La Turquie devrait construire dans la prochaine décennie un canal reliant la mer Noire à la mer de Marmara, afin de désengorger le détroit (international) du Bosphore qui traverse Istanbul, a annoncé le 27 avril son ancien maire, l’actuel Premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan. Au même moment, son parti politique (AKP, issu de la mouvance islamiste) est entré en campagne espérant une nouvelle victoire aux prochaines élections législatives, prévues le 12 juin. Le Premier ministre est en poste depuis 2002. « Nous relevons nos manches pour le Canal Istanbul, l’un des plus grands projets du siècle qui fera de l’ombre aux canaux de Panama et de Suez », a déclaré Recep Tayyip Erdogan à la télévision.
Les études préliminaires, qui devraient prendre deux ans, commenceront après les élections législatives de juin, a-t-il ajouté, sans préciser les aspects financiers du projet, ni même son coût estimatif.
Creusé sur la rive européenne d’Istanbul, le canal aura une longueur de 40 km à 50 km pour 150 m de large, et une profondeur de 25 m, a-t-il précisé. Il pourra être emprunté par des VLCC chargés et paquebots, a raison de 160 par jour, permettant ainsi de désengorger le détroit du Bosphore, a ajouté Recep Tayyip Erdogan, soulignant que 140 Mt de pétrole transitent annuellement à travers le Bosphore.
Le détroit traverse Istanbul du Nord au Sud et est fréquenté par plusieurs dizaines de milliers de navires marchands chaque année, faisant courir aux quelque 13 millions d’habitants de la principale ville de Turquie de sérieux risques de catastrophe environnementale.
« Ce projet est un projet énergétique, un projet pour les transports […]. Mais avant tout, il s’agit d’un projet pour l’environnement. Il s’agit d’un projet pour la préservation de la nature, de la mer, des ressources en eau […] d’Istanbul et de ses environs », a déclaré le Premier ministre. Ce « projet fou » prévoit également la construction d’un aéroport – le troisième pour Istanbul et le plus grand de Turquie – et d’un port à proximité du canal, a indiqué Recep Tayyip Erdogan. Il a fixé pour l’achèvement des travaux la date de 2023, qui coïncide avec le centième anniversaire de la fondation de la République turque sur les ruines de l’Empire ottoman.
Liberté de passage
Le détroit (international) du Bosphore comme celui des Dardanelles sont régis par la convention de Montreux de 1936 sur le régime des détroits turcs. Très schématiquement, en temps de paix, la Turquie ne peut en restreindre le passage aux navires de commerce. Compte tenu des conditions de navigation souvent délicates (forts courants, vents violents et trafic intense notamment entre les deux rives d’Istanbul), la Turquie a pendant de longues années essayé de réguler la navigation, se heurtant ainsi frontalement à l’URSS, puis la Russie. Des arrière-pensées financières n’étaient pas et ne sont toujours pas à exclure.