L’Afrique de l’Ouest n’est plus l’apanage des pays d’Europe de l’Ouest. Les relations tissées après la décolonisation se sont distendues. Les pays africains ont trouvé en Asie une source d’approvisionnement moins onéreuse qu’en Europe. Dès le milieu des années 2000, l’Asie est venue prendre des parts de marché sur le continent aux Européens. Avec la réévaluation de la monnaie chinoise et la fermeture de nombreuses usines en Chine, les Africains se sont tournés de nouveau vers le marché européen, explique un responsable de Safmarine. Les chiffres du trafic conteneurisé entre l’Europe et l’Afrique sud-saharienne démontrent cette tendance. Après avoir été stable en 2009, ils sont repartis à la hausse en 2010 avec 1,2 MEVP transportés, soit une augmentation de 9 %, entre l’Europe et l’Afrique. En sens inverse, d’Afrique vers l’Europe, les statistiques affichent une progression de 10 % à 651 000 EVP.
Dans son étude sur les trafics conteneurisés sur l’Afrique de l’Ouest, publiée en décembre, le consultant néerlandais Dynamar passe au peigne fin les approvisionnements africains depuis l’Europe, l’Asie, l’Amérique du Nord et du Sud. Dans son analyse de marché, Dynamar démontre que les trois premiers armements conteneurisés opérant dans le monde conservent leurs positions sur l’Afrique de l’Ouest. Mærsk Line et sa filiale Safmarine s’arrogent 35 % de la capacité annuelle des navires opérant sur ce marché. L’armement danois aligne 89 unités réparties dans 17 services pour une capacité annuelle de chargement de 887 000 EVP. La place de dauphin est assurée par le groupe CMA CGM, et notamment ses deux filiales Delmas et Otal. L’armateur français aligne 487 navires dans 14 services pour une capacité totale annuelle de 545 000 EVP. Enfin, la troisième marche du podium revient à MSC avec 15 navires dans trois services pour une capacité annuelle de 161 000 EVP.
Un examen de ces trafics par origine montre, pour les relations entre l’Europe et l’Afrique de l’Ouest, que le groupe CMA CGM prend la pole position en termes de capacité offerte. Avec 164 000 EVP, l’armateur de Marseille s’arroge 25,3 % de parts de marché devant Mærsk; puis vient, en troisième position, l’italien Grimaldi avec une capacité annuelle de 82 000 EVP, soit 12,7 %. Au départ des ports méditerranéens, incluant les deux hubs du détroit de Gibraltar que sont Algésiras et Tanger Med, les armateurs alignent 99 navires au travers de 26 services. Profitant de son terminal à Algésiras, Mærsk et Safmarine emportent la part du Lion avec une capacité annuelle de 527 000 EVP, soit 54,2 % de part de marché devant le groupe CMA CGM qui aligne 25 navires dans sept services pour une capacité annuelle de 20,5 %. La troisième place revient à MSC avec 7,7 % de part de marché de la capacité annuelle. La position de Grimaldi au départ de la Méditerranée, fief traditionnel de l’armateur napolitain, n’est pas respectée puisqu’il arrive seulement en onzième position.
MOL se renforce
Le rapport de Dynamar, publié en décembre, doit être réactualisé. En effet, au cours du premier trimestre, l’armateur japonais MOL a décidé de mettre un terme à son service en transbordement par l’Afrique du Sud et de renforcer sa présence au départ d’Europe du Nord. Il mise sur les ports d’Anvers, Hambourg et Thamesport en Europe pour desservir Dakar, Téma, et Tin Can. « Nous opérons ce service seul. À Anvers, nous pouvons offrir des transbordements soit en import soit à l’export pour les trafics avec Le Havre », explique un responsable de l’armement. En Méditerranée, l’armateur japonais a décidé de mettre un terme aux deux services démarrés en mai 2010 dès le mois de janvier. Ces deux services utilisent les ports sud-africains comme relais vers l’Afrique de l’Ouest. En remplacement, MOL assure depuis l’Asie un service par le port de Tanger Med.
La mise en place par les armateurs de nouveaux services sur l’Afrique de l’Ouest augure des bonnes perspectives économiques. Selon les dernières statistiques fournies par les Nations Unies, l’Afrique de l’Ouest a enregistré une croissance de 5,6 % en 2009, doublant ainsi la région de l’Afrique de l’Est. En 2010, la moyenne de la croissance africaine se situe aux alentours de 4,8 % avec de nouveau la sous-région ouest-africaine en bonne position avec 6,4 % de croissance. Ces services conteneurisés sont principalement alimentés, dans le sens sud-nord, par le cacao en provenance du Ghana et de Côte d’Ivoire, indique l’étude de Dynamar. Ces deux pays produisent 50 % des récoltes mondiales. Après une récolte de bonne tenue en 2010, celle de 2011 devrait se situer dans les mêmes échelles, annonce le consultant néerlandais. Une approche confirmée par les derniers bulletins de l’organisation mondiale du cacao, l’ICCO. Une grande partie des fèves de cacao provenant de Côte d’Ivoire, la situation a été difficile au cours des premiers mois de l’année. Si le terminal à conteneurs d’Abidjan, concédé à Bolloré Africa Logistics, n’a pas été fermé, ni celui de San Pedro, concédé à Getma et MSC, les armateurs ont redouté les effets de la guerre civile. « Le marché ouest-africain évolue plutôt calmement actuellement. Les changements intervenus en Côte d’Ivoire sont favorables et nous pensons voir une reprise des trafics dans les prochains mois », indique un responsable de l’armateur MOL. Une position confirmée par Grimaldi. « Le marché actuel n’est pas à la hausse et les taux de fret demeurent à des niveaux bas. Si l’Afrique de l’Ouest n’a pas subi la crise de 2008, elle est confrontée aujourd’hui à une onde de choc moins soutenue et plus tardive de la crise. Le retour à la normale de la situation ivoirienne est un bon élément. Nous pensons que l’économie africaine va repartir dès les prochains mois », confirme un responsable de Grimaldi.
L’intérêt des « majors » sur la région ouest-africaine se caractérise aussi par une volonté des opérateurs portuaires de s’implanter localement. Bolloré Africa Logistics remporte la palme sur la région avec de nombreuses concessions, mais des opérateurs comme Mærsk APM Terminals, MSC et Grimaldi sont présents. DP World a remporté la concession de Dakar, et ZIM, armateur israélien, a vendu sa participation de 46 % dans Tin Can au groupe chinois China Merchants.
L’Afrique de l’Ouest devient le terrain de chasse des plus grands groupes mondiaux des transports.