La grande pêche morutière par les marins qui l’ont vécue

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Une bonne surprise au final, ce livre sur l’histoire de la pêche à la morue au large de Terre-Neuve. Il faut simplement dépasser la lassitude qui peut s’emparer du lecteur devant un nouvel ouvrage sur les difficultés de cette pêche, l’extrême dureté des conditions de vie des marins au cours des campagnes et le comportement souvent cynique des armateurs. Tous ces aspects sont bien présents dans le livre de Loïc Josse, qui propose un récit fondé sur les centaines de témoignages recueillis par ses soins à partir des années 1970 auprès d’anciens marins ayant participé à la traque de la morue à Terre-Neuve. Les paroles de ces derniers témoins rendent particulièrement vivante l’histoire des Terre-Neuvas, notamment dans le deuxième chapitre consacré à la description « d’une campagne aux bancs ». Loïc Josse présente également, dans un premier chapitre, « les conditions matérielles de la pêche à Terre-Neuve » où sont notamment décrits tous les types de voiliers morutiers, photographies et croquis à l’appui. Pour illustrer son livre, l’auteur a eu accès à de nombreuses archives, aussi bien celles de particuliers que des armements. L’auteur traite également du retour à terre du Terre-Neuva, synonyme de « vie familiale et de réintégration sociale ». Mais les situations apparaissent très variables. Certains Terre-Neuvas disposent d’une véritable qualification professionnelle, le plus souvent en lien avec le monde maritime, comme charpentier. D’autres se transforment en paysan pour faire fructifier leur lopin de terre ou participer aux récoltes comme celles de la bet- terave. Certains passent simplement le temps entre deux campagnes à se laisser vivre dans les différents cabarets et cafés de Saint-Malo par exemple. Il faut surtout relever que tous les Terre-Neuvas se dispersent à la fin de la campagne et conservent assez peu de lien les uns avec les autres. Ils ont travaillé ensemble et vécu de manière autarcique dans des conditions extrêmement difficiles de mars à septembre/octobre, sachant qu’à bord, « les rapports sociaux sont marqués par un certain archaïsme ». Puis tout se rompt. Une situation qui a empêché l’implantation des syndicats au début du XXe siècle et freiné l’amélioration des conditions de travail des Terre-Neuvas, assure l’auteur dans la dernière partie de son ouvrage consacré aux aspects socio-économiques de l’activité. Une fois la campagne finie, « la plupart des marins sont disséminés et isolés dans un monde rural marqué par le conformisme social et la forte influence du clergé. […] Le paternalisme de la Marine et un environnement juridique et idéologique globalement favorable aux intérêts des armateurs ne favorisent pas non plus la prise de conscience revendicative ». Enfin, précise Loïc Josse, « les Terre-Neuvas sont absents sept mois par an et ne votent guère: dans la mesure où ils ne forment pas une force électorale, ils sont négligés ou oubliés par les pouvoirs publics, mais bien souvent aussi par les syndicats eux-mêmes ».

Terre-Neuvas à l’époque des derniers voiliers de grande pêche de Saint-Malo-Cancale,

Loïc Josse, Chasse Marée/Glénat, novembre 2010. ISBN: 978-2-7234-7904-2

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