L’agitation qui règne aux abords de l’entrée du port de la ville de Praia sur l’île de Santiago situe bien ce port en Afrique. « Une grande partie du transit portuaire concerne le trafic domestique entre les îles. Et on considère que 10 % à 15 % de la marchandise sont d’ordre individuel. Cela explique en partie la présence de nombreuses personnes qui proposent leur service d’aide aux démarches administratives ou de transport contre quelques billets », explique le commandant Paiva Jorge do Rosário, directeur opérationnel du port de Praia. Passée l’entrée d’apparence chaotique, le port se révèle être en plein changement: la première phase de son expansion vient de s’achever, et la seconde phase sur le point de démarrer. Entamés en 2008, les travaux se sont achevés cet été, respectant ainsi le cahier des charges. L’expansion du port de Praia est financée par le Millenium Challenge Corporation (MCC), le fonds d’aide des États-Unis, qui a débloqué une enveloppe globale de près de 110 M$, répartis entre l’expansion du port proprement dite et des projets d’agriculture et de développement de petites et micro-entreprises. Le MCC a mis en place un projet global, destiné à alimenter le chargement de retour des navires. Le Cap Vert au climat de type sahélien ne possède pas de ressources naturelles, et sa capacité agricole est limitée. Le projet agricole est donc articulé avec le développement du port. « Nous avons tenu nos engagements et respecté les délais. Avec le démarrage (octobre 2010) de la seconde phase d’extension du port, nous serons opérationnels à 100 % de nos capacités dans une trentaine de mois », se félicite le commandant Paiva do Rosário.
Un soin particulier à la logistique
Avec la fin des travaux et la mise en service des installations, Praia espère atteindre une rotation de 200 000 conteneurs par an contre 25 000 à 26 000 actuellement. La première phase des travaux a permis la construction d’une vaste zone logistique consacrée aux chargements/déchargements, aux entrepôts et aux services administratifs et douaniers. Construite en bordure du port, la zone est désormais directement desservie par une nouvelle route de 2 km reliant la capitale, Praia, qui représente 37 % de l’activité économique de l’archipel. L’objectif est de décongestionner les abords de la zone portuaire et de relier les terminaux pétroliers (Shell, Enacol). Cependant, les deux entrepôts de 5 000 m2 destinés aux agents portuaires et à l’administration ne seront pas conclus avant le premier semestre 2011. La deuxième phase du projet concerne le port lui-même, avec l’extension du quai no 1, actuellement de 233 m, portée à 450 m. La profondeur sera portée de − 9 m actuellement à − 13, 50 m. La structure permettra d’accueillir jusqu’à 3 navires de long cours, l’extrémité sud du quai sera réservée aux liquides et au ciment. Un terminal de conteneurs de 8 ha va être associé au quai no 1 et le dispositif sera complété par la construction d’une digue de protection et des opérations de dragage pour faciliter la navigation portuaire. « Nous visons le plus long terme, mais d’ici 2030 nous serons en mesure de générer et gérer le transport de 2 Mt de marchandises », annonce le commandant Paiva do Rosário.
Une stratégie globale
« Le développement du Cap Vert passe par son expansion portuaire à long terme, pour assurer la pérennité dans un contexte de mondialisation qui ne permet pas à des nations réduites de rester compétitives. » Dans son bureau du port de Porto Grande à Mindelo (île de Saint Vincent), Jorge Pimenta Maurício, directeur exécutif du port, évoque le changement de paradigme en préparation. Le gouvernement cap-verdien a prévu trois axes de développement: le transport de conteneurs, la pêche et les croisières. Le projet pour Mindelo est très ambitieux et représente un investissement de 300 M€. « Notre projet est sérieux, les études de viabilité sont faites. Mais nous n’avancerons qu’avec des partenaires privés fiables », temporise Jorge Maurício. Sans s’aventurer dans les détails, le responsable d’Enapor, l’administration portuaire de Porto Grande, fait part de négociations en cours avec les grands transporteurs internationaux. Le dossier cap-verdien repose sur une stratégie de création et renforcement de nouvelles routes maritimes sur l’axe nord de l’Europe/sud de l’Amérique latine. « Le commerce s’intensifie avec cette partie du globe, notamment au Brésil où la stratégie portuaire est tournée vers les gros porteurs. Le Cap Vert peut jouer un rôle à la fois de feeder et de relais pour les navires voulant approvisionner l’Afrique, il bénéficie d’un emplacement géographique inégalé au milieu de l’Atlantique et le port de Mindelo n’a pas besoin d’être dragué », explique le responsable portuaire. Toutefois, dans un contexte fortement concurrentiel – les concurrents directs sont La Palmas (Canaries) et Dakar (Sénégal) – le responsable du port préfère adopter un profil réaliste et mise sur les atouts de son pays pour convaincre les partenaires privés.