Le 18 mars, les marins grévistes de la Société nationale Corse Méditerranée (SNCM), réunis en assemblée générale sur le Paglia-Orba, leur QG pendant le conflit, se sont prononcés à l’unanimité pour la reprise du travail. Après 47 jours de grève, un record dans l’histoire pourtant tourmentée de l’ex-compagnie nationale, le trafic sur la Corse a été rétabli dans la soirée. Et ses 1 700 agents ont pu reprendre le travail dans des conditions normales.
Les sept semaines qui ont privé la Corse de navires de la SNCM laissent une compagnie considérablement affaiblie. Avec un manque à gagner de 8 M€, note laissée par le conflit, les finances 2011 ne se redresseront pas de l’état déficitaire de l’an dernier (15 M€ de perte d’exploitation). Et même si sa direction commerciale assure que les conséquences sur les réservations de la saison estivale pendant laquelle se réalise l’essentiel du chiffre d’affaires seront mineures, l’image de la SNCM ne sort pas grandie commercialement.
« Le manque de fiabilité est une maladie marseillaise », a-t-il été une fois de plus avancé. Cette maladie honteuse est-elle une fatalité? Par leurs actions, les syndicats hâtent, sinon se condamnent à un destin annoncé. Et leur direction, de nouveau embarquée dans l’attente d’une nouvelle DSP, confirme qu’elle n’a pas tous les moyens de piloter son avenir dans un contexte de « distorsion de concurrence » (rapport Revet). De fait, depuis cinq ans que le groupe Veolia tient la barre, la dérive n’aura pas été fondamentalement redressée.
Dans l’entreprise, c’est un dialogue de sourds qui a prévalu pendant le conflit entre la direction de la compagnie et les syndicats grévistes, la CGT et le Samm (Syndicat autonome des marins de la marine marchande). Les attendus de sortie de grève négociés pour une grande part au siège de Veolia à Paris laissent songeurs. Les syndicats se sont finalement déclarés rassurés sur l’avenir de la compagnie. Des garanties sur la pérennité de la compagnie et sur l’emploi au sein de l’entreprise auraient été apportées. Et si la direction a proposé la requalification de 14 postes de marins, à effectif constant, sur les cargos mixtes de la Compagnie, elle est restée ferme sur la réduction de la flotte à neuf unités après la future vente du NGV-Lamione.
L’étincelle qui a mis le feu aux poudres sociales a paru anodine. La décision du port de Nice, sur injonction de la municipalité, de réduire le nombre de touchées globales à 300 a concerné autant la SNCM que sa rivale, la Corsica Ferries. Mais la direction n’a pas pu éteindre les craintes, car elle ne les maîtrise pas. La SNCM est de nouveau à la croisée des chemins avec de nouvelles règles de la délégation de service public (DSP) auxquelles travaille l’Assemblée de Corse. Il a suffi qu’elle repousse le débat pour que la flotte de la SNCM tangue. Et que l’État, actionnaire à 25 % jusqu’en 2013, se garde d’intervenir. Une autre constante.
Remous dans la réparation navale
Il arrive souvent qu’un conflit chasse l’autre sur le port de Marseille. Le Girolata de la CMN sera-t-il bientôt réparé à Istanbul et deux unités de la SNCM en Tunisie? La CGT de la réparation navale renaissante à Marseille avec le Chantier naval de Marseille (San Giogio) a saisi le préfet. « C’est une situation inacceptable. On ne peut comprendre, alerte le syndicaliste Patrick Castello, que de l’argent public soit accordé à une compagnie qui, à aucun moment, ne contribue à la pérennisation d’une activité et des emplois qui en dépendent dans son propre port d’attache, et tout cela avec le silence complice des représentants de l’État. »