« Je suis une ancienne secrétaire. J’ai appris le métier de matelot sur le tas avec mon mari. C’est par lui que j’ai découvert le secteur de la navigation et du transport fluvial. J’ai deux grands enfants. L’un d’eux est en formation au Tremblay et apprenti sur notre bateau, le Necton », témoigne Cécile Pelaz, rencontrée lors d’une escale au port de Montereau-Fault-Yonne début avril. Un chargement de blé est en cours. Cécile est debout devant le poste de pilotage. Elle surveille les instructions par gestes de son mari Jean-Michel qui passe du plat-bord du bateau au quai pour surveiller le chargement. Il faut s’assurer de la répartition équilibrée du blé dans les cales. Voilà vingt ans que le couple travaille ensemble. Ils ont acheté un premier bateau en 1992, un 38 m avec lequel ils ont surtout navigué sur les canaux. « Nous l’avons eu pendant six ans, précise Cécile Pelaz. En 1998, nous avons changé pour un convoi poussé. C’était le pousseur Mechta et la barge Ponto. Puis, en juin 2009, nous avons pris le Necton ». Ce dernier est une unité de 105 m de long sur 9,40 m de large fabriquée en 2000 aux Pays-Bas. Il est adapté à une navigation sur les voies à grand gabarit comme la Seine, où le couple évolue entre Le Havre, Rouen, Conflans et Montereau. En ce qui concerne la navigation de nuit sur l’axe séquanien, « elle est en place en Basse Seine et à l’étude pour la Haute Seine. Je suis plutôt favorable à la navigation 24 h sur 24 sur certains réseaux. Mais chacun doit pouvoir choisir, s’organiser à sa convenance. Cela ne doit pas être une obligation ». Le Necton peut embarquer entre 1 800 et 2 000 t de marchandises. « À l’origine, le bateau est fait pour transporter jusqu’à 108 conteneurs sur trois hauteurs. Mais, en ce moment, comme en 2010, il n’y a pas assez de travail avec les conteneurs. Alors, on transporte de la farine, de l’orge, du blé, des ferrailles, du sable, des gravillons, etc. ». Selon Cécile Pelaz, les grèves consécutives à la réforme dans les ports expliquent la raréfaction des conteneurs sur la Seine. Les porte-conteneurs n’arrivent plus aussi nombreux qu’avant au Havre. Ils vont en Belgique, assure-t-elle. Après une année 2009 difficile suite à la crise financière et économique de mi-2008, elle a aussi l’impression que « l’activité est repartie un peu depuis 2010. Mais les taux de fret restent très bas. Il faut s’accrocher ». Pour l’avenir, le couple compte sur la mise en service du canal à grand gabarit Seine-Nord Europe en 2016 ou 2017. « On ne sera plus bloqué sur le bassin Seine-Oise, confie Cécile Pelaz. Si Seine-Nord est vraiment réalisé, l’idée est de prendre un nouveau bateau, plus grand, et de faire du transport en Belgique et jusqu’au aux Pays-Bas ». Mais Seine-Nord sera-t-il vraiment construit? « Tout peut encore s’arrêter, il y a l’exemple de Rhin-Rhône en 1997 », rappelle-t-elle. Même inquiétude pour les mesures annoncées en faveur du secteur fluvial, que se passera-t-il si une alternance politique sort des urnes lors de l’élection présidentielle de 2012? Quoi qu’il arrive, il reste une certitude: « Je ferai tout pour rester sur le fleuve. Je m’y sens bien. On bouge tout le temps. On est dehors pour travailler. L’hiver, c’est vrai, c’est difficile. La nuit tombe vite. Les bouts sont glacés, le pont glissant. Mais l’été, c’est super.Et pourtant, je n’ai aucune origine batelière, mon mari non plus. D’ailleurs, certains sont encore étonnés de voir des gens de la terre s’être si bien adapté à la vie sur le fleuve. »
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Tout faire pour rester sur le fleuve
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