En 2008, le courtier parisien BRS a estimé que le marché du roulier était reparti à la hausse après plusieurs années de stagnation. La question demeure de savoir si les investisseurs, au travers des fonds de pension, vont suivre le mouvement. La crise économique est passée et le monde du roulier vit aujourd’hui les mêmes difficultés que les autres secteurs du maritime. En 2011, BRS introduit son rapport annuel sur le marché du roulier par le constat alarmant d’une offre saturée. « L’offre sur le segment du transport de voitures est restée saturée, n’autorisant aucune reprise. Le surplus généralisé de tonnage a persisté tout au long de l’année, variant en fonction de la zone géographique et de la taille des unités concernées. Les taux d’affrètement ont subi en moyenne une baisse de 15 %. »
En 2011, le nombre de navires rouliers dans le monde est d’environ 499 navires. Une statistique révélée par Mike Garatt, directeur de MDS Transmodal, lors de la conférence Ro-Ro 2011 organisée à Copenhague le 10 mars. En sept ans, continue le directeur de Transmodal, la flotte de rouliers a diminué de 12 %. Au cours de la même période, la capacité a augmenté de 3 % à 0,93 million de mètres linéaires (ml). Comme les autres secteurs du transport maritime, le roulier est atteint de gigantisme chronique. Le dernier né de la flotte de Wallenius Wilhelmsen Logistics, le Tonsberg, navire de la série des Mark V, en est la démonstration avec une capacité de 8 000 CEU (car equivalent unit). Les navires de grande taille ont le plus profité de la croissance de la flotte. La catégorie des navires de moins de 1 000 ml de capacité a perdu 39 % de son nombre, et ceux de 1 000 ml à 2 000 ml affichent une diminution de 17 %. À l’inverse, les navires pouvant charger entre 2 000 ml et 3 000 ml gagnent 24 %, et ceux de plus de 3 000 ml ont progressé de 253 %.
44 % de la flotte a moins de 14 ans
Outre cette part importante que prennent les navires de grande capacité, la flotte des rouliers dans le monde n’atteint pas l’adolescence. Dans son rapport annuel, l’armateur roulier Pacific Basin annonce que 44 % de la flotte a moins de 14 ans. Les navires entre 15 ans et 24 ans représentent 13 %, ce qui signifie que plus de la moitié de la flotte des rouliers a moins de 24 ans. Les navires de 25 à 30 ans représentent 14 %, et ceux de plus de 30 ans 29 %. Une cure de jouvence est encore possible pour cette flotte. Le rapport annuel du courtier parisien BRS confirme cette tendance de démolition d’une partie de la flotte. En 2010, quelque 51 unités ont été démolies, représentant 98 000 ml, soit une hausse de 64 % par rapport à 2009. « Toutes les tailles de navires ont été concernées, avec 26 unités de grande taille, mais également 25 unités de tailles moyennes et petites. Sur ce dernier segment, le processus de démolition a commencé à porter ses fruits, réduisant substantiellement la flotte ayant constitué le cœur historique du marché de l’affrètement », note le rapport BRS. Ce phénomène de ferraillage des navires aurait dû relever les taux de fret sur les navires de taille moyenne. Une hypothèse qui n’est pas survenue.
Des perspectives de retour de croissance trop rapides
Le roulier est un modèle qui se déploie principalement autour des côtes européennes de mer du Nord et de Méditerranée. Selon les données collectées par le consultant MDS Transmodal, 70 % des navires, soit quelque 606 000 ml de capacité, naviguent dans les eaux d’Europe du Nord et de Méditerranée. Cette prépondérance européenne s’est accentuée au cours des dernières années puisque la flotte a progressé de 20 % sur les sept dernières années, de 2004 à 2010.
Les chiffres de trafic européen montrent une progression plus vive du côté des remorques accompagnées que de celles non accompagnées. Une tendance qui devrait favoriser le transport maritime à courte distance, plus que le marché du « deep sea ». Sur les activités à courte distance, c’est du côté de l’Italie que les opérateurs ont réussi à passer 2010. T-Link a profité de la baisse des loyers, la SNAV s’est renforcée en acquérant de nouveaux navires et en prenant 50 % de GNV (Grandi Navi Veloci de Grimaldi) et les appétits pour la reprise de Tirrenia ne démentent pas l’attrait des opérateurs italiens pour ce secteur du Ro-Pax. Hormis le marché italien, le monde du roulier en Europe a plutôt souffert en 2010. En Turquie les péripéties des armateurs comme Orient Ro-Ro Line, BKT Ro-Ro et UND Deniz ont montré les fragilités du secteur. « Les perspectives d’un retour de croissance sur le roulier ont été trop rapides », souligne la direction de l’armateur Pacific Basin qui prévoit une année 2011 plutôt déprimée, « même si une amélioration marginale devait intervenir ». Et les analystes, à l’image de BRS, espèrent une reprise économique en Europe pour redonner un coup de fouet à cette activité. Des facteurs positifs laissent entrevoir le bout du tunnel. Un retour de la croissance européenne pour le short sea, les effets de la démolition et l’arrivée de nouvelles routes. L’ouverture en septembre de la première autoroute de la mer entre la France et l’Espagne et le doublement de la flotte constitue un bon espoir. La réussite de cette opération, comme d’autres en Europe, dépend largement du programme Marco Polo et de la volonté politique d’appuyer ces initiatives. D’autres opérateurs tentent de relancer des services suspendus. Enfin, la sortie d’opérateurs comme Nile Dutch ou SCA Transforest, passant progressivement du roulier au conteneur, pourrait permettre un redémarrage pour les autres. Il reste qu’une partie des trafics européens précédemment opérés en roulier se tourne de plus en plus vers le conteneur, à l’instar des exportations d’Irlande vers le continent.