunkerque est excellent choix opérationnel et le seul port de France qui ne fait pas grève », lui a répondu Jacques Saadé, demandant à Franck Gonsse, coprésident de la Coordination nationale des travailleurs portuaires et assimilés, de se lever. « Il vous parle gentiment alors qu’à Marseille, le syndicat veut nous diriger », a poursuivi, dans son style très personnel, Jacques Saadé.
En sa qualité de président du Medef, Laurence Parisot a estimé que « nous sommes sortis de la crise, le pire est derrière nous. Nous sommes en passe d’inventer de nouveaux modèles économiques ». Elle a ainsi souligné la présence d’un syndicaliste du monde salarié, de plusieurs élus ainsi que d’entrepreneurs, d’un équipage « européen » (5 officiers croates et 19 philippins, n.d.l.r.): « Nous avons beaucoup d’atouts pour montrer que nous sommes capables d’être des leaders. »
« Il n’y a pas de prospérité économique pour un pays sans échanges. Échange de produits, de services, de culture, entre les hommes. Plus un pays est ouvert à l’échange, plus il peut prospérer. […] Jacques Saadé est un visionnaire qui a compris les vertus de l’échange et les avantages de la mondialisation ».
Sérénité retrouvée
C’est un Jacques Saadé particulièrement détendu qui a répondu à quelques questions. Au sujet de la visite des représentants de la DG Concurrence le 17 mai, « certains étaient bien habillés, d’autres moins. Ils se sont assis dans mon fauteuil et ont fouillé mon bureau. Ils m’ont confirmé que CMA CGM pouvait parler avec une compagnie chinoise, mais pas avec une compagnie européenne. Alors j’ai ajouté que j’allais bientôt m’installer en Chine ». Concernant la mise en garde exprimée par Thierry Mariani, secrétaire d’État aux Transports (non maritimes), relative au faible soutien des armateurs français au Rif (JMM du 25/3, p. 12), Jacques Saadé a semblé perplexe sur l’interrogation du secrétaire d’État: « L’avantage du Rif est d’être un registre européen. Nous pouvons embarquer des navigants français lorsque l’avantage fiscal le permet et des navigants européens, moins coûteux, lorsque nous arrivons au terme de nos engagements. Je dois rencontrer prochainement une personne de l’administration qui souhaite me parler du Rif. J’ai cru comprendre que l’administration ne serait pas favorable à ce qu’un navire immatriculé au Rif charge des conteneurs appartenant à d’autres compagnies, comme cela se pratique dans le cadre de service joint. » De source directement concernée, Thierry Mariani doit se rendre à Marseille le 27 juin afin de constater personnellement les avancées de la réforme portuaire et de rencontrer, entre autres, la CMA CGM. Il sera alors possible de lui expliquer directement ce qu’est un service joint, si les capacités d’expertise de l’administration centrale ne suffisent pas.
D’ici à juin, Jacques Saadé espère bien que les demandes chinoises de transport confirmeront leur croissance afin de pouvoir procéder à des augmentations de taux de fret. L’Association des utilisateurs de transport de fret ne peut que se féliciter du choix de la marraine par CMA CGM. En effet depuis quelques mois, l’AUTF compte un nouveau membre, une filiale du groupe Parisot, entreprise dont l’origine remonte à 1936 quand Jacques Parisot, le grand-père, a créé sa propre société.
Une prière pour les marins
Entre la bénédiction de l’archevêque de Lille et le lâcher de bouteille de champagne, un « simple » prêtre a lu une « simple » prière: « […] que les constructeurs de navires et les armateurs aient le souci de ceux qui vont en mer, sur des navires sûrs où leur sera servie une nourriture décente, pour un salaire juste et un rythme de vie équilibrée. Ayons une pensée pour ceux qui sont morts en mer ou sont victimes de la piraterie […] ».
Autant de sujets d’une vive actualité.