Le coût de l’Amazonie

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Avec ses 5,2 Mkm2, l’Amazonie représente 60 % du territoire brésilien. « Cette région concentre la grande majorité de la production agricole du pays. L’État du Mato Grosso, par exemple, produit 17 Mt de grains par an. Quant au Pará, c’est le plus grand État producteur de minerai de fer du pays », rappelle Olivier Girard, consultant chez Macrologística. Pourtant, cette région de la taille de l’Europe occidentale ne dispose que de sept systèmes logistiques pour écouler ses produits importés et exportés. Ainsi, le maïs produit à Lucas do Rio Verde (Mato Grosso) et destiné à la Chine parcourt plus de 2 000 km en camion, en passant par les routes BR-163 et BR-364, avant de quitter le pays par le port de Paranaguá, au Sud, et de remonter vers le canal de Panama. Le coût du fret par tonne de maïs atteint 226 reais (99 €), dont les trois quarts couvrent les transports routiers. C’est ce qu’on appelle au Brésil le « coût Amazonie ». « Le coût logistique des produits transportés dans la région, pour l’import ou l’export, a atteint les 17 milliards de reais en 2008 (7,4 Md€), en intégrant les frets internes, les coûts de transferts, les tarifs portuaires et le fret maritime. Nous prévoyons d’atteindre un coût total de 33,5 milliards de reais (14,7 Md€) d’ici 2020 si rien n’est fait, car la production régionale croît, qu’il s’agisse de l’agriculture, des minerais ou de l’industrie », estime Olivier Girard.

Créer des voies fluviales

Ce manque de compétitivité sabote le potentiel amazonien. C’est pourquoi la Confédération nationale de l’industrie (CNI) et les fédérations des industries de différents États (Acre, Amapá, Amazonas, Maranhão, Mato Grosso, Pará, Rondônia, Roraima et Tocantins) ont fait réaliser une vaste étude sur le sujet. Baptisé « Norte Competitivo », ce diagnostic élaboré par la société de conseil Macrologística aura nécessité une année d’enquêtes. Il classe neuf axes logistiques prioritaires qui peuvent être décomposés en 71 projets, soit un montant de 14 milliards de reais d’investissements (6,1 Md€). « En mettant en place nos propositions, il y aurait une réduction de 3,8 milliards de reais par an, et les 14 milliards d’investissement seraient rentabilisés en moins de quatre ans par les économies générées », assure le consultant, directeur de l’étude. Pour ce faire, il faudrait améliorer la qualité des axes existants (la BR-364, la voie fluviale du Rio Madeira et l’axe Manaus-Belém-Brasília), étendre les chemins de fer Ferronorte et Carajas, et créer de nouveaux axes. La mise en fonctionnement de la voie fluviale Juruena/ Tapajós permettrait d’écouler les grains depuis la région Nord du Mato Grosso jusqu’au fleuve Amazonas et générerait des économies substantielles. Pour reprendre l’exemple du maïs produit à Lucas do Rio Verde, son acheminement par voie fluviale jusqu’au port de Vila do Conde pourrait ainsi réduire la valeur totale du fret jusqu’en Chine à 136 reais (59,80 €). 30 Mt de marchandises pourraient être transportées par ce biais. Sans oublier d’autres axes pertinents tels que les voies fluviales Paraguai/Paraná et Tocantins.

Rénover les ports et convaincre le gouvernement

Du côté des ports, Olivier Girard demeure circonspect: « Sur les 51 ports de la région, la grande majorité est constituée de rampes en ciment et de barges. Parmi les sept ports principaux, un seul (Vila do Conde) opère au-delà de ses capacités. Mais d’ici dix ans, en raison de l’augmentation de la production, Itaqui, Porto Velho, Ponta da Madeira et Hermasa Graneleiro à Itacoatiara devraient connaître la même situation. » La question du stockage est plus problématique: deux ports seulement (Alumar et Hermasa Graneleiro) ont des infrastructures suffisantes. Selon l’étude, les ports de la région nécessiteraient un investissement de 2,6 milliards de reais (1,1 Md€), dont 1,4 milliard de reais à court terme.

Étonnamment, sur les 71 projets présentés par l’enquête, à peine la moitié est envisagée au sein du Programme d’accélération de la croissance (PAC), le vaste programme d’investissements lancé par le président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva dans les infrastructures. « Le problème du PAC, c’est que les projets sont abordés de manière isolée, le système n’est pas envisagé dans sa globalité », déplore Olivier Girard. Néanmoins, les commanditaires de l’enquête Norte Competitivo espèrent bien faire entendre leur point de vue en présentant prochainement l’étude au gouvernement fédéral. « C’est la première fois que le secteur privé fait une mise au point sur ce dont il a besoin, note le consultant. Le potentiel amazonien est en jeu. »

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