Taxe maritime: l’Australie veut revitaliser sa flotte de commerce

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« Sur les 900 Mt de marchandises qui transitent chaque année le long de nos côtes, seul un demi pourcent est transporté par des navires battant pavillon australien », a regretté Anthony Albanese, le ministre fédéral des Transports, en présentant début décembre son Livre blanc intitulé, Reforming Australia’s Shipping. Avec seulement trente navires battant pavillons australiens, sur les 4 000 unités qui croisent par an dans les eaux territoriales du pays, Anthony Albanese se demande même « s’il est encore permis de parler de flotte australienne ».

Pour le bouillant ministre travailliste, les coupables sont à chercher du côté de l’ancienne majorité conservatrice, accusée d’avoir libéralisé à outrance le secteur entre 1995 et 2007, en multipliant par trois le nombre de permis accordés aux caboteurs étrangers. Face à une concurrence qui peut jouer sur les prix en tirant sur les salaires de ses équipages ou les coûts de maintenance de ses navires, le flotte australienne sombre et diminue de moitié en dix ans, avant peut-être de disparaître complètement, « si rien n’est entrepris pour inverser la tendance », reprend Anthony Albanese, avant de présenter son plan de bataille.

Maniant avec aisance la carotte et le bâton, le ministre souhaite à la fois rendre le cabotage australien plus attractif, tout en cadrant au plus serré sur les armements étrangers. Pour commencer, le système de permis accordés aux opérateurs doit être entièrement revu. Dans le document de travail du ministère, le permis permanent est dorénavant réservé aux navires sous pavillon australien et avec équipage national, pendant que la licence temporaire sera réservée aux opérations « qui ne porteront pas préjudice à l’industrie maritime du pays », selon la formule d’Anthony Albanese. Pour résumer, les navires étrangers seront autorisés à caboter dans les eaux territoriales du pays lorsque les cargos australiens seront sur le flan où dépassés par les trafics. Une mesure très vite jugée « protectionniste », par Llew Russel, le directeur de Shipping Australia, l’association des armements du pays, composée pour les trois quarts de compagnies étrangères. Comme les principaux groupements de chargeurs du pays, il ne tarde pas à prévoir « une explosion des coûts qui peut être fatale à certaines entreprises ». Le ministre préfère de son côté mettre en avant l’exemple du cabotage US battant entièrement pavillon étoilé, « au nom de la sécurité nationale ».

S’inspirant encore des législations américaine et européenne, Anthony Albanese promet également la création d’une « taxe à la tonne », censée financer le développement d’une flotte australienne « moderne et performante ». Elle assurera aussi en partie la formation des marins, « sur laquelle devront s’engager les compagnies avant d’obtenir leur permis d’exploitation », précise le ministre. Une décision applaudie cette fois par le Syndicat maritime d’Australie (MUA), qui voit d’un bon œil l’arrivée de nouveaux investissements « qui, en revitalisant le secteur maritime, vont renforcer toute l’économie du pays », estime Paddy Crumlin, son secrétaire général. Autre motif de satisfaction pour le syndicat, le Livre blanc propose une série d’abattements fiscaux sur les salaires afin de faciliter l’embauche à bord des 3 000 marins inscrits en Australie et d’accélérer la création des emplois nécessaires à la croissance attendue du secteur maritime dans les années à venir. « Les trafics sont prévus pour tripler dans nos ports d’ici vingt ans. Il y a donc une formidable opportunité à saisir pour redonner un rôle actif à notre industrie maritime et sortir à terme l’Australie du rôle de client des armements étrangers dans lequel elle est aujourd’hui cantonnée », explique en aparté un conseiller du ministre.

Bien décidé à entamer un nouveau départ, Anthony Albanese assure enfin vouloir dépoussiérer le Navigation Act de 1912, en regroupant les huit différentes régulations propres à chaque État et territoire en un seul texte fédéral. « Un cadre unique avec un régulateur unique », affirme le ministre, alors que la fronde gronde déjà dans le Queensland ou le Victoria. Canberra s’est donné l’année qui vient pour convaincre du bien-fondé de sa réforme. « L’heure est à la reconstruction », insiste encore Anthony Albanese, qui d’ici à janvier prochain va rencontrer l’ensemble des acteurs maritimes du pays. Un projet de loi pourrait être présenté devant le parlement pour la mi-2012.

Création d’un « second registre »

Bien décidé à restaurer la compétitivité du pavillon australien, Anthony Albanese à remis la création d’un registre international d’immatriculations au goût du jour en Australie. Annoncé déjà en 1994, la création du AISR (Australian International Shipping Register) reste depuis cette date en discussion, avant que le ministre ne décide d’accélérer le dossier, après s’être inspiré « du modèle français des Kerguelen ». Ce pavillon offrira donc aux sociétés d’armements australiennes d’importants allégements fiscaux et salariaux. Il ne sera ouvert qu’aux navires de commerce armés au long cours ou au cabotage international. Les compagnies pourront employer des marins étrangers, qui seront rémunérés aux conditions en cours dans leurs pays d’origine. Dans le texte, seul l’encadrement de l’équipage doit pour l’instant résider en Australie. Placés sous le contrôle de l’AMSA (Australian Maritime Safety Authority), les standards de qualification et de formation des équipages restent identiques à ceux du registre national australien, tout comme les normes environnementales et de sécurité appliquées aux navires. Selon le document de travail du ministre, l’AMSA s’occupera également d’administrer ce registre, qui selon le ministre fédéral des Transports « doit remettre les armements australiens sur les grandes routes internationales ». Le tout sous un pavillon « de qualité », brandit par Anthony Albanese qui compte en faire un argument commercial face à la concurrence internationale. « Il doit refléter l’engagement du pays en matière de sécurité et de préservation de l’environnement », garantit le ministre, décidé à porter bien haut les couleurs australiennes.

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