Le Kaptan-Aslan-Fatogoglu, le Gunay-2 et maintenant le Musketier

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Le BEAmer vient de publier son rapport sur les circonstances de l’échouement en plein jour, avec une visibilité de 10 km et une mer belle, le 8 février, presqu’au pied du Cross Griz-Nez, du cargo Musketier (voir p.11). L’officier de quart s’était endormi. Un de plus dans la longue série des caboteurs armés par deux officiers de pont comme les affectionnent les compagnies nord-européennes. Le MSC-Rosa-M a failli chavirer en novembre 1997 à la suite d’une erreur de ballastage commise par le second qui n’avait pas dormi depuis longtemps. Le Melbrige-Bilbao (armateur allemand, affréteur néerlandais) s’échoue à 17 nœuds en novembre 2001 sur Molène. Seul à la passerelle, l’officier de pont avait travaillé près de 22 heures durant les dernières 24 heures. L’Artemis, immatriculé aux Pays-Bas, termine fort dignement sur une plage des Sables d’Olonne en mars 2008. Seul à la passerelle, son commandant travaillait sur la base théorique de 2 × 6 h.

En 2001, le rapport annuel du BEA a souligné les risques que font courir aux équipages et aux populations côtières les États d’immatriculation qui acceptent que leurs caboteurs de 100 m soient armés par deux officiers de pont, commandant compris.

Dans son rapport sur l’échouement du Melbrige-Bilbao, le BEA recommande à l’administration française de bien vouloir se saisir du problème de la veille à bord des navires à deux officiers de pont (JMM du 8/3/2002, p. 13).

Dans son rapport annuel 2008, la puissante Maritime Accident Investigation Branch souligne « qu’un grand nombre de navires affectés au cabotage au large du Royaume-Uni ne disposent pas d’un équipage suffisant pour être exploités dans des conditions normales de sécurité » (JMM du 4/9/2009, p. 12). Elle cite le cas de l’Antari qui s’est échoué en Irlande en janvier 2008 et dont l’officier de quart dormait depuis plus de trois heures.

Maintenant que la France est représentée à l’OMI par un ambassadeur, qu’a fait la 2e puissance maritime par l’importance de sa ZEE pour que les caboteurs allemands ou néerlandais disposent d’au moins trois officiers de pont? En mai 2009, la direction des affaires maritimes a envisagé de mener une « campagne expérimentale » ciblée sur les caboteurs et leur organisation des temps de travail. Elle devait démarrer début 2010 afin de mesurer l’ampleur du phénomène. Et alors? Qu’a fait le Royaume-Uni? Où en est la Commission européenne qui s’autocomplimente facilement sur les paquets Erika?

De par la loi de 2005, la MAIB a obligation de faire rapport au gouvernement de la suite donnée ou non à ses recommandations. Voilà une idée peu coûteuse qui pourrait être importée en France. Peu coûteuse mais pas nécessairement efficace si le gouvernement décide de ne rien faire ou de mettre un terme à l’affrètement des remorqueurs de haute mer prépositionnés le long des côtes britanniques, par exemple.

Des failles récurrentes dans la surveillance des côtes?

Le second facteur déterminant dans l’échouement du Musketier est, selon le BEA, l’absence de détection par le Cross de sa trajectoire aberrante. Encore une vieille histoire politiquement plus gênante.

En février 2001, un vieux cargo s’échoue sur une plage de Boulouris avec 912 réfugiés kurdes. Personne n’a rien détecté. Le 11 septembre 2001, le monde entre dans l’ère de l’antiterrorisme tout mode de transport. Code ISPS, AIS, LRIT, tout est bon pour détecter le plus loin possible les mouvements de la moindre barque. Un nouveau relais de croissance, solvable et durable, émerge pour les industriels de la détection du monde entier.

En février 2004, le cargo turc Kaptan-Asala-Fatoglu obtient l’autorisation de se mettre à l’abri en baie de Douarnenez compte tenu des conditions météorologiques. Il se plante à 11 nœuds sur les hauts fonds de la pointe du Niveau. Il était dans l’angle mort du sémaphore de la pointe du Raz. C’est son courtier maritime qui prévient la préfecture maritime.

2004 est l’année de la mise en œuvre du dispositif Spationav destiné à suivre minute par minute la situation du trafic maritime, les informations émises par les AIS des navires de commerce, les données saisies par les guetteurs des sémaphores, etc. La « Situation des approches maritimes […] est à la disposition du Centre des opérations maritimes, des sémaphores et des Cross qui bénéficient ainsi d’une visualisation de la situation régionale et des images locales, enrichies des informations des systèmes locaux adjacents », écrit le BEAmer dans son rapport sur l’échouement du Gunay-2 au pied du phare du Planier (JMM du 6/11/2009, p. 11). « Moins de 30 mn avant l’échouement, alors qu’un contact VHF terre/navire et une correction de cap sont encore possibles, l’enregistrement Spationav montre que le Gunay-2 ne respectera pas la distance minimale nécessaire pour passer en toute sécurité dans le sud de l’île du Planier. » Personne n’a pris une VHF pour tenter de contacter le cargo. Le BEA a recommandé aux nombreux intervenants (port de Marseille, préfecture maritime et Cross) de bien vouloir clarifier leurs rôles en matière de surveillance des approches maritimes.

En janvier 2010, 124 réfugiés débarquent depuis la mer sur une plage au nord de Bonifacio. Rien vu venir.

Il est devenu difficile de trouver un colloque où l’on n’évoque pas avec un enthousiasme commercial appuyé l’emploi des nouvelles technologies de l’information en matière de détection des mouvements des mobiles en mer. L’influence du facteur humain y est rarement évoquée ainsi que l’a montré le colloque Safer Seas. Funeste oubli, peut-être?

« Cela fait bien une vingtaine d’années que j’ai demandé que soient intégrés dans les images radar des Cross des sortes de “barbelés électroniques” permettant d’attirer immédiatement l’attention de l’opérateur ou de son supérieur, en cas d’intrusion d’un navire dans une zone “interdite” » se rappelle l’administrateur général Jean-Louis Guibert.

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