« A priori, dans ce cas d’espèce, l’origine de l’accident semble liée à un défaut de fabrication. Les causes “classiques” sont d’un autre type mais mènent aux mêmes conséquences. La convention Solas exige un “débordement” mensuel des embarcations. Il s’agit, sans personne à bord, de la faire décoller de son bossoir, juste pour vérifier qu’en cas de besoin, elle ne restera pas coincée à son poste de mer. Les problèmes qui peuvent survenir sont qu’en cas de frein de bossoir défaillant, l’embarcation aille jusque dans l’eau, ce qui n’est pas dramatique si aucune embarcation ne se trouve en dessous. Bien sûr, on ne déborde pas une embarcation située côté quai. Cela peut sembler évident mais on a déjà vu, dans une compagnie française, une embarcation côté quai qui ne devait décoller que de quelques centimètres de sa position initiale dériver et venir écraser une voiture garée en dessous. Solas exige une manœuvre trimestrielle des crocs de largage de l’embarcation. Dans ce cas, on procède à une mise à l’eau sans personne à bord puis on vire l’embarcation à son poste de mer et enfin on met trois personnes dans celle-ci (équipage minimal pour manœuvrer les crocs). L’un des équipiers soulage le frein qui permet à l’embarcation de gagner la surface de l’eau puis, une fois l’embarcation à la mer, on essaie le moteur, largue les crocs, les graisse au passage et les remaille pour que l’embarcation et ses occupants soient remontés à bord. Le point critique est au niveau de la remise en place des crocs et de leur verrouillage. Si cette dernière opération n’est pas effectuée conformément à la notice d’utilisation, il est possible qu’un croc largue durant la remontée de l’embarcation qui, au mieux se retrouve à la verticale sur le croc restant verrouillé, au pire tombe en “vrac” à la mer avec trois personnes dedans. »
Anticiper le pire, avec un certain bon sens
« En tant que commandant, je suis donc là, entre autres, pour:
– modérer les ardeurs de certains jeunes officiers inconscients, prompts à déborder une embarcation côté quai voire navire à la mer en route;
– surveiller que le débordement complet sans personne à bord précède bien l’essai de largage avec une équipe à bord;
– limiter l’équipe qui monte à bord à trois personnes seulement. J’interdis même aux élèves officiers de monter à bord lors des essais, arguant qu’en cas d’accident, on me reprochera toujours d’avoir mis un élève (donc une personne non confirmée) à l’intérieur en supplément d’effectif. Pour faire court, je préfère limiter le nombre de victimes possibles;
– m’assurer que l’officier participant aux essais connaisse bien la procédure de verrouillage des crocs;
– interdire les essais, navire au mouillage. Le dernier embarquement, on a passé dix jours au mouillage et mon second capitaine n’a toujours pas compris la raison pour laquelle je lui ai refusé de procéder à cet essai. Je pense qu’il n’est pas raisonnable de risquer un accident dans un environnement où il serait impossible d’obtenir rapidement des secours.
Sachant qu’une embarcation de sauvetage ne peut pas se mettre à l’eau par mauvais temps (mauvais temps voulant dire roulis donc embarcation venant frotter contre la coque du navire durant sa descente), et considérant que l’on coule souvent par mauvais temps, je ne pense vraiment pas qu’elles aient sauvé grand monde. Tué ou blessé, oui! »