Le transmanche sort groggy de la crise de 2008-2009. Le fret sur le détroit évolue finalement très peu en volume de 2009 à 2010, mais à des prix de 20 % à 30 % moins élevés qu’au premier semestre 2008. Les routes maritimes ont dû faire de la place aux navettes d’Eurotunnel, en progression de 42 %. Après une catastrophique année 2009 suivant l’incendie du 11 septembre 2008, le tunnel a quasiment retrouvé ses parts de marché antérieures, mais non son chiffre d’affaires. Un léger mieux, de l’ordre de 4 %, s’est ressenti dans les derniers mois sur le fret du détroit. Janvier a mieux débuté avec 9 % de hausse. Reste que la perte de chiffre d’affaires fret, qui pèse 70 % des recettes des compagnies maritimes, est de l’ordre de 40 % comparée à l’avant-crise. On imagine l’effet de l’entrée en scène des Spirit de P&O Ferries. La Manche ouest perd plus de 10 % de son fret. Portsmouth concentre les passages sur la route de Caen, en hausse de 7,2 % à 116 000 pièces. L’année est de nouveau très mauvaise pour Cherbourg qui perd 20,5 % pour 55 600 unités, avec une chute de 35 % vers la Grande-Bretagne. L’affrètement du Norman-Voyager et sa capacité de 120 camions permettent à Celtic-Link de retrouver des couleurs. La route Cherbourg-Irlande progresse ainsi de 17 % à 26 000 ensembles.
Côté passagers, alors qu’Eurostar gagne encore 3 % et s’approche des 10 millions de passagers, le détroit surprend avec une progression de près de 7 % pour 5,13 millions de clients transportés. Mais souvent à coups de promotions. Les navettes d’Eurotunnel s’adjugent la plus forte hausse avec 10,6 % de mieux, pour se hisser à 42,5 % de part de marché. La route Calais-Douvres progresse en volume mais recule en part de marché.
Appel au tourisme
En manche Ouest, où le tourisme est le nerf de la guerre, contrairement au détroit, Portsmouth concentre une grande part du marché britannique. Caen-Portsmouth gagne du terrain à plus d’un million de passagers, la route du Havre réalise un score honorable avec 270 000 passagers pour LD Lines, les autres routes vers la Grande-Bretagne souffrent.
Brittany Ferries est l’acteur central en Manche Ouest. Le transfert du Cap-Finistère à la route Portsmouth-Santander n’est pas qu’une mesure de bonne gestion de flotte. Il a été insuffisamment rempli. Jean-Marc Roué, président du directoire, constate une « concentration des flux sur le détroit et les routes principales à l’ouest », et de sérieuses difficultés pour « les ports périphériques ». Au point que sur ces routes, il devient délicat de payer les coûts fixes des superbes navires modernes « que nous ne pouvons pas couper en deux ». La crise appuie là où cela fait mal, et révèle dix ans de dégradation: perte des trippers du duty free et des chauffeurs amateurs de ferries à l’ouest, montée en puissance d’Eurotunnel: « la Manche et le détroit ont perdu 10 millions de passagers en dix ans, de 40 millions à 30 millions aujourd’hui », rappelle le patron de l’armement breton. Le million de passagers de Cherbourg est divisé par deux, celui de Dieppe est divisé par quatre, au prix fort. S’ajoute à cela « une préférence grandissante des britanniques pour l’Espagne ». Jean-Marc Roué sonne le tocsin, et demande une mobilisation pour promouvoir la destination France, le grand ouest en particulier.