3e Rendez-vous de l’assurance transports: la piraterie, une donnée structurelle?

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À fin avril 2009, ils étaient plus de 380 participants à répondre à l’invitation lancée par la Fédération française des sociétés d’assurance et par le Cesam à assister à des tables rondes traitant de problématiques « métier »: gigantisme de certains types de navires, accumulation de valeurs et donc de risques financiers, indexation des fonds propres des assureurs et réassureurs selon l’importance réelle des risques encourus. Un an plus tard, 390 délégués prenaient le chemin de Cannes sur le thème général « Rough Seas Ahead ».

À fin avril 2011, les 377 représentants de plus de 30 États ont assisté à des présentations sur le développement économique de la Chine et son droit maritime, les conséquences des catastrophes qui ont frappé le Japon, sans oublier la piraterie « durable »*.

En avril 2010, Jean-Paul Lasserre, d.g. du Groupement d’assurance de risque exceptionnel (Garex), a pris le parti de présenter la piraterie (somalienne) façon « BtoB »: « véritables entrepreneurs », les pirates peuvent se développer grâce aux paradis fiscaux et à un environnement économique favorable résultant du faible coût d’entrée sur le marché. En outre, la rentabilité est forte, a-t-il souligné (JMM du 14/4/2010, p. 17). Compte tenu de l’efficacité relative des mesures prises par les États et par les compagnies maritimes pour lutter contre la piraterie, celle-ci a poursuivi son développement.

L’Occident a un problème avec la légitime défense

Un an plus tard, les assureurs ont invité la société Gallice Security (GS) à présenter ses « solutions » de sécurité maritime. Société française créée en mars 2007 par un ancien du service Action de la DGSE, GS s’est lancée sur le marché de la protection des navires en 2010, a expliqué son d.g. Frédéric Gallois, ancien patron du GIGN de 2002 à 2007. Deux « solutions » sont possibles, voire complémentaires: les gardes « toujours » armés, prudemment appelés EPE (équipe de protection embarquée) et un navire d’escorte.

« Il est tactiquement compliqué de monter à bord d’un navire disposant d’un haut franc-bord sous les balles », a rappelé Frédéric Gallois avant de citer trois exemples de contre-attaques réussies. « Militaire ou civil, personne n’a le droit (en France), en temps de paix, de faire usage de son arme sauf en cas de légitime défense », a souligné l’ancien officier de gendarmerie. Les EPE doivent donc suivre une procédure opérationnelle stricte et « validée » par le client: elle commence par la fuite devant ce qui est supposée être une menace. En cas d’échec, les gardes armés doivent se montrer. Quelques tirs de sommation doivent dissuader les plus téméraires. En cas d’insuccès, l’EPE passe au tir de destruction du matériel; et en dernier ressort, au tir de « neutralisation ». Afin de pouvoir montrer la légitime défense, le chef d’équipe filme la scène. « Il ne faut pas surestimer la capacité d’attaque des pirates », a souligné lors d’une sorte de point presse l’ancien patron du GIGN avant de rappeler que l’usage de la force pose un problème aux États occidentaux, mais « c’est une réponse qui fonctionne ». Cette réponse suppose cependant l’accord de l’État d’immatriculation du navire et celui de l’État du port ou côtier en cas de simple transit dans les eaux territoriales.

Il y a trois catégories d’État d’immatriculation, estime Simon Delfau, représentant de CMA CGM: ceux qui refusent toute présence d’arme à bord comme le registre chypriote, ceux qui sont d’accord sous condition(s) comme les Bahamas ou le Panama, ceux qui sont d’accord sans réserve et surtout s’ils ne sont au courant de rien comme le Liberia (dont le registre est géré aux États-Unis). La France est opposée à la présence de sociétés privées de protection à bord des navires qu’elle immatricule.

En ce qui concerne les États du port, GS a passé des accords avec tous les États concernés de l’océan Indien: dès qu’un navire sous protection entre dans leurs eaux territoriales, les gardes remettent leurs armes aux autorités locales. Elles sont restituées à la sortie. Les EPE sont présentes à bord uniquement durant le transit dans la zone à risque. Leur coût est de 4 000 $/j à 8 000 $/j pour quatre gardes à bord.

Un besoin de reconnaissance

« Nous sommes preneurs d’un contrôle des pouvoirs publics » sur les sociétés privées de protection, a expliqué Frédéric Gallois après avoir estimé que leurs actions étaient complémentaires à celles des marines nationales « qui n’ont pas les moyens de tout faire ».

Comment juger de la qualité de ces sociétés? s’est interrogé le représentant de CMA CGM qui a reçu environ 50 devis d’offres de service dont à peine dix sont « envisageables ». La plupart de ces sociétés sont de création très récente, moins de deux ans.

En d’autres termes, GS souhaite une sorte de validation « French Government approved ». Mais le transport maritime est international par essence. Donc les compagnies maritimes devraient rapidement demander une validation de portée internationale. Une sorte de STCW pour les EPE. Et entre 4 000 $/j et 8 000 $/j pour quatre gardes, cela devrait susciter des vocations aux Philippines, en Ukraine ou en Russie par exemple. Qui contrôlera le bon respect des éventuelles exigences STCW en matière d’EPE? Les États qui délégueront certaines de leurs prérogatives régaliennes à des sociétés de classification?

Toute référence aux dérives antérieures en matière d’équipages ne serait que le fruit d’une pure coïncidence. Les contribuables des États qui envoient sur zone des bâtiments de guerre pourraient cependant y trouver leur compte: le coût de la protection ne serait plus, en tout ou partie, supporté par la collectivité mais par le bénéficiaire direct, à savoir le transporteur qui en transfère le coût sur la marchandise.

L’argent menace l’organisation tribale

Le rétablissement de l’État de droit (dans sa version occidentale) en Somalie et/ou au Puntland (situé au nord de l’ex-État somalien) étant une perspective lointaine, une solution pourrait venir des chefs des villages dont sont originaires les « pirates », estime Jean-Paul Lasserre. En effet, le versement de rançons « déraisonnables » a déstabilisé le bon fonctionnement des clans côtiers dont les chefs seraient en train de perdre leur autorité. Ils seraient prêts à discuter mais n’ont pas d’interlocuteur, regrette le d.g. du Garex.

Une histoire de fous. En décembre 2008, le chef d’état-major de la Marine (française), l’amiral Forestier, a regretté l’absence d’interlocuteur « responsable et crédible » à terre en Somalie (JMM du 12/12/2008, p. 10). Le « business » de la piraterie semble donc assuré d’un développement durable ainsi que l’a assuré un officier supérieur d’une marine militaire cité dans l’étude de l’Institut allemand pour la recherche économique intitulée « The Business of Piracy in Somalia » publiée en juillet 2010 (JMM du 2011/2/11, p. 11): « C’est un business où chacun fait des profits, pas seulement les pirates. »

Toutes les présentations seront disponibles prochainement sur le site du Cesam, www.cesam.org

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