Dans son édition du 10 mai 1973, le Journal de la Marine Marchande reprend une théorie de l’époque soutenue par Harald Lindahl, professeur à l’École Chalmers (l’équivalent suédois de notre École polytechnique) selon laquelle les armateurs doivent plutôt s’orienter vers la construction de porte-barges plutôt que de porte-conteneurs. « L’évolution est inexorable et, comme le porte-conteneurs a été la grande nouveauté de la décennie 1960 et a correspondu à une certaine évolution, le porte-barges paraît devoir s’imposer de la même façon au cours de la décennie 1970 », soutient le professeur suédois. Cette thèse du professeur est inspirée par un voyage d’étude menée aux États-Unis au cours duquel il a pu voir les progrès réalisés dans la construction navale localement pour répondre à des conditions géographiques particulières. « L’armement suédois doit s’adapter maintenant au risque de voir les Américains les devancer dans des régions comme l’Inde, l’Afrique ou l’Amérique du Sud, régions idéales pour le porte-barges. »
Ces navires, dont l’armement Baco-Liner se fera une spécialité, offrent plusieurs avantages. Ils évitent une rupture de charge et réduisent considérablement les coûts de pré et post-acheminements. De plus, les barges ne nécessitent pas de ports maritimes équipés et peuvent facilement relier un port intérieur. À l’époque, les groupes industriels français exportent de nombreuses machines outils vers les pays de l’hémisphère Sud. « Des colis empaquetés dans des emballages et coûteux et en pièces détachées. Il faut alors envoyer des techniciens. Une opération extrêmement onéreuse. Envoyer des machines toutes montées en conteneurs ne peut se faire dans l’hémisphère Sud en raison du manque d’équipements des ports », souligne le professeur suédois. Une thèse peu suivie. L’équipement dans tous les ports du monde a changé la donne et milite aujourd’hui pour une plus grande utilisation des porte-conteneurs.
Dans la même édition du Journal de la Marine Marchande, Richard D. Carter, président du Containerization Institute, imagine l’avenir avec une plus grande importance attachée aux navires rouliers. Ils présentent de nombreux avantages par rapport aux capacités des porte-conteneurs dont l’unité de transport demeure rigide. Il imagine, dans un futur proche de l’époque, l’arrivée de navires rouliers opérant entre les États-Unis et Porto-Rico sur les lignes transatlantiques. La réalité a rejoint la théorie.
Enfin, ce même numéro consacre deux articles sur le lancement du dernier-né des porte-conteneurs des Messageries Maritimes, le Korrigan, sous le titre: un porte-conteneurs géant de 2 800 EVP. À l’heure ou le groupe CMA CGM inaugure son « nouveau géant » de 11 400 EVP, tout cela paraît à des années lumières de notre actualité.