Journal de la Marine Marchande (JMM): Comment expliquez-vous cette croissance ininterrompue du trafic passagers depuis dix ans entre Toulon et la Corse?
Claude Orfila (C.O.): Nous constatons une progression générale des trafics vers la Corse, mais je dois reconnaître que nous sommes particuliè- rement aidés par les mouvements sociaux à Marseille. Toulon est le seul port où il est possible d’effectuer des traversées fiables. De plus, il y a une importante communauté corse à Toulon. 2010 a été particulièrement exceptionnelle avec une augmentation des rotations de Corsica Ferries couplée à l’arrivée de Moby Lines.
JMM: Cette compétition n’a-t-elle pas eu pour effet d’entraîner une surcapacité qui plombe les comptes des armements?
C.O.: L’été, les car-ferries de Corsica Ferries affichent un taux de remplissage de 80 % et, durant la basse saison, la compagnie complète son chargement avec des remorques. Le départ de Moby risque de faire stagner les trafics en 2011 car l’offre sera moins importante. Nous devrions rester aux alentours d’1,5 million de passagers. Moby n’a pas obtenu les résultats escomptés.
JMM: Il se dit que Toulon ferait du chantage pour accueillir des lignes régulières en refusant l’escale ponctuelle à des navires…
C.O.: C’est faux! Nous avons le devoir d’accueillir tout navire qui demande une place à quai. Par contre, nos services font leur possible pour attirer de nouvelles lignes. Si une compagnie vient occasionnellement, elle ne bénéficiera pas des mêmes tarifs qu’une compagnie qui touche Toulon régulièrement. C’est un peu comme une carte de fidélité en boutique. Nous sommes considérés comme un des ports les moins chers. Dernièrement, à cause du mistral, un paquebot a été dérouté de Marseille vers Toulon, nous avons été prévenus le vendredi à 18 heures, mais je peux vous dire que le lendemain à 7 heures nous étions au Môle d’armement pour accueillir le navire.
JMM: Quels sont les grands travaux d’infrastructures programmés?
C.O.: Il n’y en a pas. Depuis quelques années, le Syndicat mixte (qui regroupe le Conseil général du Var et Toulon Provence Méditerranée) évoque l’établissement d’un schéma directeur de la rade qui doit définir où doivent s’exercer les activités. Il était annoncé pour 2010 mais nous l’attendons encore.
JMM: Toulon est-il dans la course dans le cadre de l’appel à projet West Med Corridor?
C.O.: Oui, nous sommes dans la course! Toulon est candidat dans le cadre de deux projets distincts mais je n’en dirai pas plus.
JMM: UND a fermé sa ligne Toulon-Tekirdag en laissant une belle ardoise au port et à l’agent. Auriez-vous renoncé aux poursuites?
C.O.: Effectivement, les créances représentent plusieurs centaines de milliers d’euros, mais nous n’avons pas renoncé à nous faire payer car la CCI est l’autorité concessionnaire et nous devons être à l’équilibre. Nous sommes responsables de nos comptes! Nous sommes en tractations avec l’armateur pour essayer de se faire payer.
JMM: De plus, Toulon a piqué le trafic d’UN Ro-Ro à Marseille non?
C.O.: Nous n’avons rien piqué du tout! UN Ro-Ro est venu car la place était libre. Que le camion débarque à Marseille ou Brégaillon ne fait pas une grosse différence. En revanche, à Toulon nous avons la paix sociale… Cette ligne permet de maintenir les emplois de dockers affectés autrefois au service Toulon-Rome.
JMM: Comment voyez-vous l’évolution du marché de la croisière à Toulon?
C.O.: Autant le marché du ferry ne m’inquiète pas, autant le marché de la croisière est beaucoup plus volatil. Cette année, nous allons perdre MSC Croisières qui se renforce à Marseille où ils sont actionnaires du terminal croisières MPCT. Toulon a connu une période de forte croissance mais nous devons investir dans une nouvelle gare croisière plus moderne.