Le numéro 987 du Journal de la Marine Marchande daté du jeudi 3 mars 1938 publie un article de Georges Hecquet, président de l’Association des employeurs de main-d’œuvre dans les ports de France (devenue depuis lors l’Union nationale des industries de la manutention, Unim). Dans cette tribune, le président de l’AEMO met en avant les coûts de la main-d’œuvre portuaire avec le passage de la loi des 40 heures. « Les Chambres de commerce maritimes, l’Association des grands ports français, les doléances de l’administration des Ponts et chaussées, de la direction des ports et voies navigables, la direction de la flotte de commerce au département de la Marine marchande s’accordent pour établir et chiffrer le préjudice considérable causé au rendement des engins des ports, qu’ils soient la propriété des collectivités publiques ou prouvées, par l’application viciée, erronée de la loi des 40 heures », souligne le président de l’AEMO. Sur ce qui deviendra les six ports maritimes autonomes, Dunkerque, Le Havre, Rouen, Nantes et Bordeaux, les salaires de base ont augmenté de 33 % à 58 %, rappelle Georges Hecquet. Et il va plus loin en affirmant que « la loi des 40 heures, loi de limitation du travail humain, a été appliquée à la machine ». Et, déjà à l’époque, le président de l’association revient sur la nécessité d’avoir des ports qui fonctionnent 24 heures sur 24.
Ainsi, les investissements réalisés par les opérateurs publics et privés ne peuvent plus atteindre le rendement minimum pour être rentabilisé. « Tant que la main-d’œuvre s’inscrira dans le prix de revient général pour une part supérieure à celle résultant du calcul mathématique du pourcentage que représentent, dans le dit prix de revient, les accroissements de charges sociales, la loi des 40 heures sera faussée en son application. » Georges Hecquet appelle à une réforme des charges supplémentaires telle que la loi le prévoit pour certains types de trafic. Il replace la position des industries de la manutention dans leur contexte: « Industrie auxiliaire de l’armement, que le port est fait pour le navire et non l’inverse et que tout ce qui aggrave le coefficient d’exploitation des unités marchandes nuit à la conservation ou au développement du trafic. »
À l’heure ou la Cour des comptes publie son rapport sur le salaire moyen d’un grutier dans le port de Marseille, cette tribune reprend tout son sens. En 1938, le président de l’Association des employeurs de main-d’œuvre dans les ports parle d’indemnités, d’heures supplémentaires et d’heures de nuit; aujourd’hui, la Cour des comptes parle de bakchich ou de forfaits. En 73 ans, le problème du coût réel d’un ouvrier portuaire n’a que peu avancé.