Invitée à confirmer le décès, le 14 février, du commandant qui était en charge du CMA CGM-Lapérouse lors de son abordage avec un fluvio-maritime en décembre (JMM du 14/1; p. 13) et aux circonstances de ce décès, la compagnie a répondu: « C’est avec une grande tristesse et beaucoup d’émotion que le groupe CMA CGM a appris la disparition tragique du commandant [nom volontairement omis par la rédaction]. Âgé de 47 ans, père de famille, il avait rejoint la compagnie en 1986 à l’issue de sa formation à l’École nationale de la marine marchande, avait navigué sur ses plus grands navires et effectué de nombreuses missions à terre. Il devait prendre, lundi 14 février, un nouveau poste à terre. La direction du groupe s’associe à la douleur de la famille, de ses proches, de ses collègues et met tout en œuvre pour les accompagner et les soutenir dans ce moment douloureux. Par ailleurs, une cellule d’écoute et de soutien a été mise en place au siège du groupe afin d’accompagner chacun des salariés affectés par ce tragique événement. »
La vingtaine de navires sous registre français a reçu une version détaillée sur les circonstances de la disparition du commandant: le tract de la CFDT évoque le « harcèlement moral » exercé par un cadre très proche de Jacques Saadé. Il retranscrit également le « message testamentaire » que le commandant a adressé à quelques personnes avant de se suicider. On imagine le « message » que la direction de la compagnie vient d’envoyer aux bords. De quoi susciter des vocations. La réputation « sulfureuse » qu’avait la CMA des années 1980 chez les sédentaires marseillais, refait surface.
Le 15 février s’est tenue à Marseille une réunion avec les syndicats et Farid Salem, « visiblement ému », a estimé une source syndicale. Le d.g. adjoint aurait reconnu un dysfonctionnement de la compagnie et se serait engagé à faire tout ce qu’il est possible de faire pour assister la famille du commandant. Sur le fond, des réunions de travail ont été programmées pour trouver des solutions aux nombreux problèmes vainement soulevés depuis des années. « Les bords ont de fortes attentes. Mais pourquoi faut-il toujours une crise pour que la direction en prenne conscience? » D’ici quelques jours, il devrait être précisé que le cadre mis en cause par le commandant n’aura plus aucune responsabilité en matière de gestion du personnel. La CMA CGM n’a pas répondu à la question relative au départ « négocié » du jeune lieutenant qui était, a priori, seul à la passerelle lors de l’abordage en fin de journée, en plein hiver; abordage qui n’a fait ni blessé ni pollution.
Le capitaine d’armement est reparti en mer préparer sa prochaine retraite; le commandant est mort et le lieutenant, parti. Il ne reste plus « qu’à » attendre la publication du rapport du BEAmer sur les enseignements à tirer de cet événement de mer. Les conséquences profondes que ce dernier laissera dans la famille du commandant et dans l’esprit de ses collègues ne feront l’objet d’aucun rapport.