Le 16 février 1961, le Journal de la Marine Marchande publie un article de Louis-Augustin Boiteux sur l’assurance maritime en 1960. Cet académicien de marine, auteur d’ouvrages sur les fortunes de mer et les assurances maritimes, lie le sort du marché français de l’assurance à l’intérêt que lui porteront les dirigeants de l’Europe des six. Il commence ses propos en rappelant les nombreux sinistres survenus en 1959 et 1960 dont les règlements ne sont pas encore terminés. De ce fait, de nombreux marchés internationaux, à l’image du marché allemand, américain ou encore italien, enregistrent des baisses. La France reste dans une situation d’équilibre. « En dépit de quelques gros sinistres et du “pourrissement” continu des résultats facultés, il ne semble pas que – dans l’immédiat – l’équilibre soit compromis », indique Louis-Augustin Boiteux. Le régime des pertes du marché français de l’assurance demeure en dessous du régime observé sur les autres marchés internationaux. Déjà, le « gigantisme » de l’époque inquiète les assureurs. Et Louis-Augustin Boiteux de citer l’assurance corps du navire Fabiola pour un montant de 55 MF: « Sa perte absorberait la moitié environ des primes payées annuellement pour l’assurance corps français. »
Dans ce contexte de début de décennie, l’auteur revient sur le phénomène des concentrations dans le milieu des assurances en Grande-Bretagne. En 1960, des sociétés d’assurances ont décidé de se regrouper. Un phénomène « réalisé par plusieurs des plus anciennes et plus puissantes compagnies », souligne Louis-Augustin Boiteux. En France la situation est différente. Au lieu de fusionner les compagnies, les sociétés d’assurance françaises décident de retirer de leurs structures juridiques les branches maritimes pour les organiser sous forme de « pools ». Ces organisations sont constituées sous forme d’association loi 1901. Elles « assument la direction complète et exclusive et, dans les limites prévues par le pacte social, procèdent à une redistribution des risques entre participants, effectuent toutes les opérations de réassurance et préparent, pour les fournir à leurs mandantes, tous les éléments de leur bilan. » À la différence de ce qui se déroule outre-Manche, les « pools » à la française ont vocation à regrouper des branches maritimes de sociétés européennes. « Si les dirigeants du Marché commun jugent que la communauté européenne ne peut se passer d’un marché dynamique, puissant, indépendant, il faudra bien trouver les moyens de remplacer la protection douanière par une forme de soutien; mais s’ils estiment que le maintien d’un marché continental de conservation n’est pas indispensable, alors on peut sans être traité de Cassandre prévoir pour notre marché une période difficile. »